Corse : la tension reste vive dans l'île où les manifestations se poursuivent
- Avec AFP
Les manifestations de soutien à Yvan Colonna ont continué ce 10 mars en Corse après la nuit d'émeutes de la veille qui a vu le palais de justice d'Ajaccio pris pour cible. Des incidents ont éclaté en fin de journée à Bastia.
Des manifestations en soutien à Yvan Colonna et contre l'«Etat français assassin» se sont poursuivies ce 10 mars en Corse, au lendemain d'une nuit «d'émeutes» qui a vu le palais de justice d'Ajaccio pris pour cible, huit jours après l'agression en prison du militant indépendantiste.
Si la manifestation lycéenne de ce 10 mars au matin à Ajaccio s'est terminée dans le calme, des incidents ont éclaté en fin de journée à Bastia entre une vingtaine de personnes qui ont jeté des projectiles sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué avec des gaz lacrymogènes, selon un correspondant de l'AFP sur place.
Dans la matinée, environ 400 lycéens s'étaient rassemblés derrière une banderole «Per Yvan, Statu francesu assassinu» [Pour Yvan, Etat français assassin] certains, visages masqués et armés de raquettes de tennis, prêts à en découdre avec les forces de l'ordre. Mais une dizaine d'adultes se sont interposés, parvenant à empêcher les heurts, a constaté une journaliste de l'AFP.
Depuis qu'Yvan Colonna, condamné à la perpétuité pour l'assassinat du préfet de Corse Claude Erignac en 1998, est dans le coma, après avoir été agressé le 2 mars par un codétenu emprisonné pour terrorisme, les manifestations se sont multipliées dans l'île à l'appel d'étudiants, de lycéens, d'organisations nationalistes ou de syndicats.
«Les lycéens se mobilisent pour une certaine idée de la justice, qu'ils considèrent bafouée, on ne peut que les soutenir, mais par contre, on ne peut pas soutenir les débordements», a témoigné auprès de l'AFP France Battini, 52 ans, professeure d'anglais au lycée Fesch d'Ajaccio qui a tenté de calmer les jeunes.
Au total, 23 lycées ou collèges ont été partiellement bloqués ce 10 mars en Corse, sur 47 au total, selon le rectorat. Le STC (Syndicat des travailleurs corses) Education a pour sa part déposé un préavis de grève courant jusqu'au 31 mars.
Dans la nuit du 9 au 10 mars, la colère était montée d'un cran, avec des heurts violents entre certains manifestants et les forces de l'ordre à Ajaccio, Calvi (Haute-Corse) ou encore Bastia. Au moins 14 personnes ont été blessées à Ajaccio, 23 CRS et trois civils à Bastia, selon les préfectures.
Pour plusieurs observateurs, parmi lesquels le politologue Thierry Dominici, les mouvances indépendantistes plus dures sont désormais à la manœuvre dans ces manifestations qui tournent aux émeutes.
Cinq interpellations selon le procureur après les violences du 9 mars
«On a subi deux assauts hier contre le tribunal», dont un «où a priori une quinzaine d'individus sont entrés dans le bâtiment et ont incendié le rez-de-chaussée, la salle des pas perdus, dégradé du mobilier, de l'informatique et des vitres», a décrit à l'AFP Nicolas Septe, procureur de la République d'Ajaccio, en parlant «d'émeutes».
Cinq interpellations ont eu lieu, a précisé le procureur, qui a appelé «évidemment à l'apaisement général», tout en regrettant «une surenchère dans la violence [...] du côté des manifestants».
Yvan Colonna, emprisonné à Arles (Bouches-du-Rhône), demandait de longue date son rapprochement en Corse, ce qui lui avait été systématiquement refusé en raison de son statut de «détenu particulièrement signalé» (DPS).
Dans une tribune publiée par Le Monde ce 10 mars, la présidente autonomiste de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, s'est adressée au président Emmanuel Macron en estimant que «la Corse est en train de revivre de sombres heures».
«Personne, ou presque, ne croit, en Corse mais aussi ailleurs en France, à une simple agression dans les prisons françaises d'un détenu par un codétenu», a-t-elle assuré.
Le Premier ministre Jean Castex avait finalement levé le 8 mars le statut DPS d'Yvan Colonna, une décision jugée par beaucoup comme une provocation, l'ancien berger étant désormais entre la vie et la mort dans un hôpital de Marseille.
Pour les deux autres détenus du commando Erignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, «le Premier ministre aura à se prononcer prochainement» sur ce sujet, a indiqué le 9 mars le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. «Eux aussi sont en danger», selon Mme Maupertuis.
Dans un communiqué publié jeudi, l'Université de Corse a exprimé «sa profonde inquiétude face à l'escalade d’événements dramatiques dans lesquels la Corse, et tout particulièrement sa jeunesse, est plongée», tout en appelant à une «mobilisation massive» pour la manifestation prévue dimanche à Bastia.