Loi Blanquer : quels sont les principaux points de blocage ?
Le projet de loi «pour une école de la confiance», défendu par le ministre Jean-Michel Blanquer, poursuit son chemin au Sénat. Les enseignants, eux, se sentent visés, notamment par le rappel au devoir d'exemplarité.
Le climat au sein de l'Education nationale est tendu. Le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, propose une loi intitulée «pour une école de la confiance» qui suscite de nombreux remous. Alors que le Sénat poursuit son examen en première lecture depuis le 14 mai, les professeurs, eux, restent mobilisés.
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— Les Stylos Rouges (@stylos_les) 15 mai 2019
Parmi les points d'inquiétude, l'article premier semble crisper le monde enseignant. Le devoir d'exemplarité et de neutralité du professeur y est rappelé et consacré. Est-ce pour éviter que les enseignants puissent critiquer leur milieu, comme ce fut le cas avec le mouvement «pas de vague» sur les réseaux sociaux visant à dénoncer les violences subies ? «La volonté du gouvernement c'est : "Taisez-vous et ne critiquez pas"», déplore un enseignant interviewé par RT France le 14 mai. Un professeur des écoles, lui aussi interrogé à ce sujet, a la même crainte : «Là je vous parle mais bientôt je ne pourrai peut-être plus vous parler, j'aurais un blâme et cela sera inscrit dans mon dossier.»
Au Sénat, le 15 mai, la sénatrice communiste (PCF) de Seine-Maritime, Céline Brulin, a estimé que cet article visait à «encadrer la liberté d’expression des personnels [qui] constatent des pressions hiérarchiques, des phénomènes que nous n’avons pas connus par le passé».
Public Sénat note que le rapporteur du texte, le sénateur Les Républicains (LR) des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson, a cherché en commission à équilibrer l’article en le réécrivant. «J’ai du mal à imaginer que des professeurs ne puissent pas être exemplaires», critique-t-il, en proposant une réécriture de l'article en s'appuyant sur «l’autorité du professeur et le respect qui lui est dû». «L’exemplarité du professeur nourrit le respect qui est dû à son autorité», poursuit-il.
Lors de la séance, le ministre Jean-Michel Blanquer évoque un «malentendu» sur l'exemplarité demandée aux professeurs. «Je reconnais bien volontiers que la re-rédaction par les Sénat apporte une amélioration. Et que l’ajout du terme autorité est très important, j’y souscris pleinement», admet-il.
Devoir d'exemplarité des professeurs : le ministre de l'Education nationale @jmblanquer revoit sa copie. Revivez le débat au @senat, dès 11H sur @publicsenat dans l'émission Les Matins du Sénat, présentée par @TamTranHuy. https://t.co/lK5MwHJKac@SNESFSU#LoiBlanquer
— Public Sénat (@publicsenat) 15 mai 2019
Cela suffira-t-il à dissiper les malentendus ?
D'autres points sont également contestés comme l'article 14, accusé de précariser davantage le métier avec le recours à des surveillants (assistants d'éducation) pour pallier le manque d'enseignants titulaires. «C'est une loi qui va une fois de plus casser l'éducation nationale», s'insurgeait un manifestant le 14 mai.
Une enseignante en école maternelle, elle aussi interviewée par RT France, constate «des gens qui arrivent par Pôle emploi ou par agences d'intérim». Elle prend l'exemple, dans son établissement, d'un professeur au contrat court d'une durée d'une année, ne bénéficiant pas du même salaire et des mêmes droits, ne sachant toujours pas s'il sera reconduit la saison prochaine.
Or, l'article 14 confirmerait, selon les principaux syndicats, le recours de plus en plus massifs aux contrats précaires.
(presse) Projet de loi Blanquer : Assistants d'éducation #AED "il ne faudrait pas transformer des étudiants en personnel de remplacement à moitié prix" Valentin Albert @SNESFSUhttps://t.co/TgtyMJcg78
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L'article, selon le ministère de l'Education nationale ambitionnerait plutôt de «diversifier socialement le recrutement» des professeurs et de «susciter de nouvelles vocations».
Autre point de friction : l’abaissement de six à trois ans de l'âge de l'instruction obligatoire. Actuellement, si plus de 90% des enfants de 3 ans sont déjà scolarisés, l'article 2 permettrait, pour Jean-Michel Blanquer, de lutter dès le plus jeune âge contre les inégalités, notamment concernant l'apprentissage de la langue.
Mais cela engendrera un coût pour les communes, qui devront financer les écoles maternelles privées afin de répondre à cette obligation légale. Jusqu'à présent, les écoles privées ne bénéficiaient des subventions qu'à partir du primaire. Celles-ci finançaient par leurs propres moyens les locaux et les fournitures liés à la maternelle. Est-ce un petit cadeau offert au privé ? «Pour le privé, il va y avoir un effet d'aubaine financier certain, sans qu'aucune contrepartie ne lui soit demandé», s'offusque en février dernier Damien Berthilier, président du Réseau français des villes éducatrices, cité par l'AFP. Même son de cloche du côté du syndicat enseignant Unsa, qui précise que les municipalités devront débourser près de 150 millions d'euros pour financer l'engagement.
Instruction obligatoire dès 3 ans : pour le privé de l'argent, pour le public zéro engagement #30Mars#StopChambouleTout#ConstruireAvecNous#AgirPourUneÉcoleDurablepic.twitter.com/ALpi3Gx3yf
— SE-Unsa (@SE_Unsa) 15 mars 2019
La loi a été adoptée en première lecture à l'Assemblée nationale le 19 février 2019. Le 18 mai, les enseignants sont appelés par plusieurs syndicats à manifester.
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