«Un grand raout pour faire sa communication» : interrogations autour du Grand débat de Macron
Questions préparées à l'avance, maires triés sur le volet, désintérêt des Français selon un récent sondage : la pertinence du grand débat national voulu par Emmanuel Macron suscite plusieurs interrogations.
Emmanuel Macron a entamé le 15 janvier à Grand Bourgtheroulde dans l'Eure son Grand débat national, lancé avec l'ambition de mettre un terme à la crise des Gilets jaunes. Or, les modalités de celui-ci, autant que l'intérêt qu'il suscite auprès des Français, interrogent quant à sa pertinence.
Invités à y participer en nombre, certains édiles eux-mêmes ont montré leur réticences à prendre part à cette rencontre, craignant d'être instrumentalisés par l'exécutif et de se mettre à dos une partie de leurs administrés. «On ne veut pas devenir les boucs émissaires», a ainsi soutenu un élu dans les colonnes du Point, la veille de l’événement. 653 maires de la région ont finalement fait le déplacement. Assis en rond autour du président, ils lui ont posé des questions et écouté ses réponses 7 heures durant, dans un exercice qui rappelait étrangement celui pratiqué pendant sa campagne présidentielle.
Le chef de l'Etat n'a d'ailleurs pas été poussé dans ses retranchements à cette occasion, échangeant des rires avec son auditoire avant d’être longuement applaudi vers 22h10 par des maires, debout.
Fin d’un premier temps de dialogue à Bourgtheroulde. Le Grand Débat National doit aussi nous permettre d’inventer une nouvelle forme de démocratie. Merci aux maires présents pour ces longs échanges ! pic.twitter.com/jY2CavJBQV
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) January 15, 2019
Et pour cause, comme le souligne Le Point, des «maires coordinateurs» avaient été désignés pour «préparer en amont deux questions et les attribuer à deux de leurs collègues dont les noms [ont été] donnés à l’avance aux préfets». Alain Lenormand, vice-président de la communauté urbaine d'Alençon a ainsi expliqué qu'il s'était vu réclamer «une question en lien avec les Gilets jaunes». Un autre maire, cité par RTL, une question sur l’ISF. «C'est un grand raout destiné à faire sa communication», a ainsi jugé sans concession un élu interrogé par Le Point.
Des édiles soigneusement choisis ?
D'autant que si l'on en croit le maire de Beaucaire Julien Sanchez (Rassemblement national), le processus de sélection des maires laisse à désirer. Pour la deuxième étape d'Emmanuel Macron prévue en Occitanie ce 18 janvier, l'édile explique que «seuls 50 maires ont été triés» pour sa région, le Gard, qui vote massivement pour le RN. Et de déplorer : «maire de la 4e commune du Gard, je n’ai pas été invité.»
J’apprends par plusieurs médias qu’@EmmanuelMacron se déplace demain en Occitanie pour rencontrer LES Maires ?
— Julien Sanchez (@jsanchez_rn) 17 janvier 2019
FAKE NEWS.
Pour le Gard (où @MLP_officiel a fait 45,25%), seuls 50 Maires ont été triés.
Maire de la 4e commune du Gard, je n’ai pas été invité.
Tu parles d’un débat ! pic.twitter.com/2INdJvPE9U
L'image que souhaite renvoyer le président de la République viendrait-elle éclipser sa promesse de discussions et de débats ? Il semble en tout cas y apporter une attention certaine. Souillac, le bourg de 3 750 âmes qui accueille cette deuxième étape, a ainsi été placé sous haute sécurité : centre bouclé, marché annulé et surtout manifestations interdites. Un arrêté préfectoral prohibe ainsi «toute manifestation, notamment dans le cadre du mouvement dit des Gilets jaunes», entre 8h et 23h. Pas étonnant dès lors de constater le désintérêt des Français pour l'exercice, selon un sondage Odoxa Dentsu consulting réalisé auprès de 1 000 personnes,et publié jeudi 17 janvier. D'après celui-ci, 64% des sondés se disent sceptiques sur l'utilité du grand débat, et moins d'un tiers (29%) ont fait part de leur intention d'y participer.