La presse vent debout contre l'idée d'un «Conseil de l'ordre des journalistes»
La proposition du secrétaire d'Etat Cédric O de créer un Conseil de l'ordre des journalistes pour permettre à l’Etat de légiférer à l’encontre de médias soupçonnés de bafouer l’éthique journalistique a largement fait réagir au sein de la profession.
Dans un entretien à l’agence de presse Reuters publiée le 25 juin, le secrétaire d’Etat au Numérique Cédric O a plaidé pour la création d’un dispositif au sein de la presse pour lutter contre les fake news, n'excluant pas que le gouvernement se saisisse du dossier. «Je considère qu’il doit y avoir un Conseil de l’ordre des journalistes, des journalistes entre eux, qui prennent des décisions et qui disent à l’Etat : "Vous devez retirer l’agrément de tel ou tel canard, mettre des avertissements."» Dans cette plaidoirie, l'ancien conseiller de l'Elysée en a profité pour accuser RT France et Sputnik d’ingérence. Selon lui, ces deux médias auraient comme but ultime de porter au pouvoir «tel ou tel parti politique».
S'il admet qu'il ne revient pas à l’exécutif de sanctionner les médias diffusant de fausses nouvelles, Cédric O a néanmoins estimé qu'à : «Un moment, devant la menace contre la démocratie, on le fera.» «Ce sera le CSA ou une autorité indépendante qui va décider ce qu’est une infox ou pas.»
Cette annonce a déclenché de très nombreuses réactions de journalistes et de personnalités liées professionnellement à la presse.
Le patron de Mediapart Edwy Plenel a rappelé toutes les atteintes à la profession exercées par le gouvernance actuelle : «Après les lois secret des affaires et fausses nouvelles, les tentatives de perquisition, les convocations à la DGSI, les violences policières, nouvelle confirmation que ce pouvoir illibéral et conservateur a décidé de s’attaquer à la liberté de la presse.»
Après les lois secret des affaires et fausses nouvelles, les tentatives de perquisition, les convocations à la DGSI, les violences policières, nouvelle confirmation que ce pouvoir illibéral et conservateur a décidé de s’attaquer à la liberté de la presse. https://t.co/F2Qq4pFbcm
— Edwy Plenel (@edwyplenel) 26 juin 2019
«Je n'avais pas croisé cette idée depuis l'Italie des années 30», déclare @EmmanuelMacron en 2017 quand @RNational_off demande un ordre des journalistes. Deux ans après, son proche @cedric_o reprend le projet de l’extrême-droite. https://t.co/hxbl9wY21A
— Edwy Plenel (@edwyplenel) 26 juin 2019
Le Syndicat national du journalisme (SNJ-CGT) s'est élevé contre cette déclaration du secrétaire d'Etat qu'il estime être «une proposition empoisonnée de ces apprentis sorciers contre le journalisme, la liberté d’informer et la liberté d’expression.»
Après @NBelloubet maintenant @cedric_o... pas une semaine ne se passe sans une proposition empoisonnée de ces apprentis sorciers contre le journalisme, la liberté d’informer et la liberté d’expression. Stop ! @SNJ_national@USJCFDT@force_ouvrierehttps://t.co/Ow3onuzZ23
— SNJ-CGT (@SnjCgt) 26 juin 2019
Chercheuse au CNRS, Claire Sécail a qualifié de dangereux les gens comme Cédric O qui veulent mettre la presse «au pas». Elle a estimé que cette initiative revenait à «menacer la démocratie au nom des menaces contre la démocratie».
Menacer la démocratie au nom des menaces contre la démocratie...
— Claire Sécail (@clairesecail) 25 juin 2019
En plus d'être insupportablement suffisants ("je considère que"...), ces gens qui veulent mettre au pas la presse sont dangereux. 🤬😱https://t.co/CDM7CGzXri
Fabrice Arfi, le célèbre journaliste d'investigation de Médiapart a ressorti une interview d'Emmanuel Macron dans laquelle l'actuel président rejetait cette idée de contrôle étatique sur la presse. «Interrogé en mai 2017 sur la proposition du FN de créer un ordre des journalistes, Emmanuel Macron avait répondu : "Je n'avais pas croisé cette idée depuis l'Italie des années 30". Son secrétaire d'Etat Cédric O veut désormais la même chose…»
Interrogé en mai 2017 sur la proposition du FN de créer un ordre des journalistes, Emmanuel Macron avait répondu: «Je n'avais pas croisé cette idée depuis l'Italie des années 30» (https://t.co/OgqaEsdpIL). Son secrétaire d'Etat @cedric_o veut désormais la même chose...
