Israël et le Liban en passe de signer un accord «historique» pour le tracé des frontières maritimes
- Avec AFP
Après des mois d'intenses négociations, Israël et le Liban sont sur le point de signer un accord pour la délimitation des frontières maritimes. Les deux pays ennemis se disputent l'exploitation d'importants gisements gaziers.
«Le Liban a obtenu tous ses droits» dans le projet final de l'accord sur la délimitation de sa frontière maritime avec Israël, soumise par le médiateur américain, a annoncé le 11 octobre à la presse l'un des principaux négociateurs libanais. «Aujourd'hui, nous sommes parvenus à un accord qui satisfait les deux parties. Le Liban a obtenu tous ses droits et toutes nos remarques ont été prises en compte», a assuré Elias Bou Saab, vice-président du Parlement.
«Le dossier de démarcation des frontières maritimes est terminé et a été placé sous la garde du président» a-t-il ajouté. Après d'intenses négociations, Israël et le Liban semblaient le 11 octobre sur la voie d'un accord «historique» pour délimiter leur frontière maritime et lever des obstacles clés à l'exploitation de gisements gaziers en Méditerranée orientale.
Les Etats-Unis mènent depuis deux ans une médiation entre les deux voisins, officiellement en état de guerre, pour parvenir à cet accord.
Aoun et Lapid, tous deux satisfaits
Les deux pays avaient signifié début octobre leur satisfaction à un projet d'accord du médiateur américain Amos Hochstein. Mais le 6 octobre, Israël avait affirmé son refus d'une série d'amendements libanais au projet d'accord ce qui avait douché les espoirs.
Ces derniers jours, les négociations en coulisses se sont poursuivies et dans la matinée du 11 octobre, Israël a indiqué avoir reçu une réponse favorable à ses préoccupations sur les demandes d'amendements libanais.
«Toutes nos demandes ont été acceptées, les changements que nous avons exigés ont été corrigés. Nous avons préservé les intérêts sécuritaires d'Israël, nous sommes sur la voie d'un accord historique», a déclaré Eyal Hulata, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre israélien Yaïr Lapid.
Il «va renforcer la sécurité d'Israël, injecter des milliards dans l'économie israélienne et assurer la stabilité de notre frontière nord», a-t-il ajouté, précisant qu'une réunion de son cabinet de sécurité était prévue le 12 octobre sur cet «accord conclu» à l'issue d'une médiation américaine.
«Toutes nos demandes ont été acceptées», avait déclaré plus tôt Eyal Hulata, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre. A Beyrouth, la présidence libanaise a indiqué que la version finale de la proposition était «satisfaisante» pour le Liban. «Elle répond aux demandes du Liban et préserve son droit à ses richesses naturelles», a-t-elle ajouté, espérant que l'accord serait «annoncé au plus tôt».
Cette annonce survient à 20 jours de la fin du mandat du président Michel Aoun, qui expire le 31 octobre. En Israël, des législatives doivent se tenir le 1er novembre, les cinquièmes en trois ans et demi, qui pourraient consacrer le retour au pouvoir de Benjamin Netanyahu avec ses alliés des partis ultra-orthodoxes.
La semaine dernière, cet ancien Premier ministre avait fustigé ce projet, accusant M. Lapid de «donner» au Liban un «territoire souverain d'Israël», de «capituler» face au Hezbollah libanais et menaçant de ne pas respecter l'accord en cas de retour aux affaires. «Le Hezbollah, qui fait partie du Parlement libanais, est conscient de la situation économique catastrophique du Liban et il a un intérêt à ce que le Liban puisse exploiter du gaz», a commenté le 11 octobre le ministre israélien de la Sécurité publique Omer Bar Lev.
Un futur bol d'air pour le Liban?
Selon des informations de presse et des responsables, le texte prévoit que le gisement offshore de Karish soit sous contrôle d'Israël et que les réserves de Cana, situées plus au nord-est, soient octroyées au Liban. Et ce, alors que le Hezbollah avait à maintes reprises ouvertement menacé l'Etat hébreu s'il commençait l'exploitation du champ gazier de Karish.
De plus, comme une partie du gisement de Cana dépasse de la future ligne de démarcation, Israël toucherait une part des futurs revenus de l'exploitation gazière, d'après ces sources.
Mais le négociateur libanais a assuré qu'il y avait eu «un accord entre Total et les Israéliens» en vertu duquel ces derniers pourraient «recevoir des compensations» du géant énergétique et non du Liban.
Dans ce cadre, le directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la branche Exploration-Production de TotalEnergies, Laurent Vivier, est arrivé mardi au Liban, d'après l'Agence nationale d'information (ANI, officielle).
Dans un contexte où l'Union européenne cherche à diversifier ses approvisionnements en gaz en raison du conflit en Ukraine, Israël mise sur le gisement de Karish, prêt à entrer en production, pour doper ses livraisons de gaz vers le Vieux continent.
Le 9 octobre, la société Energean, mandatée pour exploiter ce gisement, a annoncé le début de tests pour raccorder au territoire israélien sa plateforme gazière offshore, étape clé pour le début de la production.
Le ministère français des Affaires étrangères a affirmé de son côté contribuer «activement à la médiation américaine», soulignant qu'un accord serait «bénéfique aux deux pays et à leurs populations». En effet, pour le Liban, l'exploitation de ces hydrocarbures lui permettrait de sortir la tête de l'eau. En effet, le pays du Cèdre est englué dans une crise multidimensionnelle entre les pénuries, l'inflation galopante, l'absence de réformes et un exode de plus en plus massif.
En juillet, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid avait évoqué ce dossier sensible avec le président Emmanuel Macron, espérant voir Paris user de son influence pour faciliter un accord avec Beyrouth, d'autant que le français Total est pressenti pour explorer le gisement de Cana.
Mais contrairement à Karish, ce gisement est encore loin de pouvoir être activé et doit faire l'objet de plus de prospection pour en déterminer les ressources gazières récupérables.