Schéma du maintien de l'ordre : une nouvelle mouture pour satisfaire journalistes et Conseil d'Etat

Schéma du maintien de l'ordre : une nouvelle mouture pour satisfaire journalistes et Conseil d'Etat© GONZALO FUENTES Source: Reuters
Des fonctionnaires de police en opération de maintien de l'ordre lors d'une manifestation contre la loi pour une sécurité globale, le 5 décembre 2020 à Paris (Image d'illustration).
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Alors que la prochaine élection présidentielle se dessine, le gouvernement concède des changements à son schéma national du maintien de l'ordre qui avait été critiqué par les journalistes et retoqué en partie par le Conseil d'Etat.

On ne l'attendait plus mais le schéma national du maintien de l'ordre nouveau est arrivé ! Des représentants de différentes instances médiatiques (telles que la Commission de la carte de presse, des syndicats ou encore Reporters sans frontières) ont été invités ce 6 décembre au ministère de la Culture et de la Communication à Paris en présence des ministres de la Culture et de l'Intérieur pour une présentation en bonne et due forme des pages remaniées du fameux SNMO qui avait été vertement retoqué par le Conseil d'Etat en juin 2021.

La première mouture du document concocté au ministère de l'Intérieur s'était attiré les foudres de la presse en septembre 2020 lorsqu'il avait été publié.

La profession s'inquiétait surtout des dispositions de ce schéma du maintien de l'ordre selon lesquelles les journalistes devaient se disperser quand l'ordre en était donné au public, ce qui les aurait privés de la possibilité d'observer une partie importante des opérations, une forme d'entrave à la liberté d'informer.

Par ailleurs, une question se posait sur l'identification des journalistes sur le terrain et flottait dans l'air l'idée d'une accréditation de Beauvau pour couvrir les manifestations en relation avec les forces de l'ordre, même si par la suite, le cabinet de Gérald Darmanin a cherché à déminer cette lecture du SNMO.

Surtout, les journalistes de terrain étaient outrés de l'interdiction qui leur était faite de disposer de matériel de protection individuelle en manifestation.

Après la gifle infligée par le Conseil d'Etat au gouvernement, Emmanuel Macron avait promis en clôture du Beauvau de la Sécurité qu'une nouvelle version du SNMO serait livrée aux alentours du mois de novembre. Il aura donc fallu patienter encore un peu plus, mais cette fois, nous y sommes.

Le gouvernement rétropédale sans l'admettre

RT France a pu se procurer les pages de ce nouveau SNMO qui concernent spécifiquement la presse et on peut observer que les points qui fâchaient très fort les gens de presse ont été atténués, voire totalement gommés avec l'aide des sages du Conseil d'Etat qui avaient notamment été saisis par le Syndicat national des journalistes, le Syndicat national de la magistrature et la Ligue des droits de l'homme.

Exit donc l'obligation faite aux journalistes de se disperser, ils pourront librement exercer leur travail et se mettre à l'abri auprès des forces de l'ordre en cas de besoin : «Aux fins de couvrir le mieux possible la manifestation, les journalistes peuvent, à la différence des autres personnes présentes, circuler librement au sein des dispositifs de sécurité mis en place», est-il précisé dans le nouveau SNMO.

Puis : «Les journalistes peuvent continuer d’exercer leur mission lors de la dispersion d’un attroupement sans être tenus, à la différence des autres personnes présentes, de quitter les lieux. [...] Ceci s’applique tant aux manifestations déclarées qu’aux manifestations qui ont été interdites ou n’ont pas été préalablement déclarées.»

Exit également la saisie du matériel de protection individuelle des journalistes de terrain qui sont souvent soumis au gaz lacrymogène et aux projectiles en tout genre pouvant occasionner de graves lésions à la tête ou aux membres inférieurs : «Les journalistes pouvant eux-mêmes être ciblés par certains manifestants violents, ils ont la possibilité de se positionner, de manière dérogatoire, derrière les cordons des forces de l’ordre. En outre, ils peuvent porter des équipements de protection.»

Par ailleurs, le SNMO revient brièvement et sans la nommer directement sur la polémique entourant l'ancien article 24 de la loi pour une sécurité globale : «Le droit à l’image est défini et protégé pour tout citoyen comme pour les forces de l’ordre. Ces dernières ne peuvent toutefois pas s’opposer à la captation d’images ou de sons lors des opérations dans des lieux publics, à l’exception des personnels affectés dans des services soumis légalement à l’anonymat.»

Selon nos informations (confirmées par l'AFP), la technique d'encagement des manifestants, dite de «nasse», doit également être abandonnée.

