Un an après le meurtre de Mireille Knoll, le mobile antisémite toujours incertain
Le 23 mars 2018, le corps de Mireille Knoll, 85 ans, était retrouvé lardé de coups de couteau et partiellement brûlé. Deux suspects ont été mis en examen pour «homicide volontaire» et «vol». Une affaire qui avait relancé le débat sur l'antisémitisme.
Crime crapuleux, antisémite ou les deux ? Un an après le meurtre de Mireille Knoll, qui avait suscité l'indignation nationale, l'enquête s'est attachée à mieux cerner les profils des deux suspects, qui s'accusent mutuellement d'avoir porté les coups de couteau, et doivent encore être confrontés.
Le 23 mars 2018, le corps de cette femme juive de 85 ans, atteinte de la maladie de Parkinson, avait été retrouvé lardé de 11 coups de couteau et partiellement carbonisé dans son appartement d'une HLM de l'Est parisien. Un an après le meurtre d'une autre femme juive à Paris, Sarah Halimi, cette nouvelle affaire avait suscité une marche de milliers de personnes et relancé le débat sur un «nouvel antisémitisme». Mireille Knoll a été «assassinée parce qu'elle était juive», avait affirmé le président Emmanuel Macron.
Deux suspects ont vite été identifiés : Yacine Mihoub, le fils d'une voisine, âgé aujourd'hui de 29 ans, et Alex Carrimbacus, un marginal de 22 ans ayant des antécédents psychiatriques. Tous deux s'étaient connus en prison. Ils ont été mis en examen pour «homicide volontaire» et «vol», avec la circonstance aggravante de l'antisémitisme que le parquet avait immédiatement retenue en s'appuyant sur les premières déclarations du plus jeune.
Alex Carrimbacus avait d'abord affirmé que son comparse «avait reproché aux juifs d'avoir les moyens financiers et une bonne situation» lors d'une conversation avec la victime. Or, quelques jours plus tard, il était revenu sur ses déclarations, tout en accusant à nouveau Yacine Mihoub d'avoir égorgé la vieille dame aux cris d'«Allah Akbar».
«Tout ce que dit Carrimbacus est faux», avait balayé ce dernier devant les juges d'instruction. Il soutenait avoir invité ce marginal pour boire un verre chez sa voisine et l'accusait d'en avoir profité pour voler ses biens, avant que cela ne dégénère, sur fond d'ivresse.
Des écoutes en détention
Pour éclaircir ces versions confuses, les enquêteurs ont placé Yacine Mihoub sur écoute en détention et intercepté des conversations avec sa mère, également mise en examen et soupçonnée d'avoir nettoyé le couteau ayant potentiellement servi au crime. Les interceptions, selon une source proche du dossier, montrent que la mère et le fils se sont appelés régulièrement au cours de l'année écoulée, pour s'accorder sur une version commune et la mise à l'abri d'affaires du jeune homme potentiellement compromettantes.
Ce dernier confie à sa mère que toute l'affaire est «politique» car la victime est juive. «Moi j'ai mis le feu au canapé, c'est tout», se borne-t-il à reconnaître dans l'une de ces conversations. Les enquêteurs examinent de près les antécédents de Yacine Mihoub, et n'écartent pas la piste d'une vengeance personnelle, doublée d'une éventuelle animosité antisémite. Le jeune homme avait été condamné après l'agression sexuelle de la fille de 12 ans de l'aide à domicile de Mireille Knoll et était sorti de prison en septembre 2017.
Deux ans et demi plus tôt, en détention, il avait reconnu être l'auteur d'inscriptions au lendemain des attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher. «Les frères Kouachi ne sont pas morts pour rien», «A. Coulibaly RIP», avait-il écrit au sujet de ces trois djihadistes, sur les murs de sa cellule.
Gilles-William Goldnadel, l'avocat de la famille Knoll, commente : «Je n'ai plus aucun doute ni sur l'auteur ni sur le mobile, c'est un crime sauvage raciste». L'avocat de la mère de Yacine Mihoub, pour sa part, s'est dit «scandalisé» par la révélation de ces écoutes, qui bafouent «la présomption d'innocence».
Comme pour Sarah Halimi, «ce sont des meurtres antisémites et c'est important que la justice le montre», affirme Joël Mergui, président du Consistoire, notamment pour «mieux combattre l'antisémitisme».
Pour commémorer la mémoire de Mireille Knoll, un recueillement est prévu le 23 mars dans toutes les synagogues de France, associé à la mémoire d'Arnaud Beltrame et Sarah Halimi. Le 24 mars, «dans la synagogue qu'elle fréquentait», la synagogue de la Roquette à Paris, aura lieu une cérémonie commémorative, en présence de ses deux fils et de personnalités.