Retraites : Philippe se dit prêt à employer le 49.3 si nécessaire, l'opposition s'agace
Le Premier ministre Edouard Philippe a laissé ouverte la possibilité de recourir à l'article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote le projet de réforme des retraites. Un tel scénario indigne au sein de l'opposition.
«Quand il faut prendre mes responsabilités, je n'ai pas pris l'habitude de me défausser. [...] Le 49.3 est une responsabilité du Premier ministre. Si je considère que c'est comme cela qu'il faut avancer, je prendrai mes responsabilités [...] Je n'ai jamais critiqué son utilisation. Je suis à l'aise avec la Constitution», a déclaré ce 25 février le chef du gouvernement Edouard Philippe au sujet de la réforme des retraites, lors de la réunion hebdomadaire du groupe majoritaire à l'Assemblée.
«Il appartient à l'Assemblée nationale elle-même de faire vivre [le] débat [...] Mais à partir d'un certain moment, il faut être clair : nous nous sommes engagés sur ce système universel de retraite par répartition et par points», a-t-il encore ajouté, rappelant son objectif d'«adopter la réforme avant l'été».
Plusieurs marcheurs se sont félicités de cette clarification, alors que certains poussaient au gouvernement pour un 49.3 rapide il y a quelques jours, rapporte l'AFP.
Dans un communiqué, les députés MoDem, alliés de la République en marche (LREM), se sont par exemple dits prêts à apporter leur «soutien au gouvernement s'il décid[ait] d’utiliser le 49.3, seule porte de sortie possible à ce blocage inconsidéré et dangereux pour notre démocratie».
Au centre également, le président du groupe UDI-Agir Jean-Christophe Lagarde a en revanche estimé : «Si le gouvernement utilise le 49.3, ce sera parce que le débat est devenu impossible.»
Vague d'indignation au sein de l'opposition
L'enthousiasme autour d'un tel recours, sans surprise, n'est pas non plus partagé au sein de l'opposition. «C'est le bazooka contre le débat à l'Assemblée nationale», estimait déjà le 23 février le député insoumis du Nord Adrien Quatennens, à l'antenne de France inter.
«Nous allons malheureusement vers le 49.3 et c'est très très dommage parce que tout ça aurait pu être fait autrement», a estimé le député des Pyrénées-Atlantiques lors d'une intervention dans l'Hémicycle le 25 février.
🏛 Nous allons malheureusement vers le 49.3 et c'est très très dommage parce que tout ça aurait pu être fait autrement.
— Jean Lassalle (@jeanlassalle) February 25, 2020
Retrouvez l'intégralité de mon intervention cet après-midi au sujet du projet de réforme du régime des retraites. ⤵️#DirectAN#Retraitespic.twitter.com/brKLHjXSIb
«C'est une violence faite au Parlement, à la démocratie. Si le gouvernement décide d'utiliser [l'article 49.3], tout le monde a bien compris que c'est une marque d'infamie qui sera apposée au bas de la réforme», a pour sa part jugé le député communiste des Bouches-du-Rhône Pierre Dharréville, cité par Le Figaro.
Une position partagée par Boris Vallaud, porte-parole des députés PS, qui s'est dit «non seulement contre le 49.3», mais pour que le gouvernement «revienne avec sa réforme quand il sera prêt».
Quand la majorité déserte l'Hémicycle
Dernier épisode des tensions à l'Assemblée autour du texte sur la réforme des retraites : les députés de la majorité ont déserté l'Hémicycle pendant une trentaine de minutes le 25 février au soir, entendant protester contre «l'obstruction» et une «litanie» d'amendements «sans aucun intérêt» des Insoumis et des communistes, lors de l'examen de la réforme des retraites. Comme le rapporte l'AFP, de 23h35 à 0h10, seuls les présidents de groupes Gilles Le Gendre (LREM) et Patrick Mignola (MoDem) sont restés pour représenter leurs troupes face à l'opposition.
En multipliant les dépôts d'amendements, les représentants de la France insoumise (LFI) assument leur «obstruction» selon leur chef de file Jean-Luc Mélenchon. L'objectif : gripper les travaux de la commission spéciale de 71 députés, qui risque de ne pas parvenir à achever l'examen des 65 articles du projet de loi ordinaire et les cinq du projet de loi organique, avant leur arrivée dans l'hémicycle le 17 février.