Saint-Valentin : le personnel de l'hôpital public de retour dans la rue a «le cœur brisé»
L'hôpital public au cœur, les syndicats et collectifs de personnel hospitaliers manifestent ce 14 février, jour de la Saint-Valentin, pour exprimer leur extrême préoccupation quant au devenir de l'institution de santé publique.
Blouses blanches sur le dos et ballons en forme de cœur à la main, les personnels hospitaliers manifestaient leur amour du service public ce 14 février, jour de Saint-Valentin, mais aussi leur colère, trois mois après le «plan d'urgence» du gouvernement. A Paris, ils étaient plusieurs milliers à défiler.
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— Meriem Laribi (@Meriem_Laribi) February 14, 2020
Derrière la banderole de tête proclamant «Ensemble pour défendre notre hôpital, notre système de santé et d'action sociale», une nuée de ballons rouges, roses et blancs flottait au dessus des têtes, signe que cette mobilisation le jour de la Saint-Valentin se voulait aussi une «déclaration d'amour» à l'hôpital public. Juste avant que le cortège ne s'élance, une vingtaine de manifestants se sont positionnés torses nus avec des électrocardiogrammes et des SOS inscrits sur leur poitrine.
Torses nus... #hopitalpublic#greve14fevrierpic.twitter.com/wVCsJq2vLt
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Selon la CGT Santé, «une centaine d'actions de tout ordre» ont été prévues partout en France : manifestations, mais aussi rassemblements «festifs et visibles», selon sa secrétaire générale Mireille Stivala. Des milliers de personnes étaient par exemple dans les rues à Paris. Les syndicats et collectifs de personnels hospitaliers estiment que les mesures annoncées à l'automne par le gouvernement ne répondent pas à leurs revendications.
«Buzyn, Macron, on veut plus de ronds», ont ainsi scandé des manifestants à Paris comme le rapporte notre reporter sur place, Meriem Laribi.
"Buzyn, Macron, on veut plus de ronds". Les personnels hospitaliers manifestent en ce 14 février. Thématique de leur Saint-Valentin : l'amour de l'#hopitalpublic. #greve14fevrierpic.twitter.com/aTRXzuIBru
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«Tous les métiers de l'hôpital public sont en déshérence», dénonce Véronique, une infirmière à Clamart, interviewée par RT France. Elle explique avec des exemples précis la pénibilité et les risques liés aux métiers de l'assistance publique. Elle dénonce également la réforme des retraites qui va aura un impact négatif sur les métiers hospitaliers.
"Tous les métiers de l'#hopitalpublic sont en déshérence", dénonce Véronique, infirmière à Clamart. Elle explique avec des exemples la pénibilité et les risques liés aux métiers de l'assistance publique. #greve14fevrierpic.twitter.com/J1voCgbnfn
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«On a un quart des lits qui sont fermés faute de personnel», déplore pour sa part Pierre, médecin en infectiologie à Garches. Comme Véronique, il explique les difficultés rencontrée par les hôpitaux pour remplacer le personnel absent ou recruter de nouvelles personnes, tant les métiers de l'assistance publique ne sont plus attractifs.
"On a un quart des lits qui sont fermés faute de personnel", déplore Pierre, médecin en infectiologie à Garches. #hopitalpublic#greve14fevrierpic.twitter.com/AVIev74rmE
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Chaîne humaine à Compiègne, «cœur géant» à Poitiers, lâcher de «ballons roses» à Douai... Le thème de la journée tranche de fait avec la désespérance exprimée par ses organisateurs.
Après une première journée de grève et manifestation en novembre, le gouvernement avait concédé quelques mesures : rallonge budgétaire, primes, reprise de dette. Pour le Premier ministre, Edouard Philippe, ce «plan d'urgence» doté de «moyens considérables» devait «redonner de l'oxygène» aux soignants. Mais dans le «climat mortifère» du secteur, «ces propositions ne sont pas porteuses d'espoir», estime Hugo Huon, président du collectif Inter-Urgences.
Les mesures du gouvernement... encore insuffisantes ?
Depuis trois semaines, environ 800 médecins-chefs ont notamment renoncé à leurs fonctions administratives, désertant les instances de direction pour se consacrer exclusivement aux soins. Ils en avaient averti Agnès Buzyn lors d'une rencontre mi-janvier mais la ministre de la Santé souhaitait «d'abord qu'on fasse un état des lieux de la façon dont les réformes s'appliquent».
Dans les prochaines semaines, deux nouvelles primes seront ainsi versées à plusieurs dizaines de milliers d'infirmiers, aides-soignants, manipulateurs radio et auxiliaires de puériculture. A partir du 1er mars, les tarifs hospitaliers seront revalorisés, ce qui augmentera les ressources financières des établissements publics et privés. Une enveloppe de 150 millions d'euros a par ailleurs été débloquée en début d'année pour financer l'achat de matériel afin «que les conditions de travail s'améliorent».
Devant l’hôpital Necker, les membres du personnel hospitalier se sont justement réunis pour dénoncer le manque de budget ainsi que les conditions de travail des soignants. «On est de plus en plus fatigués et c’est de plus en plus compliqué», affirme l'une des manifestantes.
Après avoir envisagé un rendez-vous avec les médecins hospitaliers mi-mars, la ministre de la Santé a fait savoir ce 14 février au matin sur France Inter avoir «prévu de les revoir la semaine prochaine», «probablement en milieu de semaine prochaine», a-t-elle précisé. «Je n'exclus pas des mesures complémentaires à ce que nous avons proposé mais je veux qu'elles viennent du terrain», a ajouté Agnès Buzyn, soulignant que «chaque hôpital vit des choses éminemment différentes». La ministre avait souligné ces dernières semaines qu'il fallait «retravailler» le sujet de la gestion des hôpitaux pour «donner beaucoup plus la main aux professionnels médicaux».
«Depuis le début des années 2000, les choix politiques qui ont été faits ont considérablement modifié l'organisation et le financement de l'hôpital public», a expliqué Yacine Tandjaoui-Lambiotte, médecin hospitalier à l'AP-HP lors d'une conférence de presse organisée à Saint-Denis (Seine Saint-Denis) le 6 février. «La situation était depuis longtemps alarmante, elle est aujourd'hui dramatique», a-t-il regretté. De son point de vue, «si les patients restent le plus souvent soignés dans des conditions dignes, c'est au détriment de soignants qui s'usent trop vite et s'épuisent inexorablement».
Une de ses consœurs, Hélène Gros, chef de service démissionnaire en médecine interne et maladies infectieuses, qui a eu l'occasion de rencontrer la ministre, abonde : «On a eu l'impression qu'elle n'avait pas les mains libres, qu'elle n'avait pas les moyens pour répondre à ce qu'on lui demandait».