Depuis que les autorités saoudiennes ont décidé de commencer l’année par une exécution de masse, la région du Golfe s’embrase. Dans le funeste lot des condamnés figurait un haut dignitaire chiite, le cheikh al-Nimr. De quoi faire rentrer Téhéran dans une colère noire. Le Guide suprême Ali Khamenei a même promis une vengeance de «la main divine». Alors que les relations entre d’une part les Saoudiens et leurs partenaires et de l’autre Téhéran ne cessent de se détériorer, les manifestations redoublent. Et les Etats-Unis dans tout cela ? A l’instar d’autres gouvernements occidentaux, ils se sont montrés critiques envers leurs alliés du Golfe. Pour eux, le comportement de Riyad est préoccupant. Pourtant, du côté de Washington, on n’a jamais cessé de rappeler l’amitié qui lie l’Amérique et son allié du Moyent-Orient. Alors véritables inquiétudes ou indignation de circonstance ?
Une rare critique diplomatique
Après les décapitations de samedi, le département d’Etat américain a publiquement exprimé sa désapprobation quant à la décision de Riyad, ce qui est assez rare pour être souligné : «Nous avons déjà exprimé nos préoccupations en ce qui concerne le processus judiciaire en Arabie saoudite et nous avons fréquemment fait part de nos inquiétudes dans les hautes sphères du gouvernement. Nous réaffirmons nos appels à respecter et protéger les droits de l’Homme et à garantir une justice équitable en toute circonstance.» Des propos qui font écho à ceux du conseiller adjoint de la Maison-Blanche à la Sécurité nationale, Ben Rhodes : «Les Etats-Unis sont inquiets de la situation des droits de l’Homme en Arabie saoudite».
Pourtant, le régime de Riyad ne brille pas par son respect des droits fondamentaux et ce, depuis bien des années. Ce qui n’a pas empêché Washington de montrer un soutien indéfectible à son allié. Il faut dire que l’Arabie saoudite est un partenaire de choix des Etats-Unis que ce soit aux niveaux énergétique, commercial, sécuritaire et diplomatique.
Arabie saoudite mon amie
L’année dernière, le président Obama avouait d’ailleurs à demi-mot ce principe de réalité : «Parfois, vous avez à mettre en balance notre besoin de leur parler des droits de l’Homme avec nos problèmes immédiats que sont la lutte contre le terrorisme ou la stabilité régionale.» Quand on connaît les accusations de soutien au terrorisme dont le régime de Riyad est régulièrement la cible, on se dit que l’argument risque de ne pas faire mouche.
En septembre dernier, la Maison Blanche avait sorti le tapis rouge pour accueillir le roi Salmane, courroucé par l’accord sur le nucléaire iranien. Barack Obama avait tenté de rassurer son allié tout en rappelant la collaboration «extrêmement étroite» entre les deux nations. «L’accélération» dans les livraisons d’armement américain à destination de Riyad n’était bien sûr pas étrangère à la rencontre.
A la même époque, le département d'Etat avait d'ailleurs salué la nomination de l'Arabie saoudite à la direction du panel du Conseil des droits de l'Homme de l'ONU pendant que des centaines d'observateurs s'étouffaient à travers le globe.
Quelques mois avant, en mai, Barack Obama avait reçu dans le Bureau ovale les princes Mohammed ben Nayef et Mohammed ben Salman, fils du roi et ministre de la Défense. Il n’avait alors pas tari d’éloge sur le rôle de l’Arabie saoudite dans la lutte contre le terrorisme.
Comme on peut le constater, la position de Washington est délicate. Chantres du respect des droits de l’Homme, les Etats-Unis ne peuvent pas rester muet face aux actes de l’Arabie saoudite. Dans le même temps, impossible également de froisser sérieusement un pays allié avec lequel on entretient autant de relations et... partage autant d’intérêts.