Le premier lanceur d'alerte contemporain met en garde contre un risque de «guerre nucléaire»

Le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg, le 1er juin 2013, lors d'une manifestation de soutien à Bradley Manning, à Fort Meade dans le Maryland (image d'illustration).© NICHOLAS KAMM Source: AFP
Le lanceur d'alerte Daniel Ellsberg, le 1er juin 2013, lors d'une manifestation de soutien à Bradley Manning, à Fort Meade dans le Maryland (image d'illustration).
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Agé de 91 ans, Daniel Ellsberg est devenu, avec les Pentagon papers, le premier lanceur d'alerte de notre époque. Expliquant être atteint d'un cancer avancé, il appelle à une mobilisation contre une escalade nucléaire de la guerre en Ukraine.

Considéré comme le premier lanceur d'alerte de notre époque, l'Américain Daniel Ellsberg a rendu publique le 2 mars une lettre dans laquelle il annonce à ses proches avoir un cancer du pancréas à un stade très avancé, ses médecins lui ayant expliqué qu'il ne lui restait plus que quelques mois à vivre.

Cet ancien analyste militaire, à qui l'on doit notamment la diffusion en 1971 des «Pentagon papers» qui ont mis en lumière de nombreux éléments relatifs à la planification américaine de la guerre du Vietnam, explique avoir initialement adressé sa missive à ses amis de la mouvance anti-guerre. Au-delà d'y exposer son état de santé, il y tire donc la sonnette d'alarme face aux derniers développements du conflit en Ukraine, estimant qu'une guerre nucléaire n'avait jamais été aussi proche.

Le risque actuel de guerre nucléaire, [au regard de la situation en] Ukraine, est le plus grand que le monde ait jamais connu

«Au moment où j'écris, la "modernisation" des armes nucléaires est en cours dans les neuf Etats qui les possèdent [les Etats-Unis surtout]. La Russie profère des menaces monstrueuses de déclencher une guerre nucléaire pour maintenir son contrôle sur la Crimée et le Donbass comme les dizaines de menaces tout aussi illégitimes que le gouvernement américain a proférées par le passé pour maintenir sa présence militaire [à travers le monde]. Le risque actuel de guerre nucléaire, [au regard de la situation en] Ukraine, est le plus grand que le monde ait jamais connu», écrit en effet celui qui s'est déjà élevé à plusieurs reprises contre les interventions militaires de son pays de part et d'autre du globe.

Les menaces de déclenchement d'une guerre nucléaire [...] sont et ont toujours été immorales et insensées, quelles que soient les circonstances

Selon Daniel Ellsberg, la Chine et l'Inde seraient ainsi les seules puissances détentrices d'armes nucléaires à défendre des politiques de leur «non-utilisation en premier», dont le principe est de lutter contre la prolifération nucléaire et de limiter le risque d'escalade. L'expert militaire déplore en revanche l'attitude d'autres pays, mentionnant les Etats-Unis et certains de ses alliés de l'OTAN, ainsi que la Russie, qui, à ses yeux, ne reconnaissent pas que «les menaces de déclenchement d'une guerre nucléaire [...] sont et ont toujours été immorales et insensées, quelles que soient les circonstances».

«Il n'y a pas eu de plus grande cause à laquelle j'aurais pu consacrer mes efforts. [...] Nous savons qu'une guerre nucléaire entre les Etats-Unis et la Russie signifierait un hiver nucléaire : plus de cent millions de tonnes de fumée et de suie provenant d'incendies dans les villes touchées [...] seraient projetées dans la stratosphère où elles ne pourraient pas retomber et envelopperaient le globe en quelques jours. Ce nuage bloquerait jusqu'à 70% de la lumière du soleil pendant des années, détruisant toutes les récoltes dans le monde et provoquant la mort par famine de la plupart des [êtres vivants] de la planète», met en garde ce fervent militant anti-guerre.

Des tensions entre la Russie et l'Occident encouragées au quotidien sur la scène médiatique

Ces mots de Daniel Ellsberg s'inscrivent à rebours d'un discours autrement plus belliciste, qui bénéficie jusqu'alors d'une place choix au sein des sphères politico-médiatiques des pays impliqués, d'une façon ou d'une autre, dans la guerre en Ukraine.

En témoigne par exemple une analyse publiée début mars dans les colonnes du Monde diplomatique, portant sur la couverture médiatique occidentale du conflit, intitulée : «Les médias, avant-garde du parti de la guerre.» Evoquant le cas de la France (qui prend part au conflit à travers l'aide militaire et financière qu'elle apporte à Kiev, ainsi qu'avec les sanctions qu'elle applique contre la Russie), ses deux auteurs, Serge Halimi et Pierre Rimbert, y imputent notamment «une ligne va-t-en-guerre» à des médias tels que «LCI et France 2, Mediapart et Paris Match, L’Opinion et Politis [ou encore] RTL et France Inter» qui, en substance, consisterait à ne valoriser «qu'une seule politique étrangère possible, celle [de] Madame Ursula von der Leyen et [du] département d’Etat américain». «Emportés par la logique de surenchère qu’ils imposent au monde politique, les médias coproduisent l’entrée en guerre progressive des pays occidentaux contre la Russie», déplorent également les deux journalistes français qui, par ailleurs, imputent aux mêmes médias une pratique consistant selon eux à «évit[er] toute mise en perspective historique du conflit et des événements qui s’y déroulent».

Témoignent également de ce bellicisme ambiant, les propos déjà entendus dans la bouche de certaines personnalités intervenant régulièrement à la télévision russe. En avril 2022 par exemple, Alexeï Jouravlev, député nationaliste à la Douma et fervent soutien de l'offensive russe en Ukraine, commentait à l'antenne de Rossiya 1 une infographie présentant une estimation du temps que mettraient des missiles russes Sarmat, après leur décollage, pour frapper des capitales européennes telles que Londres ou Paris. «Eh les gars, regardez cette image, comptez les secondes [...], "Hello", le missile est déjà là ! Laissez-les y réfléchir un peu, c'est comme ça qu'il faut leur parler, il n'y a que ça qu'ils comprennent !», s'était alors emballé le responsable politique. La portée de ce type de déclarations reste toutefois à recentrer dans le cadre de la doctrine nucléaire défendue par Moscou selon laquelle la Russie ne peut réagir à l’aide de l’arme nucléaire qu'«en réponse à une agression au moyen d’armes de destruction massive ou à une agression à l’aide d’armes classiques, lorsque l’existence même de l’Etat est menacée».

La surenchère médiatique qui alimente régulièrement les opinions publiques sur le conflit en Ukraine sera-t-elle contrebalancée par les efforts de désescalade dont Daniel Ellsberg se fait le promoteur ? Dans sa dernière lettre, le lanceur d'alerte appelle haut et fort ses lecteurs à combattre «l'aveuglement moral volontaire de leurs dirigeants passés et actuels» en la matière. 

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