Gilets jaunes : ouverture du procès inédit d'un policier pour «violences volontaires»

Gilets jaunes : ouverture du procès inédit d'un policier pour «violences volontaires»© Gonzalo Fuentes Source: Reuters
La police anti-émeute monte la garde lors d'affrontements avec des manifestants, le 1er mai à Paris. (Photo d'illustration)
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Le procès du CRS qui avait lancé un pavé lors d'une manifestation de Gilets jaunes le 1er mai s'est ouvert. Trois mois avec sursis ont été requis pour «violences volontaires» contre ce policier, le premier mis en cause depuis le début du mouvement.

Le procès du CRS mis en cause durant la manifestation du 1er mai pour avoir jeté un pavé en direction de manifestants Gilets jaunes s’est ouvert ce 21 novembre. Membre de l'unité CRS 27 de Toulouse, le brigadier comparaît pour «violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique n'ayant pas entraîné d'incapacité». Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, c'est la première fois qu'un membre des forces de l'ordre se retrouve à comparaître au Tribunal de grande instance, alors que l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a lancé 212 enquêtes. Le procureur a requis une peine de trois mois de prison avec sursis à l’encontre de ce CRS, et la décision a été mise en délibéré au 19 décembre.

Pour rappel, dans une vidéo rapidement devenue virale sur les réseaux sociaux, on voyait ce CRS lancer un pavé en direction de Gilets jaunes, alors que des heurts violents se déroulaient entre manifestants et forces de l'ordre. La scène s'est déroulée aux alentours de 17h30, selon l'auteur de la vidéo, Laurent Bortolussi, journaliste de l'agence indépendante Line Press, devant l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, non loin de la place d'Italie dans le XIIIe arrondissement de Paris. En revanche, sur les images, impossible d'établir si ce projectile a pu blesser quelqu'un. Selon l'avocat du policier, Maître Laurent Boguet, aucune partie civile n'a été constituée. 

Un «geste de repli», selon le CRS incriminé

A l'ouverture du procès, auquel a assisté un journaliste de RT France, le président de l'audience a tenu à rappeler le contexte très violent de la manifestation, évoquant une «haute intensité». Le président a fait part des déclarations du capitaine de police, présent le 1er mai, et allant dans le même sens : «Dès le départ, ils ont été pris à partie par des black blocs et des éléments ultra jaunes [...] j’ai eu plusieurs contusionnés et des blessés.»

Interrogé à la barre, le CRS mis en cause a reconnu son geste, tout en contestant les faits de violence volontaire qui lui sont reprochés, et tenant par ailleurs à rappeler la difficulté de son métier. 

«Notre capitaine était gravement blessé, c’était le boss qui n’était pas là... et ça bougeait de partout, on nous demandait un barrage. On avait commencé 6h avant aussi il faut dire... on n’avait pas le temps de redescendre en pression. Il faisait chaud», a ainsi contextualisé le policier. 

Au moment de raconter la scène en question, le CRS a expliqué que son collègue venait de recevoir un pavé dans l’omoplate. A ce moment-là, le CRS aurait voulu relancer le pavé «dans une zone neutre pour être sûr de n'impacter personne». 

Selon lui, «c'était un geste de repli», pour permettre à son collègue blessé ainsi qu'à lui-même de se mettre à l'abri. Le CRS a assuré avoir vu le pavé tomber sans qu'il n'ait touché personne, précisant qu'il n’avait plus de moyen de défense à ce moment-là.

«Désastreux» pour l'image des forces de l'ordre

Le président de l'audience a alors interrogé le brigadier sur la notion de réflexe. Selon lui, un réflexe ne permet en effet pas de viser correctement une zone neutre, et la vidéo où l'on voit le geste du CRS s'est avérée «désastreuse» pour l'image des forces de l'ordre. 

Diffusée dans la salle d’audience, la vidéo montrant la scène a été décortiquée par le président, et d’autres vidéos contextuelles ont été montrées, notamment celle de la blessure du capitaine. 

