France

Premiers départs pour le «convoi de la liberté» français, très scruté par le renseignement

Sur le modèle du mouvement lancé par les routiers canadiens, «des convois de la liberté» s'organisent en France. Les renseignements territoriaux décrivent une mouvance hétéroclite semblable aux Gilets jaunes, qui pourraient relancer la contestation.

Les camionneurs canadiens, qui bloquent Ottawa depuis le 29 janvier et entendent y rester jusqu'au retrait de toutes les restrictions sanitaires, ont déjà été imités en Nouvelle-Zélande et semblent également inspirer des mouvements en Europe et en France, où les autorités s'inquiètent de certains appels à converger vers la capitale française le 11 février, point d'étape avant de se rendre à Bruxelles le 14 février. Le mouvement se structure via les réseaux sociaux, dont Telegram, sur lequel le groupe Convoy France compte plus de 25 000 abonnés. Sur Facebook, le groupe «Le convoi de la liberté» affiche désormais plus de 300 000 membres, auxquels s'ajoutent environ 15 000 membres du groupe «Les motards de la liberté». Une carte interactive des trajets prévus a été mise en place, relayée par le compte Twitter European Freedom Convoy 2022. 

Des départs de convois sont prévus depuis les différents coins de l’Hexagone, avec des codes couleurs pour chaque région. Un premier départ a déjà eu lieu depuis Nice le 9 février, tandis que des départs son prévus le 11 depuis Strasbourg, Lille, Cherbourg et Charleville-Mézières. S'agissant de l'Ouest, France Bleu a détaillé les plans des participants et a pu contacter l'un des référents du «Convoi liberté Bretagne», qui a insisté sur le fait que des règles ont été établies pour «la bonne tenue de l'événement». «Le but n'est pas de mettre le bordel en France», a ainsi expliqué au média local Steeve, référent du mouvement, précisant que les participants n'ont «absolument pas prévu d'aller dans Paris», se fixant comme priorité la convergence vers Bruxelles. Une précision également apportée par Marisa, de Convoy France, interrogée par RT France le 7 février : «Nous ne bloquerons pas Paris», a-t-elle alors insisté, confirmant que l'objectif était bien selon le siège des institutions européennes. Certains participants à ce mouvement, qui n'a pas de représentant clair, ont pourtant bel et bien appelé à des blocages de la capitale française.

A l'instar du mouvement canadien, les organisateurs des convois de la liberté français mettent l'accent sur le caractère pacifique et populaire du mouvement : un message du groupe Convoy France publié le 8 février sur Telegram appelle ainsi à soutenir les participants sur leur passage avec des repas ou en proposant des hébergements. «Remettez vos lettres, dessins d’enfants, communiqués de presse, doléances, revendications, témoignages à vos représentants de collectifs ou coordinateurs qui font le convoi afin qu’elles soient remises aux élus lors d’entretiens que nous espérons tous nombreux et pacifiques afin d’ouvrir un véritable dialogue démocratique», exhorte le groupe, avec un vocabulaire et une démarche qui rappellent le mouvement des Gilets Jaunes.

Contre les restrictions sanitaires, avec des revendications sociales fortes

«On retrouve de nombreuses personnes ayant affiché leur soutien aux protestations des Gilets Jaunes», confirme Libération, citant, outre les porte-parole Maria et Marisa de «Convoy France», des émissions de médias citoyens comme Vécu, Putsch Média ou encore les directs de Jérôme Rodrigues, qui a apporté son soutien au convoi sur Twitter.

Le quotidien évoque aussi Rémi Monde, déjà «passé par les cortèges contre la loi travail, [...] les Gilets Jaunes, et par les manifestations contre la vaccination obligatoire et le pass sanitaire». Dans une vidéo publiée sur Facebook, celui-ci a détaillé les motivations du mouvement, selon lui «de grande ampleur» : «Le peuple français en a assez de vos restrictions, de vos pass, de l'augmentation du prix de l'énergie, de l'augmentation du coût de la vie», a-t-il énuméré. En remarquant, qu'à la différence du Canada, les routiers ne constitueraient pas la colonne vertébrale du mouvement, aucune organisation syndicale n'ayant appelé à rejoindre le mouvement : «Ne comptons pas sur les routiers», a ajouté Rémi Monde.

Lors de son interview à RT France, Marisa a également listé des revendications qui touchent «tous les domaines», ajoutant : «La fin permanente du pass, la liberté de déplacement, le droit de décider pour notre santé[...], la liberté d'expression, [...] le droit de vivre dignement de son travail [...], le droit au travail pour tous et sans conditions, [...] et le droit à une réelle démocratie participative pour tous les citoyens.»

Un mouvement pris «très au sérieux» par l'exécutif 

Du côté du gouvernement, l'éventuelle résurgence de la contestation est scrutée de près : le mouvement sera «suivi avec attention», relate le Parisien, qui a pu consulter une note des renseignements territoriaux datée du 7 février. Celle-ci évoque un mouvement «loin d’être solidement structuré» et relève «des tensions internes déjà observées dans le mouvement des Gilets jaunes». Pour autant, le mouvement des convois atteint des proportions suffisantes pour déclencher la mobilisation des forces de l'ordre, qui ont déjà stoppé un convoi en région parisienne le 7 février. Selon la même note, une partie des participants proposent «un blocage complet» provoquant des « ruptures d’approvisionnement en carburants et nourriture», et d’autres des «affrontements avec les forces de l’ordre».

« Nous mettons les moyens de renseignement et d’action si jamais des gens voulaient bloquer la liberté des uns et des autres, surtout un accès à la capitale», a détaillé Gérald Darmanin sur BFM TV le 8 février. «Les gendarmes sont très mobilisés et [...] nous prendrons nos responsabilités pour ne jamais laisser entraver la liberté de circulation», a complété le ministre de l'Intérieur, prévenant que «la réponse de l’État sera extrêmement ferme».  Europe 1 rapporte que «des effectifs importants seront déployés aux péages qui entourent Paris» et que «la gendarmerie se tient prête à déployer ses véhicules blindés, dans l’hypothèse où il faudrait pousser des voitures à l’arrêt ou encore participer à du maintien de l’ordre difficile». Selon la radio, «plusieurs réunions se sont tenues place Beauvau [...] spécialement sur ce sujet». Alors que le prix des carburants n'a jamais été aussi élevé, le gouvernement redoute un retour d'un mouvement de type Gilets Jaunes à Paris et un possible embrasement lié aux menaces qui pèsent sur le pouvoir d'achat.