Une «censure» : le journaliste Jean Quatremer fustige l'interdiction de RT France
Favorable à la construction européenne, l'éditorialiste Jean Quatremer s'est opposé fermement à la décision arbitraire d’interdire le média RT France sur le sol européen. «L'Europe vient de donner le mauvais exemple», explique-t-il.
Le journaliste de Libération Jean Quatremer s'est insurgé contre la décision de l'Union européenne de bannir le média RT France sur le sol européen. Dans une chronique pour France info, ce défenseur de la construction européenne a introduit son discours en estimant que l'UE portait une «atteinte inédite à la liberté d'expression» en interdisant RT et Sputnik de diffuser du contenu en Europe.
Le média russe Russia Today conteste son interdiction devant la justice européenne. La Commission a-t-elle eu raison de stopper sa diffusion ? L’édito de @quatremerpic.twitter.com/gcFLrEdV15
— la faute à l'Europe? (@lafautealeurope) March 9, 2022
Un acte «surprenant de la part de démocraties libérales puisque l'un des piliers de l'Etat de droit est [...] la liberté d'expression», affirme-t-il.
Il estime d'ailleurs que cette décision crée «un dangereux précédent». «Certes la censure a existé dans le passé, notamment en France, un pays qui a longtemps eu un problème avec la liberté de la presse», argumente-t-il.
On ne lutte pas contre la propagande en interdisant
«Mais depuis le début des années 80, cette mesure est réservée aux temps de guerre, or nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, du moins pas encore», ajoute-t-il.
Jean Quatremer rappelle d'ailleurs que durant la Guerre froide, «les journaux soviétiques n'ont jamais été interdits en Europe».
«L'argument de la propagande et des fausses nouvelles», qui seraient délivrés par RT France ou Sputnik «ne tient pas la route», assure en outre le journaliste. «On ne lutte pas contre la propagande en interdisant mais en débattant démocratiquement», appuie-t-il, soulignant que «cette censure risque d'instiller l'idée qu'elle est la bonne réponse aux fake news», une notion «difficile à cerner».
«Les Etats ont d'autres moyens pour influencer l'opinion publique, la rumeur en étant un», soutient Jean Quatremer.
«Interdire instille aussi l'idée qu'on a quelque chose à cacher qui renforce le complotisme contre lequel on prétend lutter», déplore le journaliste.
«Enfin personne n'a manifestement pensé aux télévisions publiques européennes en poste à Moscou qui risquent d'être expulsées en représailles», regrette-t-il également.
«Cette censure n'a [...] été précédée d'aucune réflexion et évidemment d'aucun débat démocratique puisque ce n'est pas une mesure démocratique. L'Europe vient de donner le mauvais exemple», conclut-il.
Il convient de rappeler, au vu des accusations formulées à l'encontre de RT France, que cette chaîne n'a jamais été sanctionnée par le régulateur des médias Arcom (ex-CSA) et que les journalistes de ce média possèdent une carte de presse française.
Dans le contexte de l’intervention militaire russe en Ukraine, la Commission européenne a invoqué la nécessité de couper tous les canaux de diffusion (satellite, web et réseaux sociaux) en Europe de «la machine médiatique du Kremlin» représentée selon elle par RT et Sputnik. RT France a introduit le 9 mars un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour faire annuler l'interdiction de diffusion qui lui est imposée par l'Union européenne depuis plusieurs jours.