Le Conseil d'Etat rejette les recours en référé contre l'élargissement du fichage par décrets
- Avec AFP
Un front syndical FO, CGT et des représentants de magistrats et d'avocats s'étaient constitués afin d'intenter un recours en référé au Conseil d'Etat contre l'élargissement du fichage. La juridiction administrative a rejeté ces requêtes.
Ce 4 janvier, le Conseil d'Etat a confirmé que la police et la gendarmerie pourraient ficher les opinions politiques, appartenances syndicales et données de santé au nom de la sûreté de l'Etat, rejetant les requêtes de syndicats qui dénonçaient le caractère «indigne d'un Etat de droit» de ces décrets dans un communiqué. La plus haute juridiction administrative a en effet considéré que les trois décrets contestés, qui élargissent les possibilités de fichage, ne portaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'opinion, de conscience et de religion ou à la liberté syndicale.
Des syndicats dénoncent le «spectre du Big brother»
Le Conseil d'Etat avait été saisi en référé (procédure d'urgence) par plusieurs centrales syndicales dont la CGT, FO ou la FSU, mais aussi le Syndicat de la magistrature et le Syndicat des avocats de France (SM et SAF, classés à gauche), qui dénonçaient le «spectre du Big brother en 2021».
Les décrets, publiés le 4 décembre après un avis favorable du Conseil d'Etat, autorisent policiers et gendarmes à faire mention des «opinions politiques», des «convictions philosophiques et religieuses», et de «l'appartenance syndicale» de leurs cibles, alors que les précédents textes se limitaient à recenser des «activités».
Identifiants, photographies et commentaires postés sur les réseaux sociaux y seront aussi listés, tout comme les troubles psychologiques et psychiatriques «révélant une dangerosité particulière». Outre les personnes physiques, les «personnes morales», telles que les associations, sont également visées.
Dans le détail, les décrets portent sur trois fichiers: le Pasp (prévention des atteintes à la sécurité publique) de la police; le Gipasp (gestion de l'information et prévention des atteintes à la sécurité publique) des gendarmes et l'EASP (enquêtes administratives liées à la sécurité publique) utilisé avant le recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles. Début novembre, 60 686 personnes étaient inscrites au Pasp, 67 000 au Gipasp et 221 711 à l'EASP, selon le ministère de l'Intérieur.
Un type de fichier auparavant limité aux hooligans et aux manifestants violents
Auparavant limités aux hooligans et aux manifestants violents, ces fichiers recenseront désormais aussi les données des personnes soupçonnées d'activités terroristes ou susceptibles «de porter atteinte à l'intégrité du territoire ou des institutions de la République», une notion «floue» selon ses détracteurs.
Face à l'émoi suscité par cette décision, le ministre de l'Intérieur a à plusieurs reprises réfuté toute volonté de «créer un délit d'opinion» ou une surveillance de masse.
L'attaque des décrets devant le Conseil d'Etat est intervenue dans un contexte d'accusations répétées de dérive autoritaire du gouvernement – notamment avec les restrictions imposées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire et la proposition de loi Sécurité globale. Cette audience en référé était prévue pour le 23 décembre.
Une décision ultérieure du Conseil d'Etat devrait également intervenir pour se prononcer en procédure classique, et non en procédure accélérée de référé, d'ici plusieurs mois.
En 2008, le fameux fichier baptisé Edvige, qui prévoyait notamment de recenser des personnes exerçant ou ayant exercé un mandat politique, syndical ou économique, avait suscité un tel tollé qu'il avait été retiré.