Macron a-t-il été trop généreux avec les Gilets jaunes ? La Cour des comptes s'inquiète
- Avec AFP
Dans son rapport annuel sur les finances publiques, la haute juridiction a dénoncé l'incapacité de la France à réduire son déficit structurel et à résorber la dette, et s'est interrogée sur le financement des mesures pour les Gilets jaunes.
«Situation dégradée», «risques significatifs», «évolutions préoccupantes» : la Cour des comptes, jusque-là conciliante envers la politique budgétaire du gouvernement, a haussé le ton le 25 juin contre l'évolution de la dette publique française, fragilisée par les mesures annoncées après le Grand débat.
Dans son rapport annuel sur les perspectives des finances publiques, la Cour s'est interrogée sur les dispendieuses mesures dites «Gilets jaunes». Elles coûtent cher, notamment les cinq milliards d'euros de baisse d'impôts sur le revenu, qui représentent autant de recettes en moins dans les caisses de l'État. Les magistrats doutent : rogner sur certaines niches fiscales et faire des économies suffira-t-il à compenser ce manque à gagner ?
Comment financer les mesures Gilets jaunes ?
Dans son programme de stabilité budgétaire, envoyé fin avril à Bruxelles, le gouvernement a abaissé ses objectifs budgétaires afin de tenir compte du ralentissement de la croissance et des mesures d'urgence annoncées face au mouvement des Gilets jaunes.
«La France est loin d'avoir résorbé ses déficits structurels alors que de nombreux voisins européens ont pratiquement atteint l'équilibre», a souligné la Cour dans son rapport, évoquant de fortes «divergences» en matière de dette publique. «Cette divergence accrue entre la France et ses partenaires est préoccupante», a ajouté la haute juridiction financière, qui épingle dans ce document de 150 pages «la lenteur des progrès faits par la France pour réduire son déficit structurel», malgré le retour de la croissance ces dernières années
Déficit public et dette : la France à rebours des pays de la zone euro
Concernant 2019, «l'évolution attendue» recèle «deux évolutions préoccupantes» : le «déficit structurel», jugé trop élevé, et la «dette publique», qui continue d'augmenter, «à rebours de l'évolution de la majorité de nos partenaires de la zone euro».
Concernant 2020 et au-delà, la trajectoire retenue est «fragilisée par les annonces faites à la suite du grand débat national», estiment les magistrats financiers, qui épinglent notamment le flou entourant le financement des cinq milliards d'euros de baisses d'impôt sur le revenu promis par Emmanuel Macron.
La trajectoire des #FinancesPubliques a été remise en cause par les annonces intervenues fin avril à l’issue du #GrandDebat, pour un montant de 6,5 Md€. Leur compensation intégrale dès 2020 grâce à des suppressions de niches fiscales et sociales demeure incertaine #RSPFPpic.twitter.com/wkoBX4q3U5
— Cour des comptes (@Courdescomptes) 25 juin 2019
Le Premier ministre Edouard Philippe a récemment assuré que ce geste fiscal serait compensé par trois types de mesures d'économies : la suppression d'organismes publics jugés inutiles, l'allongement du temps de travail et la réduction de certaines niches fiscales sur les entreprises.
«Mais compte tenu de l'ampleur des mesures annoncées, il paraît peu probable que cette compensation puisse être intégrale sur l'exercice 2020», avance la Cour, qui évoque un dérapage budgétaire pouvant aller de 0,1 à 0,3 point l'an prochain, selon l'importance des économies retenues.
«La poursuite annoncée du mouvement de baisse des prélèvements obligatoires ne saurait se traduire, compte tenu du niveau élevé tant de la dette que des déficits, par un relâchement des objectifs» de réduction de la dette, met en garde l'institution présidée par Didier Migaud. «Elle doit s'accompagner de l'effort en dépenses indispensable pour permettre à la France de garder la pleine maîtrise de ses choix budgétaires», a ajouté la Cour des comptes.
La trajectoire formulée dans le programme de stabilité d’avril 2019 est moins ambitieuse que celle qui figurait dans la loi de programmation des #FinancesPubliques pour 2018-2022. Les ambitions de réduction du déficit ont été fortement revues à la baisse #RSPFP#LPFPpic.twitter.com/XSusSxYkia
— Cour des comptes (@Courdescomptes) 25 juin 2019
Selon le ministère de l’Économie et des Finances, le déficit public devrait ainsi atteindre 3,1% du produit intérieur brut (PIB) cette année, puis 2% du PIB en 2020, 1,6% en 2021 et 1,2% en 2022, alors que le gouvernement prévoyait à l'origine un quasi retour à l'équilibre budgétaire pour la fin du quinquennat. La dette publique, quant à elle, devrait passer de 98,4% en 2018 à 96,8% en 2022, après un pic à 98,9% cette année. Sur l'ensemble du quinquennat, la baisse atteindrait 1,6 point de PIB, alors que l'exécutif promettait initialement un recul de cinq points de PIB.
Pour la Cour des comptes, ces objectifs sont insuffisants et sont «affectés par de nombreux risques».