Affaire Fillon : une ex-procureure dénonce des «pressions» hiérarchiques, l'opposition vent debout
- Avec AFP
Du RN à LFI en passant par LR, l'opposition a crié au scandale après les déclarations de l'ancienne cheffe du parquet national financier révélant avoir subi des «pressions» de sa hiérarchie dans la conduite de l'enquête sur l'affaire Fillon.
Plusieurs responsables politiques ont crié au scandale ce 19 juin après les déclarations de l'ancienne cheffe du parquet national financier (PNF) qui dit avoir subi des «pressions» de sa hiérarchie dans la conduite de l'enquête sur l'affaire Fillon.
Entendue le 10 juin par la commission d'enquête parlementaire sur l'indépendance de la justice, Eliane Houlette a réaffirmé avoir décidé, en janvier 2017, en toute indépendance d'ouvrir une enquête visant les époux Fillon après des soupçons d'emplois fictifs révélés par le Canard Enchaîné. Cette enquête, lancée en pleine campagne présidentielle, avait empoisonné la candidature de François Fillon à l'Elysée et conduit au printemps 2020 à son procès en correctionnelle aux côtés notamment de son épouse Pénélope. Le jugement est attendu le 29 juin. Lors de son audition, Eliane Houlette s'est en revanche émue du «contrôle très étroit» qu'aurait exercé le parquet général, son autorité de tutelle directe, dans la conduite des investigations. «Le plus difficile [...] a été de gérer en même temps la pression des journalistes – mais ça on peut s'en dégager – [...] et surtout la pression du parquet général», a déclaré l'ex-procureure, partie à la retraite en juin 2019.
Eliane Houlette a notamment évoqué «des demandes de transmission rapide» sur les actes d'investigation ou les auditions et a révélé avoir été convoquée par le parquet général qui plaidait pour que l'enquête soit confiée à un juge d'instruction. «On ne peut que se poser des questions, c'est un contrôle très étroit et c'est une pression très lourde», a-t-elle ajouté.
«Instrumentalisation» de la justice
Directement mise en cause, la procureure générale de Paris Catherine Champrenault dit, dans un message transmis à l'AFP, «regretter que ce qui est le fonctionnement régulier du ministère public soit assimilé à des pressions». En poste au moment de l'affaire Fillon, elle «rappelle que son action s'est toujours inscrite dans l'exercice de ses prérogatives légales de veiller à l'application de la loi et au bon fonctionnement des parquets placés sous son autorité».
Passées inaperçues dans un premier temps, les déclarations d'Eliane Houlette ont resurgi à la faveur d'un article paru dans Le Point et provoqué l'indignation de familles politiques très éloignées. Les Républicains, qui ont souvent dénoncé une «instrumentalisation» de la justice dans l'affaire Fillon, ont évoqué des accusations «extrêmement graves». Tous deux visés par des enquêtes du PNF, le Rassemblement National (RN) et La France insoumise (LFI) ont, eux, vu dans ces «pressions» la preuve d'une justice aux ordres. «Et dire que lorsque nous dénonçons l'instrumentalisation de la justice, certains nous traitent de complotistes... La vérité éclate et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg», a commenté Marine Le Pen sur Twitter.
Et dire que lorsque nous dénonçons l’instrumentalisation de la justice, certains nous traitent de complotistes...🙄 La vérité éclate et ce n’est que la partie émergée de l’iceberg ! MLP https://t.co/DDE0PT800l
— Marine Le Pen (@MLP_officiel) June 18, 2020
«L'ex-chef du pôle financier avoue avoir agi sous pression dans l'affaire Fillon. Responsable ? La chef du parquet qui a ordonné les perquisitions odieuses contre LFI [en réalité ordonnées par le parquet de Paris]. La vérité est en chemin», a tweeté Jean-Luc Mélenchon, chef de file des Insoumis.
Commission d'enquête parlementaire : l'ex chef du pôle financier avoue avoir agi sous pression dans l'affaire Fillon. Responsable ? La chef du parquet qui a ordonné les perquisitions odieuses contre LFI. La vérité est en chemin.
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) June 18, 2020
Eliane Houlette «regrette» qu'on déforme ses propos
Suite à cette polémique naissante, l'ancienne cheffe du PNF Eliane Houlette a «regretté» ce 19 juin que ses propos aient été «déformés ou mal compris». Eliane Houlette «tient à ce qu’il soit bien compris que François Fillon n’a pas été mis en examen à la demande ou sous la pression du pouvoir exécutif», selon une déclaration à l'AFP transmise par son avocat Jean-Pierre Versini-Campinchi. «L’enregistrement de l’audition, accessible sur le site de l’Assemblée nationale, montre que les pressions qu’elle a mentionnées ne portent pas sur les faits reprochés à François Fillon ni sur le bien-fondé des poursuites diligentées contre lui. Elles étaient d’ordre purement procédural», souligne-t-elle. Celle qui a dirigé le PNF de février 2014 jusqu'à son départ à la retraite fin juin 2019 «souhaite que s'apaise une polémique inutile» et «tient à confirmer que la décision du PNF d’ouvrir dans le dossier Fillon une information judiciaire confiée à un juge d’instruction procède de la seule décision de ce parquet liée à l'évolution du droit de la prescription». Cette décision ne procède «pas de pressions qu’elle aurait subies», martèle-t-elle
Selon les règles en vigueur, le parquet général peut demander des remontées d'information aux parquets et les transmettre au sein de la Chancellerie à la direction des affaires criminelles et des grâces, qui peut les faire suivre au cabinet du garde des Sceaux. En revanche, la loi Taubira de 2013 interdit au garde des Sceaux de donner des instructions dans les dossiers individuels.