Mon geste, c’était plus de la peur que de la colère

Le CRS a ensuite été invité à commenter les vidéos : «C’est le plus gros maintien de l’ordre que j’ai fait de ma carrière, même la loi El Khomri et Nuit debout... Ce 1er mai était plus violent, c’étaient des scènes de guérilla [...] mon geste, c’était plus de la peur que de la colère», a-t-il expliqué au président. Faisant valoir la dimension républicaine de la mission de police, l’avocat de la défense a rappelé que le CRS, équipé de son arme de service, n’avait malgré tout pas envisagé de l’utiliser.

Le président de l'audience a alors tenté de déterminer si le CRS aurait pu trouver une solution plus adaptée à la situation que le jeté de pavé. Il a notamment demandé ce qui était enseigné lors de la formation des CRS dans ce genre de cas, ce à quoi le CRS a répondu qu’il n’avait jamais connu pareille situation.

Le capitaine qui avait été blessé au crâne a livré son témoignage à la barre, expliquant que les policiers avaient «fait usage de seulement un tir de lanceur ce jour-là». Il a pris la défense de son collègue, rappelant que les policiers étaient avant tout des fonctionnaires qui s’engageaient pour la République, la justice mais également contre «l’anarchie». 

«Ni nécessaire, ni proportionné», selon le procureur

Le responsable de l’enquête administrative est venu expliquer son rapport à la barre. Il a confirmé la version du CRS, estimant que le jet de pavé en question était un geste tactique de repli : «C’est l’acte élémentaire du combattant. C’est pour rompre le contact, comme l’écran de fumée qu’on a vu sur les vidéos. [...] Le CRS c’est le savant équilibre entre l’ordre la rigueur et la discipline, Taïeb, il est traîné devant la justice dans l’exercice normal de la démocratie... mais demain il faudra qu’il reprenne le casque pour aller défendre la démocratie», explique l’auteur du rapport.

Une version à laquelle n'a pas souscrit le procureur : «Est-ce que monsieur ne peut pas se voir déclarer coupable quand bien même il n’y a pas de victime [...] ce n’est pas le procès de la police ni celui des manifestants les plus hostiles. [...] Peu importe le résultat du geste, quand le policier jette ce pavé il ne peut pas ignorer que cela peut entraîner des blessures graves», a asséné le procureur. Avant de poursuivre : «Est-ce que ce jet de pavé était absolument nécessaire pour permettre de maintenir à distance ceux qui veulent s’en prendre aux policiers ?» 

Le procureur a estimé en effet que «[ce jet de pavé] n’est ni nécessaire, ni proportionné. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons, notamment car ce geste pourrait être interprété par les manifestants non pas comme une mise à distance, mais un accroissement des violences». Il poursuit : «Les instincts de réflexe et de peur... on peut l’entendre [...] mais il y a une perte de sa maîtrise à cet instant précis».

A la suite de ces déclarations, le procureur a demandé une réponse pénale proportionnelle de trois mois de prison avec sursis à l’encontre du CRS.

Pour l'avocat, l'intention du CRS n'était pas la même que celle des Gilets jaunes

L’avocat du CRS a estimé quant à lui que les critères de la qualification pénale n'étaient pas réunis en l'absence de victime de ce jet de pavé. Il a reconnu que ce geste était choquant sur le plan moral et sociétal [...] et que des GJ avaient été condamnés sur des faits similaires. Mais il a précisé que l’intention des manifestants qui avaient jeté un pavé n’était pas la même. «Par ailleurs, on ne peut pas s’affranchir des éléments d’atteinte à l’intégrité physique ou psychiques d’une personne», précise l’avocat, qui plaide la relaxe. 

Au terme de cette audience, le président a déclaré au CRS : «Nous allons devoir rendre une décision difficile et elle est déjà critiquée, vous le savez, quoi que nous décidions. [...] Pour prendre le recul nécessaire sur ce dossier je mets notre décision en délibéré au 19 décembre.»

Devant les caméras, l'avocat du CRS s'est félicité d’une réquisition relativement légère de la part du procureur. Mais son enthousiasme n'a pas fait l'unanimité, puisqu'il a été pris à partie par des soutiens des Gilets jaunes. 

Lire aussi : Gifles, jet de pavé et matraque dans le pantalon : l'IGPN ouvre trois enquêtes après le 1er Mai

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