Arnaud Montebourg : «La riposte au macronisme, c'est le retour de la nation»
Sa parole est devenue rare depuis deux ans mais l'ancien ministre Arnaud Montebourg a préservé sa verve. Dans une interview, il a notamment égratigné Emmanuel Macron, affirmant : «Il y a le risque que nous entrions dans une décennie noire politique.»
Alain Minc, Emmanuel Macron, les socialistes... Arnaud Montebourg a tapé fort sur France inter ce 14 juin. Discret médiatiquement depuis son échec à la primaire socialiste de 2017, Arnaud Montebourg semble de fait épanoui dans son activité entrepreneuriale, qu'il a entamée en fondant la marque de miel Bleu Blanc Ruche. Il assure par ailleurs ne pas prétendre à court-terme à un retour dans l'arène politique. Il a toutefois livré son analyse sur plusieurs sujets d'actualité, dont sa vision du macronisme : «C’est le nouveau parti conservateur qui a remplacé l'UMP/LR et qui l’a fait avec les habits de la nouveauté. Et qui, finalement, mène la même politique que toujours.»
[LREM], c’est le nouveau parti conservateur qui a remplacé l'UMP/LR et qui l’a fait avec les habits de la nouveauté
«Le drame dans notre pays, c'est qu'on vote depuis des années, [...] avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Emmanuel Macron, et à chaque fois, on revient toujours à la même politique, le problème [...] c'est qu'il n'y a pas d'alternative», a ainsi déploré l'ancien député de Saône-et-Loire.
Arnaud Montebourg voit en outre dans le courant politique incarné par le chef de l'Etat «l'adaptation de la France aux normes de la mondialisation telle qu'elle est». «Et donc on dit aux Français : "Vous êtes des fainéants, vous êtes des idiots, vous ne comprenez rien, moi je sais donc je vais vous dire ce qu’il faut faire"», poursuit-il, ajoutant que la conséquence de cette politique est l'alignement de la France sur le reste du monde. «Mais la France ça n'est pas ça : c’est Napoléon Bonaparte, c’est le général De Gaulle et c’est la France qui a fait le reste du monde», argumente-t-il en accusant le «penseur ridicule» Alain Minc d'avoir assimilé la France à un canton suisse. «Et bien si, la France a une grandeur historique», soutient-il.
«Les Français ne sont pas décidés à laisser leur destin dans les mains des autres et c'est ça le sens du mouvement des Gilets jaunes [...] La riposte au macronisme c’est le retour de la nation», affirme-t-il dans la continuité. Il craint toutefois, «le risque que nous entrions dans une sorte de décennie noire politique». «Nous allons nous retrouver avec des nationalistes extrémistes au pouvoir parce que les Français ne sont pas d’accord avec cette politique qui est menée par une minorité pour une minorité.», fustige-t-il encore.
Alstom : «La France ne s'est pas fait respecter»
Ancien ministre de l'Economie de 2012 à 2014, Arnaud Montebourg est également revenu sur l'usine Alstom de Belfort, actuellement victime d'une suppression massive d'emplois par la volonté de son repreneur General Electric (GE). Or c'est son successeur au ministère de l'Economie, Emmanuel Macron, qui avait contribué à ce rachat en 2015. «Je me suis battu quand j'ai été au gouvernement contre la vente d'Alstom. [...] La question énergétique, les outils industriels stratégiques doivent rester entre les mains de notre pays», juge-t-il, expliquant avoir tenté au gouvernement de nationaliser une partie de l'entreprise et d'impliquer l'Etat, notamment dans l'activité nucléaire d'Alstom.
Le gouvernement peut encore racheter des morceaux d'Alstom [...] C'est ça qu'il faut faire
Des recommandations qu'Emmanuel Macron n'aurait pas mise en œuvre lors de sa prise de fonction au ministère. «La France ne s'est pas fait respecter», regrette-t-il. «C'est un désastre en terme de stratégie industrielle», lance-t-il encore amer. D'autant plus, qu'il atteste avoir «arraché à François Hollande», à l'époque, la possibilité de nationaliser une partie d'Alstom. «Le gouvernement peut encore racheter des morceaux d'Alstom», prévient-il, rappelant que GE est en «déconfiture». «C'est ça qu'il faut faire !», s'exclame-t-il.
Arnaud Montebourg confesse toutefois que la «première trahison» vient de Patrick Kron, ex-PDG d'Alstom ayant contribué à la vente du fleuron français au géant américain GE, «pour de l'argent et des intérêts personnels».
Offensif, l'ancien ministre socialiste n'a pas été plus affectueux vis-à-vis de la gauche. Pour le néo-entrepreneur, «la branche social-démocrate» a fait payer la crise aux «classes moyennes» et «aux classes populaires». Un «abandon» qui ferait qu'il n'y a plus d'accord sur le projet entre ces deux pans de la société et la gauche. Dans ce projet, il faudrait selon lui replacer la question de l'écologie, de la nation et de la souveraineté, «c'est-à-dire la maîtrise de notre destin collectif», au premier plan, avec une perspective de «reconquête», «de ce que les Français ont perdu». Arnaud Montebourg ne voit d'ailleurs pas «d'acteurs» politiques à la hauteur pour proposer une telle ambition aux Français. Aux mauvaises langues qui verraient dans ces paroles une tentative pour lui de revenir en politique, Arnaud Montebourg a matraqué durant tout l'entretien qu'il n'avait pas l'intention de regagner cette scène-là... A moins que le sens de l'histoire ne le rappelle ?
Lire aussi : Alstom : la saga du rachat par l'américain General Electric en quelques dates