Le 20 février, la commission des lois du Sénat a rendu son rapport sur l'affaire Benalla après six mois de travaux et 40 personnes interrogées. Elle a notamment dénoncé des «dysfonctionnements majeurs» au sommet de l'Etat. Son président, Philippe Bas (Les Républicains – LR) a d'ailleurs estimé, lors de la présentation du rapport, que «la sécurité du président de la République a[vait] été affectée», la commission évoquant «des pouvoirs excessifs laissés à un collaborateur inexpérimenté». Parmi les griefs, les commissaires notent un «sérieux manque de précaution dans la prévention des conflits d'intérêts de certains collaborateurs», en référence au contrat russe.
Mettre fin aux «collaborateurs officieux»
Dans une lettre adressée au président du Sénat Gérard Larcher, les membres de la commission ont donc souhaité la saisine du parquet pour «des déclarations» d'Alexandre Benalla et de son acolyte, ancien employé de la République en marche, Vincent Crase.
Les sénateurs supposent en effet un «faux témoignage» d'Alexandre Benalla, lors de ses auditions sous serment au Sénat, concernant le «périmètre de ses fonctions» à l’Elysée, «son rôle dans le dispositif de sécurité du chef de l'Etat» et sur l'utilisation de ses passeports diplomatiques. Alexandre Benalla et Vincent Crase sont notamment soupçonnés d'avoir menti au sujet du contrat de sécurité privée pour le compte de l'homme d'affaire russe Iskander Makhmoudov, alors que les révélations du site Mediapart, comme on peut le lire dans la lettre, ont laissé entrevoir «l'implication de Monsieur Alexandre Benalla dans la négociation dudit contrat alors que ce dernier était encore en fonction à l'Elysée».
Le rapport fait état de 13 préconisations et demande par exemple la fin du recours à des «collaborateurs officieux» de la part du président la République, Emmanuel Macron.
Les commissaires invitent en outre le bureau du Sénat à saisir la justice pour vérifier «un certain nombre d'omissions, d'incohérences et de contradictions» relevées lors des auditions des plus hauts collaborateurs du chef de l'État.
Sont notamment épinglés, le secrétaire général de l'Elysée Alexis Kohler et le chef de cabinet Patrick Strzoda, mais aussi le chef du groupe de sécurité de la présidence, le général Lionel Lavergne. La décision finale de saisir ou non la justice reviendra au Bureau du Sénat.
Les sénateurs regrettent «l'incompréhensible indulgence de la hiérarchie d'Alexandre Benalla»
Au cours de la conférence de presse, la vice-présidente de la commission, Muriel Jourda (LR), a de plus «regretté l'incompréhensible indulgence de la hiérarchie d'Alexandre Benalla, qui a conservé dans l'équipe de l'Elysée un collaborateur qui avait gravement manqué à ses devoirs». «Ce qui frappe en réalité ce n'est pas tant la sanction qui a été infligée en mai, mais bien la confiance qui a été maintenue à Alexandre Benalla jusqu'en juillet», a ajouté la sénatrice.
Philippe Bas a par ailleurs listé de nombreux points problématiques dans l'affaire Benalla, en relevant des «sanctions insuffisantes au départ, une justice tenue à l'écart, un permis de port d'arme irrégulier, un port d'une arme par Alexandre Benalla en présence du président de la République». Mais aussi le «non-respect des règles de déontologie sur les conflits d'intérêt, [le] maintien en possession de Monsieur Benalla d'un téléphone crypté, de passeports diplomatiques ou de service qui n'ont pas été récupérés, [l']absence d'instructions données à la Police aux frontières de ne pas permettre à Monsieur Benalla de sortir au moyen de ses passeports diplomatiques ou de service».
«Cela fait tout de même beaucoup, si bien que les faits constatés le 1er mai apparaissent maintenant comme la partie émergée d'un iceberg», a appuyé Philippe Bas.
Le vice-président de la commission Jean-Pierre Sueur (Parti socialiste) a également accusé : «Le permis de port d'armes [...] lui a été attribué [...] par la préfecture de police dans des conditions inédites et dérogatoires au droit commun, à tel point que [Alexandre Benalla avait lui-même] envisagé [...] un décret secret du président de la République pour l'autoriser à porter une arme, et nous en fournissons la preuve. Cela ne pouvait se justifier par d'autres raisons qu'une fonction de protection rapprochée.»
La commission a enfin rappelé que le faux témoignage sous serment devant une commission d'enquête parlementaire était puni de cinq, voire sept ans d'emprisonnement.
L'ancien collaborateur d'Emmanuel Macron à l'Elysée, Alexandre Benalla, et l'ex-salarié du parti présidentiel, Vincent Crase, ont été auditionnés le 19 février par les juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris dans l'affaire des violences du 1er mai. Ils ont été placés en détention provisoire.
Le parquet de Paris a annoncé le 20 février avoir confié, le 15 février, une enquête préliminaire à la brigade criminelle pour déterminer s'il y a pu avoir des «dissimulations de preuves» dans le cadre des différentes enquêtes visant Alexandre Benalla et son entourage.