Covid-19 : des soignants harcelés par leurs voisins par peur de la contagion
De nombreuses infirmières et autres personnels hospitaliers sont visés par des lettres anonymes exigeant leur déménagement, écrites par des voisins redoutant qu'ils soient infectés par le coronavirus.
L'élan de solidarité envers les soignants s'amplifie en ces temps d’épidémie. Paniers repas fabriqués par des citoyens lambda ou des restaurateurs, dons de matériel, cagnottes, applaudissements aux fenêtres des immeubles à 20h... Malheureusement, une minorité d'individus craignant une hypothétique contagion de leurs voisins infirmières et soignants, loin de manifester leur reconnaissance, les harcèlent jusqu’à leur domicile. Lettres anonymes affichées sur les portes ou les voitures et menaces d’expulsion attentent au moral du personnel médical.
Déménager en attendant la fin de cette épidémie
«Nous vous demandons de ne pas emprunter l’ascenseur, de ne pas toucher les éléments des parties communes ou mieux de déménager en attendant la fin de cette épidémie» : voici ce que Marion Dommartin, infirmière de l’hôpital Sainte-Musse de Toulon (Var), a découvert placardé dans sa résidence à son attention alors qu'elle rentrait de 12 heures de garde, le 30 mars. La journaliste-écrivain Bénédicte le Martin s'en est émue sur Twitter.
Cette jeune fille est une amie de ma famille. Elle est infirmière à Toulon. Elle a trouvé ce message hier en rentrant du travail. Pas signé, évidemment. On espère que l’auteur de ce gentil petit mot a bien dormi. #Honte@LCI@TF1LeJTpic.twitter.com/MHkpf7tHCB
— Ben Le Chatelier (@BenLeChatelier) March 31, 2020
La jeune femme a confié à Var Matin s’être écroulée, et a ajouté : «Lorsque ces personnes-là auront besoin de nos soins, j’espère qu’ils se souviendront de ce qu’ils ont fait.»
Des témoignages accablants sur les réseaux sociaux
Même si ces messages sont le fait d’une minorité, ils se sont multipliés dans les immeubles où résident les soignants. Ainsi à Saint-Jean de Luz, au Pays-Basque, deux infirmières habitant dans le même quartier ont eu la désagréable surprise de trouver le même mot d’un corbeau les invitant à déménager.
L’exclusion de cette personne doit se faire
Le maire UDI de Bayonne, Jean-René Etchegaray, a relayé les faits sur son compte Twitter.
Quand une infirmière des urgences de l’hôpital de #Bayonne découvre ce message sur la porte de son domicile, on revit les pages les plus sombres de notre histoire. Le personnel hospitalier mérite, bien plus que de l’égard, notre profond respect. #Covid_19#solidaritepic.twitter.com/wSjffY261m
— Jean-René Etchegaray (@JreneEtchegaray) March 29, 2020
«Idéalement il est vivement demandé à cette personne de déménager aussi vite et loin que possible afin de en pas mettre nos vies en danger», peut-on lire sur ce message non signé, qui conclut par : «Nous avons peur pour nos vies et l’exclusion de cette personne doit se faire.»
Promener votre chien plus loin
Dans la même région à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le responsable d'une flotte d'ambulances a découvert un mot irrationnel collé sur son pare-brise, le priant de ne pas se garer dans la résidence.
Les missives de corbeaux essaiment ainsi dans toute la France, comme ici pour prier une jeune infirmière toulousaine d'aller «loger ailleurs» et d'aller promener son «chien plus loin», selon la publication d'une internaute. Son post, qui a provoqué l'émoi des internautes, a été partagé plus de 15 000 fois.
Une soignante chassée par ses propriétaires
Mais un cap dans l’ignominie a été franchi près de Montpellier (Hérault) par les propriétaires d’un appartement occupé par la famille de Méina, une infirmière anesthésiste en réanimation. La soignante avait confiné sa mère âgée et ses filles, dans ce logement en rez-de chaussée, tandis qu'elle s'était installée plus près de l'hôpital. Les propriétaires vivant au premier étage ont coupé l’eau, le chauffage et la télévision de l'appartement, redoutant que la mère de Mélina soit infectée. Ils ont exigé qu’ils partent et que l’étage soit désinfecté.
Selon le journal local La Gazette de Montpellier, ils ont proféré ces phrases : «On s’en fout que vous attrapiez le virus, que vous en mourriez, mais pas chez nous.» Le ministre du Logement Julien Denormandie a qualifié les faits d'«abjects», et une enquête a été ouverte par le procureur de Montpellier.
Certains soignants visés par ces lettres anonymes honteuses, bien qu’ébranlés, ont décidé de prévenir les autorités. Lucille, une infirmière habitant à Vulaines-sur-Seine (Seine-et-Marne) a retrouvé dans son courrier une lettre l’incitant à vivre ailleurs. Patrick Chadaillat, le maire de la commune, a demandé au forces de l'ordre et à la police scientifique une analyse afin de détecter de possibles empreintes sur la lettre.
Ces atteintes aux personnel hospitalier sont répertoriées par le syndicat infirmier SNPI CFE-CGC, sous l'entête «soignants pestiférés au quotidien». Heureusement, les messages de solidarité sont en majorité écrasante.
Hier je postais un message ahurissant de bêtise, retrouvé par une infirmière chez elle. Aujourd’hui, soyons positifs, voilà quelques messages trouvés au gré des 20 mn quotidienne de promenade avec mon 🐶. #StayHome#Merci ❤️ pic.twitter.com/yQkWCgvJrh
— Ben Le Chatelier (@BenLeChatelier) April 1, 2020
Face à ces missives, d'autres essaiment spontanément sur les murs des villes des lettres de soutien aux soignants et autres agents publics qui se dévouent durant la pandémie.