Soudan : malgré la médiation américano-saoudienne, les combats et les exactions se multiplient
- Avec AFP
Les combats continuent à Khartoum entre l'armée et les paramilitaires en dépit des discussions menées par Riyad et Washington. Depuis le 15 avril, le conflit a fait plus de 1 800 morts et 350 000 personnes ont fui le pays.
Une vingtaine de civils ont été tués dans des bombardements sur un marché de Khartoum, dernier épisode meurtrier d'une guerre soudanaise qui ne connaît pas de répit ce 1er juin après le retrait de l'armée des négociations en vue d'un cessez-le-feu.
Depuis le début des combats le 15 avril, l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont accepté une dizaine de trêves avant de les violer aussitôt.
Un marché bombardé par l'armée
Les Etats-Unis, qui supervisaient depuis près d'un mois avec l'Arabie saoudite des discussions entre les deux camps, ont dénoncé ce 1er juin de «graves violations», mais sans activer les «sanctions» qu'ils brandissaient il y a quelques semaines. «Les Etats-Unis et le royaume d'Arabie saoudite sont prêts à reprendre la facilitation des discussions», a déclaré ce même jour un porte-parole du département d'Etat américain, au lendemain du retrait de ces discussions en Arabie saoudite des émissaires de l'armée. Mais à une condition: «Une fois que les forces auront montré clairement par leurs actions qu'elles veulent sérieusement respecter le cessez-le-feu».
Sur le terrain, les violences ne connaissent pas de répit. Le 31 mai, «18 civils ont été tués et 106 autres blessés» par les tirs d'artillerie et les bombardements aériens de l'armée sur un marché dans le sud de Khartoum, rapporte un comité d'avocats des droits humains. Confirmant ce bilan, le «comité de résistance» du quartier des victimes, qui organise l'entraide entre les habitants, a dénoncé une «situation catastrophique», lançant un appel «urgent» pour «des médecins et des dons de sang».
Au même moment, les FSR tiraient sur des civils «qui voulaient les empêcher de voler la voiture de l'un d'eux», indique le comité d'avocats. «Trois civils sont morts après avoir été touchés par des balles et empêchés par les FSR d'aller à l'hôpital».
L'armée a également bombardé le 31 mai à l'artillerie lourde les bases des FSR à Khartoum, installées de longue date au cœur de quartiers résidentiels, ont rapporté des habitants à l'AFP.
13,6 millions d'enfants ont besoin d'aide
Au 48e jour de combats ininterrompus, qui ont déjà fait plus de 1 800 morts selon l'ONG Acled, plus d'un million de personnes, principalement des Soudanais mais aussi des réfugiés au Soudan, sont déplacés dans le pays.
Selon l'Unicef, plus de 13,6 millions d'enfants ont besoin d'aide humanitaire au Soudan, dont «620 000 en état de malnutrition aiguë qui, pour moitié, pourraient mourir s'ils ne sont pas aidés à temps». En outre, 350 000 autres personnes ont fui dans les pays voisins : la moitié en Egypte, les autres au Tchad, au Soudan du Sud, en Centrafrique ou en Ethiopie, tous en proie à des violences et qui redoutent une contagion. Car la situation devient chaque jour plus critique : le Soudan est au bord de la famine selon l'ONU et la saison des pluies approche avec le risque d'épidémies.
Toujours aucun couloir n'a été dégagé pour permettre le passage de l'aide humanitaire, dont ont désormais besoin 25 des 45 millions de Soudanais, toujours selon l'ONU. Les rares cargaisons qui ont pu être acheminées ne couvrent qu'une infime partie des immenses besoins.
Des risques de contagion dans le Darfour
Déjà avant la guerre, un Soudanais sur trois souffrait de la faim, les longues coupures d'électricité étaient quotidiennes et le système de santé au bord de l'écroulement.
Les combats sont les plus violents au Darfour, frontalier du Tchad, dont certaines zones sont totalement coupées du monde, sans électricité ni téléphone. Là, de nouveaux appels à armer les civils font redouter une «guerre civile totale», selon le bloc civil évincé du pouvoir par le putsch de 2021 des deux généraux alors alliés.
Depuis le début de la guerre, le syndicat des médecins dénonce l'occupation de plusieurs hôpitaux par des belligérants. Les trois-quarts d'entre eux dans les zones de combat sont hors d'usage, les autres doivent composer avec des réserves quasiment vides et des générateurs à l'arrêt faute de carburant.