«Effet primaire» : un sondage donnant Pécresse capable de battre Macron agace ses rivaux
Plusieurs élus de gauche et de droite ont souligné les limites des conclusions tirées d'un sondage qui place Valérie Pécresse à 20% d'intentions de vote au premier tour de la présidentielle 2022. Plusieurs sondeurs pointent aussi un «effet primaire».
«Les sondages, ça va et vient, c'est comme la queue du chien», a coutume de dire Valérie Pécresse. Celle qui vient d'être désignée candidate LR à la présidentielle 2022 ne devrait néanmoins pas bouder la dernière enquête d'opinion en date. La présidente d'Ile-de-France rassemblerait en effet 20% des intentions de vote au premier tour du scrutin et serait donnée gagnante contre Emmanuel Macron au second tour, à en croire un sondage Elabe publié le 7 décembre et abondamment relayé dans les médias.
Emmanuel Macron est pour sa part crédité de 23% d'intentions de vote, en baisse de deux points. En cas de second tour entre ces deux candidats, le président sortant est donné battu, à 48% contre 52% pour Valérie Pécresse. Au premier tour, ces deux candidats devancent largement la candidate du RN Marine Le Pen à 15% (-5) et Eric Zemmour à 14% (+1).
Cette enquête, réalisée pour BFMTV et L'Express après sa désignation le 4 décembre et les meetings de l'essayiste Eric Zemmour et de l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon le lendemain, montre que la présidente de la région Ile-de-France profiterait à plein de l'effet «primaire» en gagnant 11 points par rapport à la précédente étude de cet institut réalisée les 23 et 24 novembre.
La thèse du porte-parole du RN Julien Odoul, qui considère le sondage comme «totalement bidon», est la suivante : «On fait monter très très haut Valérie Pécresse sans faire baisser Emmanuel Macron, ce qui est assez curieux car c'est sensiblement le même électorat», a-t-il étayé le 7 décembre sur CNews, avant de souligner que l'institut Elabe avait accordé à Benoît Hamon 16% à 17% des intentions de vote en février 2017, juste après sa désignation comme candidat socialiste à la présidentielle qui se déroulait deux mois plus tard. «Il a terminé à 6%», a rappelé Julien Odoul, cinglant, pour qui Pécresse comme Hamon à l'époque ont profité d'un «effet primaire».
Le sondage qui place @vpecresse à 17% est totalement bidon. On fait monter #Pecresse très haut artificiellement sans faire baisser #Macron alors qu’ils ont quasiment le même électorat. Le même sondeur donnait @benoithamon à 17% en janvier 2017. Il a terminé à 6%. 🤪 @CNEWSpic.twitter.com/QMx3e4D3n8
— Julien ODOUL (@JulienOdoul) December 7, 2021
«Benoît Hamon, vainqueur des "primaires citoyennes" organisées par le Parti socialiste et ses alliés de la "Belle alliance populaire", enregistre quant à lui un bond de 10 à 11 points par rapport à début janvier et s'installe en quatrième position, devant Jean-Luc Mélenchon», écrivait effectivement Elabe le 1er février 2017. Mélenchon (19,58% des voix) finira nettement devant Hamon (6,36%) lors du premier tour le 23 avril 2017.
«Gonflette au gaz hilarant», «sondages foireux» : l'opposition tire à boulets rouges
Le leader de la France insoumise a d'ailleurs ironisé lui aussi sur l'enquête Elabe qui fait plaisir au camp de la candidate de droite. «Bravo Pécresse. D'après le sondeur Elabe elle a gagné 4 millions de voix (+11 points) depuis [le 3 décembre]. Dont 2 millions pris à gauche. Il faut y croire ? Quel mépris grossier de notre intelligence !», a-t-il commenté sur Twitter, évoquant même une «gonflette au gaz hilarant chez le sondeur Elabe».
Bravo #Pécresse. D’après le sondeur ELABE elle a gagné 4 millions de voix (+11 points) depuis vendredi. Dont 2 millions pris à gauche. Il faut y croire? Quel mépris grossier de notre intelligence !
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) December 7, 2021
A droite, l'eurodéputé RN Gilbert Collard a mis tout le monde dans le même panier : «IFOP, Harris, Elabe... il y en a marre de cette foire aux sondages foireux : il est grand temps de créer un organisme de contrôle des instituts de sondage !», a-t-il écrit.
IFOP, Harris, Elabe... il y en a marre de cette foire aux sondages foireux : il est grand temps de créer un organisme de contrôle des instituts de sondage !
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) December 7, 2021
src : Le Figarohttps://t.co/7Btf743EQK
Il faut être prudent avec ces chiffres
La majorité présidentielle semble d'ailleurs du même avis, à en croire Libération. «C'est beaucoup trop haut, trop vite et surtout trop tôt», a expliqué au quotidien un député LREM, pour qui ce résultat «ne dit pas grand-chose : 11 points de plus, ce n'est pas sérieux». Même point de vue de la part de l'ex-LR Christian Estrosi. Pour le maire de Nice, ce sondage est «une photo instantanée d'un instant où les Français se préoccupent peu des élections présidentielles», a-t-il estimé ce 8 décembre sur CNews.
Sans remettre en cause la pertinence des résultats (également perçus comme une simple photographie à l'instant T), plusieurs représentants d'instituts de sondage concurrents d'Elabe ont d'ailleurs corroboré l'hypothèse d'un «effet primaire» qui aurait porté médiatiquement Valérie Pécresse. «Il y avait une interrogation sur l'impact de la primaire, avec un corps électoral fortement réduit par rapport à celui de 2016, mais l'effet est là», a expliqué Frédéric Dabi, directeur général de l'Ifop, dans Le Figaro.
Plus critique, Jérôme Sainte-Marie, président de l'institut Pollingvox, a mis en garde contre toute conclusion hâtive : «Peu de gens la connaissaient avant la primaire. Sa victoire au congrès LR lui a donné une vraie notoriété en à peine quelques jours. Forcément, ça la stimule dans les sondages [mais] il faut être prudent avec ces chiffres. On est encore à plus de 4 mois de la présidentielle et les jeux ne sont pas du tout faits», a prévenu le politologue auprès de BFMTV.