Risque de coupures d'électricité selon Barbara Pompili : vers un scandale d'Etat ?
Barbara Pompili a averti que la France pouvait subir des coupures d'électricité à cause d'un manque de production électrique en hiver. Un «scandale» pour le militant pro-nucléaire Jean-Pierre Lettron, qui accuse l'idéologie écologiste.
Depuis son intervention sur BFM TV le 19 novembre, Barbara Pompili est sous le feu des critiques. En effet, la ministre de la Transition écologique a prévenu que les Français devaient «envisager» de subir de possibles coupures d'électricité cet hiver, dans le cas où les conditions climatiques n'étaient pas favorables. «On peut envisager des coupures très courtes», a-t-elle ainsi déclaré. Le Réseau de transport d'électricité (RTE) a d'ailleurs prévu ce scénario qui priverait d'alimentation électrique environ 200 000 foyers à la fois pendant 2 heures mais qui épargnerait les installations sensibles comme les hôpitaux.
Cette situation est «un scandale» pour Jean-Pierre Lettron, responsable de la plateforme Choisir le nucléaire, contacté par RT France : «Des coupures tournantes de deux heures, cela n'est jamais arrivé depuis le blackout général de 1978 qui a conduit à relancer le programme électronucléaire. La demande était alors supérieure à ce que l'on pouvait offrir. A l'époque, nous n'avions pas les moyens techniques pour couper certaines régions. Aujourd'hui, couper d'électricité les gens l'hiver, à 19h [aux pics de la consommation], pendant deux heures, c'est un scandale.»
D'autant plus que, selon lui, des études faites par des cabinets, depuis plus de 5 ans, notamment au sein d'EDF, alertent sur ce risque à cause de l'augmentation de la consommation de l'électricité au fil des années. «Or, on n'augmente pas les moyens de production», regrette cet ancien cadre CGT d'EDF qui a notamment participé à des actions collectives contre la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim. D'aucuns sur les réseaux sociaux dénoncent d'ailleurs la fermeture en juin 2020 de cette centrale, retirant du réseau électrique la puissance de deux réacteurs de 900 mégawatts chacun. Mais pour Barbara Pompili dans un post Facebook, cette fermeture n'est pas le problème. «La ministre peut raconter ce qu'elle veut, quand on retire, sans les remplacer, deux tranches de 900 mégawatts sur le réseau, la fermeture de Fessenheim aggrave considérablement le problème», estime Jean-Pierre Lettron.
La ministre souligne la responsabilité du Covid-19 et la dépendance au nucléaire
Pour la ministre, le problème est ailleurs. Selon elle, le problème de réseau électrique vient bel et bien de la dépendance française à privilégier massivement l'industrie nucléaire et... du Covid-19. «Le premier confinement a conduit à décaler les opérations de maintenance des centrales nucléaires de quelques mois. Dès lors la capacité de production cet hiver est moindre (chaque semaine, 5 à 10 réacteurs de plus qu’habituellement sont à l’arrêt)», a ainsi fait valoir Barbara Pompili.
Un argument absurde pour Jean-Pierre Lettron qui trouve que le Covid a finalement «bon dos». «Barbara Pompili ne veut tout simplement pas reconnaître que la fermeture de la centrale de Fessenheim est une erreur», ajoute-t-il. La France a effectivement jusqu'ici toujours su gérer les périodes avec les maintenances, celles-ci étant régulières.
Barbara Pompili ne veut tout simplement pas reconnaître que la fermeture de la centrale de Fessenheim est une erreur
Ancienne membre d'Europe Ecologie Les Verts, Barbara Pompili retourne la situation en reprenant le programme des écologistes afin d'expliquer l'actuelle difficulté : «Il ne faut pas dépendre d’une seule source d’énergie. C’est pour cela que nous baissons la part du nucléaire à 50% en 2035 et que nous développons massivement les énergies renouvelables.»
Un autre raisonnement qui fait tempêter Jean-Pierre Lettron qui constate que «le moteur des écologistes, ce n'est pas de sauver la planète mais d'arrêter le nucléaire». Il rappelle ainsi que les énergies dites «renouvelables» (ENR) promues par Barbara Pompili et les écologistes, sont le photovoltaïque et l'éolien, c'est-à-dire des énergies intermittentes. A l'inverse, le nucléaire est une énergie bas carbone et pilotable. Un atout que n'ont pas les ENR, le nucléaire pouvant produire sur le papier de l'électricité quelles que soient les conditions climatiques.