— Fabrice Arfi (@fabricearfi) 26 juin 2019
Autre journaliste à Mediapart, Ellen Salvi s'est également élevée contre cette tentative d'ingérence des autorités dans la profession. «Tant qu’à faire, on pourrait aussi demander à l’État d’écrire directement les papiers», a-t-elle écrit sur son compte Twitter..
La création d’un conseil de l’ordre des journalistes ? "C'est aux journalistes de le faire [...]. S'ils ne le font pas, ce sera l’État qui le fera, au bout du bout." Tant qu’à faire, on pourrait aussi demander à l’État d’écrire directement les papiers. https://t.co/iLiVfxEQok
— Ellen Salvi (@ellensalvi) 25 juin 2019
«OMG [Oh My God !] imaginez si c’était la France insoumise qui avait dit ça sur ce ton», a écrit pour sa part Abel Mestre, journaliste au Monde.
OMG imaginez si c’était @FranceInsoumise qui avait dit ça sur ce ton 😱😱😱😱 https://t.co/ThXg1r7kWf
— Abel Mestre (@AbelMestre) 26 juin 2019
«Une interview hallucinante du secrétaire d’Etat au Numérique. Si Russia Today contrevient à la loi, il suffit de la poursuivre. Mais la vision de la profession proposée par le ministre relève d’une caporalisation du journalisme absolument inacceptable», a estimé l'historien Christian Delporte.
Une interview hallucinante du secrétaire d’Etat au Numérique. Si Russia Today contrevient à la loi, il suffit de la poursuivre. Mais la vision de la profession proposée par le ministre relève d’une caporalisation du #journalisme absolument inacceptable. https://t.co/hGxrgZ1qcm
— Christian Delporte (@chdelporte) 25 juin 2019
«L’État qui contrôle la presse ? Dans une démocratie ce doit être le contraire ! On marche sur la tête ! Journalistes, RÉVEILLEZ-VOUS !!!», a lancé Didier Maïsto, le président de Sud Radio.
L’État qui contrôle la presse ? Dans une démocratie ce doit être le contraire ! On marche sur la tête ! Journalistes, RÉVEILLEZ-VOUS !!! https://t.co/xtTi5qgViy
— Didier Maïsto (@DidierMaisto) 26 juin 2019
Le journaliste Florent Latrive, délégué au nouveaux médias de France Culture a relevé une double attaque contre la liberté de la presse. «A quelques jours d'intervalle, le gouvernement lance deux fusées éclairantes : un "Conseil de l'ordre des journalistes" (Cédric O) après une remise en cause des équilibres de la loi de 1881 (Nicole Belloubet)», a-t-il écrit.
En effet, la garde des Sceaux Nicolle Belloubet s'apprête à constituer un groupe d'experts pour lancer «une réflexion approfondie sur la liberté d'expression sur les réseaux sociaux». La loi de 1881 sur la liberté de la presse pourrait en sortir modifiée.
A quelques jours d'intervalle, le gouvernement lance deux fusées éclairantes : un "conseil de l'ordre des journalistes" (Cédric O) après une remise en cause des équilibres de la loi de 1881 (Nicole Belloubet). https://t.co/0TraqdAXDU
— Florent Latrive (@latrive) 25 juin 2019
«Ce gouvernement est déterminé à museler la presse au nom d’une pseudo lutte contre les fake news et la désinformation», a écrit pour sa part Sabrina Grimaldi, éditorialiste et militante du Parti pirate.
Ce gouvernement est déterminé à museler la presse au nom d’une pseudo lutte contre les #FakeNews et la désinformation. https://t.co/nPpLaa88aQ
— Sabrina Grimaldi (@GrimaldiSabrina) 25 juin 2019
Le dessinateur Allan Barte a également commenté en image la proposition du secrétaire d'Etat, laissant entrevoir ce que pourraient être les conséquences d'une telle mesure.
Cédric O, secrétaire d'État au Numérique menace d'imposer aux journalistes un conseil de l'ordre avec sanctions contre les fausses nouvelles
— Allan BARTE (@AllanBARTE) 26 juin 2019
Mais relax ! #YAPireAilleurs 🙄
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