Si les tournures de phrases alambiquées ne concèdent aucune défaite face aux insistances de la presse qui était vent debout contre la première version du document, le gouvernement a tout de même largement revu sa copie en conformité avec l'avis des Sages et peut-être également sous l'influence de la commission Delarue sur les rapports entre la presse et les forces de l'ordre qui avait émis 34 préconisations.

Le gouvernement est particulièrement attentif à l'identification des journalistes

Jean Castex, puis Emmanuel Macron, avaient assuré que les préconisations seraient mises en application et un comité de suivi avait été créé ad hoc.

Les pages du SNMO concernant les journalistes se concluent d'ailleurs par une promesse de revoyure particulièrement alambiquée : «Des contacts avec la profession de journaliste seront entretenus par le ministère de l’intérieur afin de poursuivre les échanges pour décliner les conditions opérationnelles dans lesquelles les journalistes et les forces de l’ordre peuvent concomitamment conduire leurs missions lors d’une manifestation et instruire les éventuelles difficultés dans la mise en œuvre des dispositions du présent document.»

Une source de la commission Delarue a confié à RT France que le gouvernement semblait plus empressé d'avancer sur les questions d'identification des journalistes sur le terrain que sur les autres préconisations, qui concernaient par exemple le réchauffement des rapports entre la police nationale (dont les fonctionnaires sont lourdement entravés par une administration verticale) et les journalistes. Selon cette source, il y a déjà eu quatre séances de groupe de travail conjoint avec Beauvau uniquement dédiées à ce sujet.

On peut d'ailleurs voir dans le nouveau SNMO que les nouvelles dispositions plus favorables au libre exercice du journalisme sont d'emblée conditionnées par la phrase : «Leur mise en œuvre nécessite toutefois qu’ils [les journalistes] puissent justifier de leur qualité par la présentation de l’un des documents mentionnés ci-dessus.»

Parmi ces documents, on retrouve l'évidente carte de presse française ou internationale, mais également (à défaut de carte de presse) une nouvelle «attestation normalisée d’identification, fournie par leur employeur ou commanditaire».

Pour les pigistes non-titulaires de la carte de presse et qui ne savent pas encore à qui ils vont vendre leur sujet ou images (un cas qualifié de «rare» par le SNMO), il est prévu des travaux ultérieurs («d'ici le 1er juillet 2022») pour permettre à ces journalistes de travailler comme les autres sur le terrain.

La source de RT France a déploré cet état de fait pour les pigistes sans cartes de presse, dénonçant une «usine à gaz» et a émis des doutes sur le fait que les policiers et gendarmes déployés en opérations de maintien de l'ordre soient correctement informés de ces nouvelles dispositions.

François-Xavier Lauch : un proche de Macron aux manettes

Selon notre source, le 15 novembre, c'est François-Xavier Lauch qui a présenté en avant-première les nouvelles dispositions du SNMO à des représentants des médias. Apparu brièvement dans la lumière pendant l'enquête parlementaire sur l'affaire Benalla, cet ancien chef de cabinet d'Emmanuel Macron a été placé par la suite auprès de Gérald Darmanin à Beauvau, où il occupe actuellement le poste de directeur de cabinet adjoint.

Selon une source policière, cette prise en main du dossier par un proche du cercle du président de la République pourrait signaler à quel point le sujet de l'identification des journalistes revêt une certaine importance en haut lieu.

Notre source au sein de la commission Delarue estime pour sa part que le gouvernement fait un drôle de cadeau à la presse en la cajolant à la veille d'une élection présidentielle à laquelle Emmanuel Macron ne s'est pas encore officiellement déclaré candidat.

Il s'agit d'un net contraste avec le contexte de la naissance du premier SNMO en septembre 2020 lorsque le gouvernement menait plutôt une opération séduction auprès des policiers nationaux qui avaient exprimé leur colère pendant plusieurs mois jusqu'à l'éviction de Christophe Castaner du ministère de l'Intérieur. C'est dans le même contexte qu'était d'ailleurs apparue la deuxième mouture de la proposition de loi Sécurité globale, dont certains articles étaient très favorables aux forces de sécurité intérieure à court terme.

On peut par ailleurs relever que la présentation de ce nouveau SNMO se fait au sein du ministère de la Culture et de la Communication en présence de Roselyne Bachelot, plutôt qu'au ministère de l'Intérieur... Comme s'il fallait mettre les gens de presse plus à l'aise en les sortant d'un bâtiment qui inspire l'ordre régalien pour leur parler dans un cadre plus proche de leur milieu naturel.

Une source de la rue de Valois souligne que le ministère de la Culture travaille depuis le début de la concertation sur le sujet. Pourtant l'impression est nette et ne souffrait jusqu'à présent d'aucune ambiguïté : il s'agit bien d'un sujet régalien piloté par Beauvau, voire par l'Elysée.

Antoine Boitel

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