Hébergement de contenus antisémites et complotistes : Tipeee réagit à un reportage de France 2
Si elle ne dépasse pas les quatre minutes dans le dernier numéro de Complément d'enquête (France 2), l'intervention de dirigeants de la plateforme Tipeee sur leur politique de modération est à l'origine d'une polémique en ligne.
Intitulé «Fake news la machine à fric», la diffusion le 2 septembre sur France 2 du dernier numéro de Complément d'enquête a été précédée de plusieurs extraits partagés par la chaîne publique sur les réseaux sociaux.
J'assume tout ce qu'il y a sur ce site, du plus antisémite au moins antisémite, et du plus complotiste au moins complotiste
L'un d'entre eux, en l'occurrence l'intervention face caméra de deux responsables de la plateforme de financement participatif Tipeee, a provoqué une avalanche de réactions au sujet de la politique d'hébergement du site, plus précisément concernant les contenus considérés comme «antisémites» et «complotistes», que l'entreprise explique ne pas vouloir supprimer du moment que leurs auteurs n'ont pas été condamnés par la justice.
«On ne voudrait pas trancher le vrai du faux, le juste de l'injuste, le bien du mal sur des domaines aussi divers que l'histoire, la médecine [ou encore] la politique», y résume par exemple Jonas Mary, chef de projet chez Tipeee, qui présente ainsi son rôle : «Accompagner toutes les paroles pour qu'elles aient les moyens de débattre entre elles.»
Hold-Up a récolté près de 300 000 euros de dons sur différentes plateformes de financement participatif. Chez Tipeee, les fondateurs assument avoir accueilli ce documentaire qui a suscité la polémique dès sa sortie en novembre 2020.
— Complément d'enquête (@Cdenquete) September 2, 2021
🔴Fake news, la machine à fric, sur @france2tvpic.twitter.com/vaN8vWs7ef
L'extrait en question a lui-même été tronqué par des observateurs ayant souhaité mettre l'accent sur certains propos tenus par Michael Goldman, le fondateur de Tipeee qui, durant son intervention, déclare notamment «assume[r] tout ce qu'il y a sur [son] site, du plus antisémite au moins antisémite, et du plus complotiste au moins complotiste».
«Tipeee en roue libre», a commenté le compte «Valentin - Stupid Economics» en repartageant un extrait vidéo qui a cumulé en une journée quelque 80 000 vues.
Extrait de reportage de @Cdenquete sur le financement des #fakenews....@Tipeee_Officiel en roue libre : pic.twitter.com/4nlbBui8Zb
— Valentin - Stupid Economics (@Valentin_Stup) September 2, 2021
«Pour le fondateur de Tipeee, les antisémites peuvent venir sur sa plateforme et seront même défendus, sauf si condamnés par la justice. Aucune raison morale de les virer du site dit-il. Ah bon», a de son côté écrit le blogueur aujourd'hui chroniqueur sur France Info, Tristan Mendès France, qui se décrit lui-même comme un «observateur de l’extrême». Ne dépassant cette fois-ci pas les 20 secondes, l'extrait a lui aussi été visionné plusieurs dizaines de milliers de fois.
Pour le fondateur de @Tipeee_Officiel, les antisémites peuvent venir sur sa plateforme et seront même défendus, sauf si condamnés par la justice.
— Tristan Mendès France (@tristanmf) September 2, 2021
Aucune raison morale de les virer du site dit-il. Ah bon. https://t.co/wTFF7j4cTIpic.twitter.com/oAATyzqksp
Fait notable, plusieurs utilisateurs de Tipeee ont annoncé quitter la plateforme de financement participatif au regard de cet épisode, comme par exemple le fondateur du site maintiendelordre.fr, Maxime Reynié. D'autres se sont voulus plus interrogatifs : «Je prends juste connaissance de l'histoire concernant Tipeee. Y'a des alternatives vraiment safe, ou bien c'est partout un peu comme ça ?», a ainsi écrit sur Twitter l'auteur de bande dessinée Allan Barte.
«C'est à la justice de faire son travail, pas aux patrons de startups» se défend Tipee
Dans la foulée de la diffusion sur France 2 du numéro en question de Complément d'enquête, le site Tipeee a pour sa part mis en ligne sur son compte YouTube une vidéo complémentaire dans laquelle le fondateur de la plateforme a livré son point de vue sur le rendu final de l'émission. «Ils ont passé six heures à filmer au bureau, l'interview a duré deux heures», regrette-il au regard des quelques minutes condensées de son apparition dans la version finale du documentaire.
C'est à la justice de faire son travail, pas aux patrons de startups
Le chef d'entreprise dénonce par ailleurs un montage «malhonnête» à charge contre Tipeee, et revient sur les positions du site de financement participatif. «On est extrêmement regardant sur la modération [...] à partir du moment où c'est "border", on se fait ch*** à tout regarder dans le détail, à voir si la personne a été condamnée juridiquement, se renseigner auprès des organismes officiels et étatiques pour voir si ces gens-là sont attaqués et/ou condamnés». En outre, Michael Goldman souligne la volonté de sa structure de «se battre pour la liberté d'expression» : «Une idée originale sur l'internet d'aujourd'hui.», estime-t-il. «C'est à la justice de faire son travail, pas aux patrons de startups», conclut le chef d'entreprise.
«Suspendre systématiquement et immédiatement tous les projets polémiques, comme le font la plupart des autres sites, en claironnant notre bienveillance achetée à peu de frais, serait pragmatiquement plus simple, plus rentable et plus confortable, mais nettement plus cynique aussi. C’est pourquoi, si nous acceptons que l’on conteste notre position, qu’on ne partage pas notre vision de la liberté, nous demandons qu’elle soit perçue comme une position éthique», peut-on par ailleurs désormais lire sur le site de Tipeee, qui témoigne ainsi (pour l'heure) d'un positionnement à rebours des grandes plateformes de réseaux sociaux qui communiquent régulièrement sur l'angle de la lutte contre la désinformation.