A petits pas, le Hamas reprend la route de Damas après 10 ans de rupture

A petits pas, le Hamas reprend la route de Damas après 10 ans de rupture© Syrian Presidency Facebook page / AFP
Le président syrien Bachar el-Assad recevant le chef des relations arabes du Hamas, Khalil al-Hayya et le chef du groupe militant palestinien Jihad islamique, Ziad al-Nakhala dans la capitale Damas, le 19 octobre 2022.
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Une délégation du Hamas s'est rendue à Damas pour renouer avec le gouvernement syrien. En se rapprochant de Bachar el-Assad, le mouvement islamiste gazaoui évite ainsi l'isolement géopolitique et met fin à 10 années de mésentente.

Décidément au Moyen-Orient, toutes les routes mènent à Damas. Après le renouement syrien avec les Emirats et Bahreïn, les insistances algériennes et égyptiennes pour revoir la Syrie au sein de la Ligue arabe, c'est au tour du Hamas de faire la route vers la capitale syrienne après plus de 10 ans de rupture.

«C'est un jour de gloire, un jour important, au cours duquel nous rétablissons notre présence en Syrie et reprenons le travail conjoint» avec Damas, a déclaré le 19 octobre Khalil Hayya, chef du bureau des relations arabes et islamiques du Hamas.

Khalil Hayya a été reçu par le président syrien Bachar el-Assad dans le cadre d'une délégation de formations palestiniennes. «Cette rencontre est historique. Elle constitue un nouveau départ pour l'action palestino-syrienne», a affirmé le responsable du mouvement islamiste gazaoui lors d'une conférence de presse.

Dans un communiqué rapportant la rencontre avec les organisations palestiniennes, la présidence syrienne a affirmé qu'«en dépit de la guerre menée contre la Syrie, cette dernière n'a jamais changé ses positions soutenant la résistance» face à Israël.

Selon un haut responsable du Hamas, cité par l'AFP, le mouvement s'apprête dans une «première étape» à rouvrir un «bureau de représentation à Damas». «Il est toutefois trop tôt pour parler de déplacer le siège à Damas», a-t-il dit à l'agence de presse française.

«Nous sommes d'accord avec le président pour tourner la page et aller de l'avant», a ajouté Khalil Hayya.

Eviter l'isolement

Cette décision de renouer officiellement avec Damas s'inscrit également dans une volonté palestinienne de changer de paradigme politique. Alors que les différentes factions palestiniennes se sont rassemblés à Alger du 11 au 13 octobre pour signer un accord de réconciliation, le Hamas cherche surtout à éviter l'isolement géopolitique. 

Compte tenu du récent rapprochement entre les pays du Golfe et Israël, la résistance palestinienne n'est plus un objectif affiché, bien au contraire. De surcroît, la réconciliation entre la Turquie et l'Etat hébreu en août dernier a porté un coup fatal au Hamas qui disposait de plusieurs bureaux sur place. Du fait de ce réchauffement diplomatique, Ankara, qui partageait pourtant les mêmes accointances fréristes avec le mouvement gazaoui, a retiré ses représentations de son territoire.

Ce rapprochement avec Damas serait donc avant tout un choix pragmatique pour rester dans le «Front du refus», axe qui rejette catégoriquement toute normalisation des relations avec l'Etat hébreu. Ce rabibochage a même été prévu de longue date. Plusieurs officiels du Hamas ont fait le déplacement à Beyrouth pour rencontrer les cadres du Hezbollah. Le secrétaire général du parti libanais Hassan Nasrallah avait par ailleurs rencontré le chef du bureau politique du mouvement palestinien, Ismail Haniyeh, en juin dernier. Fidèle allié de Damas, le parti chiite libanais et l'Iran ont milité pour un réchauffement des relations. Téhéran souhaite ainsi renforcer son alliance régionale opposée aux intérêts israéliens et américains.

10 années de mésentente 

Ce revirement géopolitique met ainsi fin à une brouille de plus de 10 ans entre le mouvement islamiste gazaoui et le gouvernement syrien. Le Hamas avait pourtant trouvé refuge en 2000 auprès de Damas après avoir été éjecté de Jordanie en 1999. La Syrie d'Assad était un fervent défenseur de la «résistance palestinienne» et abritait des cadres du mouvement dans sa capitale. Cette relation fusionnelle permettait ainsi au Hamas de développer des liens à l'extérieur de l'enclave de Gaza. 

Mais cette relation s'est détériorée à l'aube des «printemps arabes» et notamment de la situation tendue en Syrie. Dès 2012, le chef du bureau politique du Hamas à l'étranger Khaled Mechaal fait ses valises et quitte Damas pour Doha, principal sponsor des soulèvements arabes. Le dirigeant du mouvement islamiste palestinien prend officiellement fait et cause pour les insurgés syriens lors d'un discours en Turquie en septembre 2012. 

D'après certaines sources proches du Hezbollah et du gouvernement syrien, les brigades Izz al-Din al-Qassem, branche armée du Hamas, auraient participé de manière active à la guerre en Syrie aux côtés des rebelles et des djihadistes. Plusieurs miliciens auraient notamment supervisé l'entraînement des Brigades Al-Waleed et de la Brigade Al-Farouq dans des combats contre le Hezbollah et l'armée loyaliste syrienne lors de la bataille de Qussaïr à la frontière libanaise en mai 2013. Ils auraient notamment partagé leur expertise en matière de construction de tunnels.  La même année, la prêche de l'imam frériste Youssef al-Qaradawi à la mosquée al-Doha en présence de Khaled Mechaal provoque l'ire de Téhéran et du parti chiite libanais. Le cheikh égyptien qualifie la milice libanaise de «parti de Satan» et la République islamique d'«alliée du sionisme». Résultat, l'Iran divise par deux son aide financière au Hamas et les sept bureaux du mouvement palestinien à Beyrouth sont fermés. 

Mais la radicalisation de l'opposition syrienne, la prise par Daesh du plus grand camp palestinien de Syrie Yarmouk en 2015 ou encore la tiédeur des relations avec «l'axe de la résistance» poussent le Hamas a revoir sa copie et à renouer avec Téhéran et le Hezbollah.

Ce retour au bercail du Hamas dans le giron syrien ne fait pas consensus auprès de la population gazaouie, une partie étant acquise à la cause de l'opposition syrienne. Deux camps se font plus ou moins face, l'un plutôt favorable au Qatar et donc enraciné dans un rejet de toute normalisation avec le gouvernement syrien et l'autre plus inféodé à l'Iran donc partisan d'un rapprochement avec Damas. A ce titre, des sympathisants du Hamas sont montés au créneau, à l’instar de l’analyste gazaoui Saleh Al-Naami, qui a fustigé sur Twitter un «péché moral».

Opportunisme géopolitique ou démarche sincère, ce réalignement du Hamas avec Damas profiterait surtout à ressouder l'axe iranien dans la région.

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