La journaliste qui trolle Envoyé Spécial est-elle rémunérée par l'industrie agroalimentaire ?

La journaliste qui trolle Envoyé Spécial est-elle rémunérée par l'industrie agroalimentaire ?© Christian Hartmann Source: Reuters
Image d'illustration. Un contenant de glyphosate devant un tracteur à Ouzouer-sous-Bellegarde en France.
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Une polémique entre une journaliste pro-glyphosate de L'Opinion et l'équipe d'Envoyé Spécial agite Twitter depuis des jours. Le magazine l'accuse d'être rémunérée par des lobbies de l'industrie agroalimentaire, ce qui a été confirmé par Check News.

Emmanuelle Ducros, une journaliste qui défend farouchement le glyphosate toucherait-elle discrètement des émoluments des lobbies de l'industrie agroalimentaire ? Alors qu'elle avait affirmé avoir participé à des événements organisés par des sociétés du milieu à titre gratuit, une enquête de CheckNews (le service de fact-checking du quotidien Libération) vient de révéler que la journaliste aurait touché de l'argent pour ses services, et qu'elle effectuait bel et bien des «ménages» pour l'agrobusiness.

Emmanuelle Ducros, qui couvre les questions d'agriculture pour le quotidien L'Opinion, se moque volontiers sur son compte Twitter des personnes angoissées par le réchauffement climatique, la canicule, ou encore des «collapsologues» (qui étudient l’effondrement de la civilisation industrielle). Elle s'en prend aussi parfois à ceux qui dénoncent les méfaits des industries polluantes. Dans ses interventions plutôt cinglantes sur Twitter, elle tient par exemple à se montrer «nuancée» sur la question des vaches à hublots, et n'hésite pas à défendre les OGM.

Empoignades sur l'enquête d'Envoyé Spécial sur le glyphosate

L'un de ses chevaux de bataille sur les réseaux consiste à défendre le glyphosate, ce pesticide controversé qu'Emmanuel Macron s'était engagé à interdire, avant de faire machine une fois arrivé au pouvoir.

A ce titre, Emmanuelle Ducros a affronté durant plusieurs mois l'équipe d'Envoyé Spécial par tweets interposés, au sujet d'un documentaire consacré à l'herbicide, diffusé le 17 janvier. Dans cet affrontement virtuel, elle a rapidement été rejointe par une autre journaliste, Géraldine Woessner, une journaliste qui travaille pour Europe 1 et le JDD.

Les deux journalistes ont entrepris de contester les informations sur la dangerosité du produit apportées par l'équipe d'Elise Lucet et leurs interlocuteurs. Elles ont ainsi raillé sans ménagement l'intervention du scientifique contesté Gilles-Eric Séralini, démenti sans beaucoup de précautions des affirmations sur un jugement condamnant Monsanto, ou encore moqué le test faisant état de trace de glyphosate dans les urines de plaignants. Accusations et réponses des journalistes des deux camps n'ont dès lors cessé de fuser.

Un article du Point, intitulé Géraldine Woessner et Emmanuelle Ducros, le cauchemar d'Élise Lucet est même venu illustrer cette guerre confraternelle. Dans ce sujet, les deux femmes clament prendre le parti de la science contre des journalistes «littéraires». Géraldine Woessner affirmant que le procès fait à Monsanto est avant tout celui du «capitalisme», passant sous silence les multiples scandales de la firme.

«Envoyé spécial a été fortement critiquée mais souvent à tort», selon CheckNews

En décortiquant minutieusement les arguments des deux parties dans un long article, CheckNewss'est alors positionné en juge de paix : «L’émission Envoyé spécial sur le glyphosate a été fortement critiquée sur ce qu’elle avançait, mais souvent à tort.» Le site spécialisé dans la vérification d'information a toutefois adressé un reproche au magazine d'Elise Lucet, à savoir qu'Envoyé Spécial n'avait donné que la parole qu'à des victimes et à des scientifiques contestés.

Mais l'affaire a pris une autre tournure au gré des premières révélations : Emmanuelle Ducros aurait fait des «ménages», ces missions ponctuelles pour le compte d'une marque ou d'une société, grassement rémunérées, en dehors du contrat de journaliste. Les «ménages» sont une pratique courante chez certains journalistes pour arrondir leurs fins de mois, mais qui flirte souvent avec les frontières de la déontologie.

Les activités en question d'Emmanuelle Ducros ont même été listées par Karl Laske, un journaliste de Mediapart. Il apparaît que la journaliste, qui possède une société de conseil immatriculée à son nom, anime ou participe aussi à des débats, ayant le plus souvent un lien avec l'agroalimentaire.

Petits «ménages» avec les industriels

En juin 2018, la journaliste se trouvait ainsi à Vienne pour animer une table ronde de la Fédération des entreprises de boulangerie, qui regroupe quelques géants du secteur (FEB, Paul, Brioche dorée). Lorsque ces révélations, qui font naître un doute légitime sur la déontologie de cette dernière sont apparues sur les réseaux sociaux, Emmanuelle Ducros s'est défendue en affirmant n'avoir jamais perçu d'argent pour sa mission au cours de ces débats, et trouver cocasse qu'on puisse lui reprocher d'avoir participé à cette réunion.

Une défense mise à mal par CheckNews, qui dispose d'éléments prouvant le contraire. Un autre journaliste présent à l'événement a confié avoir été rémunéré 1 000 euros pour son intervention. Plus accablant encore, le FEB a confirmé avoir payé la journaliste un montant approchant. «Si on veut faire venir les gens, il faut les payer. Elle a été défrayée pour l’avion et pour l’hôtel, et sa prestation a été rémunérée», a expliqué le délégué général de la FEB.

Outre son mensonge présumé concernant sa rémunération, une autre mission d'Emmanuelle Ducros interroge davantage. Hasard du calendrier, juste après avoir défendu le glyphosate de Bayer/Monsanto, en février 2019, la journaliste a animé des tables rondes lors de la réunion annuelle de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP), le lobby français des pesticides.

Emmanuelle Ducros  a affirmé ne pas avoir été rémunérée pour cette prestation. Doutant de sa parole, puisque ce type de participation est généralement rémunérée, une personne a contacté l'UIPP en se faisant passer pour elle. L'Union a déclaré détenir un devis d'Emmanuelle Ducros, de l'ordre de 2 000 à 3 000 euros, selon CheckNews, qui fait état de trois sources confirmant cette information.

Interrogé par CheckNews, le chargé des relations presse de l'UIPP a assuré qu'Emmanuelle Ducros avait envoyé son devis puis s'était rétractée, refusant d'être payée. De son côté, la journaliste s'est insurgée de telles méthodes d'usurpation d'identité pour obtenir ces informations.

Ces dernières révélations font, en tout état de cause, remporter une manche symbolique au camp d'Envoyé Spécial dans l'arène publique que sont les réseaux sociaux. A côté de celles-ci, le message de la journaliste posté le 16 juin dans lequel elle vante son honnêteté intellectuelle, et assure n'avoir jamais «reçu de consignes, lorsqu'il s'est agi d'enquêter et d'écrire», a peu de chance de faire le poids.

Lire aussi : «Opération nature morte» : des activistes d'Attac occupent le siège français de Bayer (IMAGES)

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