Diffamation : RT France est-il un média comme les autres aux yeux de la justice ?

Diffamation : RT France est-il un média comme les autres aux yeux de la justice ?© REUTERS/Gonzalo Fuentes
Les bureaux de RT France à Boulogne-Billancourt.
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La justice française doit se prononcer sur des messages publics bafouant l'honneur des journalistes de RT France. La non-reconnaissance d'une diffamation reviendrait à une discrimination entre les médias, en fonction de leur source de financement.

A-t-on le droit, en France, de traîner dans la boue certains médias et journalistes en toute impunité ? C'est, en somme, l'enjeu d'un procès en diffamation qui oppose RT France à Nicolas Tenzer, un enseignant et haut fonctionnaire qui s'est fendu en 2018 de deux tweets décrivant le média comme un «organe de propagande dépendant du Kremlin» et qui ne serait «pas un organe de presse». RT France ferait notamment montre, selon lui, de «subversion» et d'«appel indirect à la violence».

Par ces termes, Nicolas Tenzer ne se contente pas de critiquer RT France ou même d'appeler à sa fermeture – la libre expression de ses opinions quant à notre média étant bien sûr légitime – mais attente à l'honneur des journalistes de RT France et des experts qui y sont invités. Or, c'est bien pour les termes utilisés dans ces deux tweets que RT France porte plainte pour diffamation, et non pour toutes les critiques répétées que le politologue n’a de cesse d'effectuer à l'encontre de notre média. 

Pour Nicolas Tenzer, tous les coups semblent permis afin de mener ses combats personnels : dans une tribune publiée dans Le Monde du 17 septembre dernier, le politologue invoquait la plainte en diffamation dont il fait l'objet pour prôner la mise en place, en France puis dans l’Union européenne, «d’une législation contre ces procédures de musellement». En d'autres termes, non seulement Nicolas Tenzer souhaite retirer à RT France le droit d'agir en justice, mais il aimerait voir ce droit fondamental supprimé dans un cadre légal général ! Le politologue va plus loin encore en demandant à la justice de condamner RT France à payer 50 000 euros pour avoir voulu défendre, via sa plainte, l'honneur de ses journalistes...

Quelles que soient les intentions de Nicolas Tenzer, disqualifier le travail de journalistes n'est en tout cas pas anodin. «Vous ne pouvez pas dire d’un journaliste qui travaille par exemple pour France Télévisions ou Canal+ qu’il n’est pas journaliste, que c’est un désinformateur et qu’il fait de la propagande. Si vous le dites, vous êtes sanctionné [par la justice]. La question qui se pose aujourd’hui est : est-ce qu’on peut le dire de RT France ?» : résume l'avocat du média Jérémie Assous, en marge de l'audience qui se déroulait ce 30 septembre devant la 17e chambre du tribunal judiciaire de Paris. Or, rappelle-t-il, de telles qualifications ne se fondent sur rien de tangible : «RT France est un organe de presse, avec une convention du CSA renouvelée l’an dernier sans aucune réserve.» Et le CSA, souligne-t-il, n'a jamais sanctionné RT France.

Confusions et amalgames

Sur quoi, alors, s'appuie Nicolas Tenzer pour disqualifier RT France ? Des amalgames et des fantasmes qu'il tire du financement, public et russe, du média en question. «Un organe de propagande dépendant du Kremlin n’est pas un organe de presse. Ceux qui acceptent de parler sur Russia Today sont soit les complices du régime et donc de ses crimes, soit des personnes qui consentent implicitement à être manipulées par lui. Idiots utiles», écrivait-il sur Twitter le 4 novembre 2018.

Lors de l'audience du 30 septembre, tout comme il l'avait fait dans sa tribune au Monde, l'enseignant a allègrement mélangé les autorités russes, la société de droit français RT France et les autres branches du groupe RT. Et selon lui, RT France ne serait pas comparable à d'autres médias aux financements étatiques, comme France 24 ou la BBC, notamment parce qu'il y aurait... «un contrôle absolu de la ligne éditoriale» depuis le Kremlin. Une assertion totalement gratuite, que son auteur ne prend pas la peine de démontrer, sans même évoquer de preuves, le moindre élément un tant soit peu tangible... Assertions que l'avocat de RT France, lui, ne manque pas de balayer par des faits : «Je rappelle que les journalistes qui travaillent pour RT sont des journalistes français, qui ont une carte de presse française et qui ont toujours dit, alors qu'ils avaient travaillé dans de nombreux médias [auparavant], qu'il n'y avait jamais eu la moindre pression de la part de la direction sur leurs choix éditoriaux.»

Couvrir des manifestations : c'est mal quand c'est RT ? 

Autre argument invoqué par Nicolas Tenzer : RT France ferait preuve de «subversion» en attisant des mouvements contestataires. Dans un tweet de décembre 2018, il reprochait à RT France d'avoir relayé une information (tout comme 20 Minutes, LCI ou encore Le Figaro) faisant état de l'organisation d'une manifestation des Gilets jaunes. Ce 30 septembre, il répétait que RT France avait «utilisé le mouvement des Gilets jaunes», voyant même «la partition du Kremlin dans ce mouvement». 

Or, comme l'a d'abord relevé Jérémie Assous, RT France est loin d'être le seul média à avoir couvert les actions des Gilets jaunes, nombre d'entre eux ayant diffusé des images de ce mouvement pouvant être considérées comme violentes. De plus, a fait remarquer l'avocat de RT France, celui-ci a le devoir de fournir une information équilibrée et de veiller à ne pas inciter à des pratiques ou comportements dangereux, délinquants ou inciviques, selon la Convention signée avec le CSA. Qu'à cela ne tienne, Nicolas Tenzer juge qu'il «n'y a pas assez de spécialistes au CSA pour mieux comprendre le jeu de propagande des médias russes»...

Une chaîne télévisée diffusant dans le respect des lois et des critères des autorités de régulation depuis près de quatre ans, sera-t-elle jugée différemment en France de n'importe quel autre média, en raison uniquement de sa source de financement ? Le jugement attendu dans cette affaire, ce 3 décembre, en fournira la réponse. Et celle-ci sera significative pour l'ensemble de la profession : car si la diffamation n'est pas reconnue dans ce cas, tout média pourrait désormais craindre d'être discriminé selon l'origine de son financement. 

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