Didier Lallement a-t-il vraiment risqué de perdre son poste à Paris ?

Didier Lallement a-t-il vraiment risqué de perdre son poste à Paris ?© Ludovic MARIN Source: AFP
Didier Lallement et la DSPAP Valérie Martineau devant le commissariat de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le 25 septembre 2020 (image d'illustration).
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A chaque nouvel esclandre provoqué par une déclaration ou une gestion du maintien de l'ordre dans le secteur de la préfecture de police de Paris, le regard médiatique se focalise sur Didier Lallement... Le gouvernement a-t-il appris à s'en servir ?

Ce 25 novembre, interrogé sur le plateau des Quatre Vérités (France 2), le ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il renouvelait sa confiance au préfet de police de Paris, Didier Lallement, après les violences survenues deux jours plus tôt lors de l'évacuation du camp de migrants place de la République.

Selon les informations de Marianne, le 23 novembre «peu avant minuit», depuis «son bureau du rez-de-chaussée au ministère», Gérald Darmanin découvre sur son téléphone les images de l'évacuation du camp de migrants de la place de la République. Puis, il tweete : «Certaines images de la dispersion du camp illicite de migrants place de la République sont choquantes. Je viens de demander un rapport circonstancié sur la réalité des faits au Préfet de police d’ici demain midi. Je prendrai des décisions dès sa réception.»

Dès lors, une dynamique s'enclenche : le préfet Didier Lallement endosse à nouveau le costume de l'épouvantail qui semble embarrasser le gouvernement avec une gestion souvent critiquée des maintiens et rétablissements de l'ordre dans la capitale, le «rôle du méchant», ainsi que l'analyse l'hebdomadaire Marianne qui décrit même un «jeu de rôles bien rôdé» entre Beauvau et la préfecture de police.

Et de citer une source au siège de l'île de la Cité : «Son ego est au frigo, et cela ne le gêne pas du tout d’être dans le camp de l’ordre.»

Alors que des appels à la démission du préfet de police se faisaient déjà entendre sur les réseaux sociaux et au sein de la classe politique de gauche après l'opération de la place de la République du 23 novembre au cours de laquelle des images ont été captées (puis diffusées) présentant des membres des forces de sécurité intérieure en train de maltraiter des migrants, leurs soutiens et au moins un journaliste (Rémy Buisine, de Brut), le préfet devrait donc vraisemblablement demeurer en poste à Paris.

De la sellette au soutien réaffirmé : un classique ?

Gérald Darmanin devait aller vite alors que la proposition de la très controversée loi Sécurité globale était votée au palais Bourbon quelques heures plus tard, et que le président de la République lui-même devait s'exprimer dans la soirée sur le prochain déconfinement progressif.

Ce n'est pas la première fois que la question se pose de savoir si Didier Lallement peut rester à son poste, il était déjà sur la sellette lors de l'arrivée de Jean Castex à Matignon au moment du remaniement de l'été 2020. L'affaire qui avait suivi ses déclarations le 17 novembre 2019 («Nous ne sommes pas dans le même camp, madame», adressé devant des caméras de télévision à une femme qui se revendiquait des Gilets jaunes à Paris), soulignait son esprit belliqueux vis-à-vis des mouvements sociaux.

Puis le 3 avril, il avait dû présenter ses excuses par un communiqué après avoir déclaré devant les caméras : «Les malades en réanimation n’ont pas respecté le confinement.»

A chaque nouvelle polémique il est murmuré, toujours sous le sceau de l'anonymat et dans les colonnes des indiscrétions de la presse, que c'est l'Elysée qui permet à Didier Lallement de rester en place. Gérald Darmanin, en désignant immédiatement le préfet de police, a-t-il tout simplement appris à l'utiliser comme paratonnerre médiatique ? Quoi qu'il en soit, le vote à l'Assemblée nationale sur la fameuse PPL Sécurité globale n'a pas pâti de ce début de polémique.

La directrice de la DSPAP servira-t-elle de fusible à la place du préfet ?

Dans l'ombre du polémique préfet de police, les fonctionnaires parisiens ont également appris depuis mai 2019 à composer avec une personnalité souvent jugée tout aussi «crispante» que Didier Lallement selon des sources policières interrogées par RT France : la directrice de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, Valérie Martineau.

A la préfecture de police de Paris, c'est son service qui a dû gérer l'évacuation de la place de la République à Paris le 23 novembre avec les effets que l'on sait, car comme le décrit un article du Point, à l'heure de l'intervention (en début de soirée), la Direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC), normalement chargée des manifestations et plus spécialisée dans le maintien de l'ordre n'était plus opérationnelle... Traduction d'un policier anonyme : «En voyant le bazar potentiel de cette évacuation, Jérôme Foucaud [qui dirige la DOPC]  a dû se dire : "Je ne vais sûrement pas me fourrer là-dedans.", et il a refilé la patate chaude à la DSPAP.» D'où le déploiement de ressources de la préfecture de police qui n'étaient pas forcément adaptées à la tâche (des policiers de BAC de nuit notamment) et, peut-être, les mauvais gestes qui ont été constatés.

Valérie Martineau est décidément en déveine, selon deux sources syndicales policières contactées par RT France qui soulignent que sa position radicale sur la réforme des Compagnies de sécurisation et d'intervention en Ile-de-France avec une dissolution totale de la polémique CSI 93, n'a finalement pas été suivie.

Un policier de terrain analyse : «Deux désaveux en si peu de temps, c'est mauvais signe quand même.» Par ailleurs, la directrice à poigne ne s'est pas fait que des amis récemment avec des départs en série dans sa direction, notamment en direction de la DOPC... Ainsi que le résume un caustique syndicaliste contacté par RT France : «C'est bizarre, on dirait qu'il y a une fuite des cerveaux à la DSPAP en ce moment... Tout le monde semble vouloir partir pour la DOPC !»

Affaire à suivre au sommet de l'île de la Cité donc... à moins que seuls les policiers directement mis en cause sur le terrain ne portent tout le poids des responsabilités, sans aucune atteinte des donneurs d'ordre. Mais pour Jean-Pierre Colombiès, porte-parole de l'Union des policiers nationaux indépendants, joint par RT France, l'affaire est entendue : «Si les collègues s'imaginent qu'ils seront mieux protégés avec la PPL Sécurité globale, ils se fourrent le doigt dans l'œil, ils seront toujours tous seuls face à l'IGPN, l'administration et la Justice.»

Antoine Boitel

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