Barbara Pompili a beau faire beaucoup de vent, elle ne va pas faire tourner les éoliennes quand on a besoin d'électricité
Ainsi, remplacer progressivement le nucléaire par des ENR est absurde pour Jean-Pierre Lettron. «L'hiver, on a maximum sept heures de soleil par jour. Et même quand il fait jour, on n'a pas toujours du soleil à cause des nuages, or un panneau photovoltaïque fonctionne avec le rayonnement solaire qui lui parvient. Les éoliennes, pour leur part, tournent quand il y a du vent, à condition qu'il n'y en ait pas trop. Aussi, la production est en fonction de la puissance du vent. Si le vent est faible, elles ne produisent quasiment rien. Barbara Pompili a beau faire beaucoup de vent, elle ne va pas faire tourner les éoliennes quand on a besoin d'électricité.»
Cela fait écho aux déclarations du député Les Républicains Julien Aubert qui a annoncé avoir écrit à RTE, en leur rappelant avoir déjà pointé les «risques» d'un accroissement de la part des énergies intermittentes dans le mix énergétique, quand il a présidé en 2019 une commission d'enquête sur l'impact des énergies renouvelables.
Selon l'élu du Vaucluse, «les écologistes mènent [la France] tout droit dans un système électrique digne d’un pays en voie de développement».
En ce sens, Jean-Pierre Lettron observe que «tous les pays ont besoin de moyens de production qu'ils puissent commander à la demande, les énergies dites renouvelables ne pouvant pas à elles toutes seules satisfaire les besoins d'un pays». Il prend l'exemple de l'Allemagne ou du Danemark, deux pays qui ont choisi de se passer du nucléaire pour favoriser les ENR : «En Allemagne, ils ont stoppé le nucléaire mais ont dû ouvrir des centrales au charbon ou au lignite – fortement émettrices en CO2 – pour répondre à la demande. Quant au Danemark qui est sur du quasiment tout-éolien... malgré ses conditions climatiques favorables, il lui arrive d'importer de l'électricité de la Norvège par sa production hydraulique, de la Suède qui elle produit de l'électricité grâce au nucléaire et à hydraulique, et même parfois de l'Allemagne à travers son charbon.»
La fausse bonne idée de l'hydrogène comme appui du renouvelable
Toutefois, les ENR ont-elles trouvé la solution qui leur font tant défaut avec le développement de l'hydrogène par électrolyse, permettant ainsi le stockage de l'énergie intermittente ? Une bêtise pour Jean-Pierre Lettron, qui démonte l'ambition gouvernementale, prête à débourser sept milliards d'euros sur 10 ans pour la développer à grande échelle. D'une part, il signale qu'en France, lorsque les éoliennes produisent, celles-ci vont directement sur le réseau, car prioritaires. «Quand est-ce qu'elles peuvent stocker ?», questionne-t-il de ce fait de manière rhétorique : «Il faudrait qu'à elles toutes seules, elles arrivent à alimenter la totalité de nos besoins et seulement là, le surplus serait stocké. En sachant que le stockage entraîne une perdition, les jours où il n'y a pas de vent, comment fait-on ?»
Il faut entre trois à quatre fois plus d'électricité pour faire de l'hydrogène que ce que l'hydrogène produira d'électricité, c'est un gros gâchis
Egalement, la technique d'obtention de l'hydrogène par électrolyse, a besoin d'électricité. «Il faut entre trois à quatre fois plus d'électricité pour faire de l'hydrogène que ce que l'hydrogène produira d'électricité, c'est un gros gâchis», complète-t-il avant de mettre en avant un paradoxe. Car d'où viendra l'électricité pour produire cet hydrogène ? «Le seul moyen d'avoir de l'hydrogène "propre", c'est de passer par le nucléaire», affirme-t-il. Sauf que Barbara Pompili a rappelé sur Facebook que la production nucléaire sera baissée à 50% en 2035. La France risquerait donc, pour produire de l'hydrogène, de passer par le charbon ou le gaz, des énergies fossiles fortement émettrices de CO2...
Et un autre problème demeure : cette méthode doit aussi utiliser de l'eau. «On ne peut faire de l'hydrogène par électrolyse qu'avec de l'eau douce, l'eau de mer étant quasiment inefficace», énonce-t-il. «Les écologistes sont prêts à taper dans les réserves d'eau douce, à un moment où tout le monde s'inquiète de ses niveaux, pour que tout le monde se chauffe et roule grâce à l'hydrogène ?», s'inquiète-t-il, notant que les écologistes sont uniquement dans une idéologie «antinucléaire». Il n'empêche le gouvernement et des politiques d'autres horizons soutiennent les mesures des écologistes. Il déplore leur percée idéologique, ne voyant là que des objectifs électoralistes de leur part, ces politiques ne cherchant pas à approfondir la question énergétique.
Bastien Gouly