Créé par la loi du 17 janvier 1989, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) souffle sa trentième bougie ce 17 janvier. En tant qu'autorité de régulation de l'audiovisuel en France, le CSA est à la fois le garant de l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle et en charge des sanctions visant à garantir le respect du droit.
Particulièrement sous les feux des projecteurs durant l'année 2018, le CSA a été au cœur de controverses et de débats, notamment sur l'application de la loi contre la manipulation de l'information. D'aucuns remettent en cause son indépendance vis-à-vis du gouvernement, d'autres critiquent l'efficacité de son action. Tandis qu'en son sein, on rêve à de plus larges prérogatives.
C'est notamment le cas d'Olivier Schrameck qui quittera la présidence du CSA le 23 janvier après avoir passé 6 ans à sa tête. Le nom de son successeur, homme ou femme, sera annoncé par le président de la République d'ici là.
Une indépendance parfois contestée
Autorité publique indépendante, le CSA est chargé de réguler le secteur audiovisuel au nom de l’Etat mais sans dépendre du gouvernement.
La loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public adoptée le 15 novembre 2013 est venue renforcer ce statut. Si son président est nommé par le chef de l'Etat, le CSA a pour sa part le pouvoir de nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France et France Médias Monde). Il a également le pouvoir de les limoger. Ce fut le cas notamment fin janvier 2018 avec la révocation de Mathieu Gallet qui était à la tête de Radio France, deux semaines après sa condamnation à 20 000 euros d'amende et un an de prison avec sursis pour «favoritisme» lorsqu'il était président de l'Institut national de l'audiovisuel (INA). Si cette décision semblait motivée par un souci d'intégrité, le CSA fut alors pointé du doigt et accusé d'obéir à l'injonction de sa ministre de tutelle, Françoise Nyssen, qui avait appelé de ses vœux le départ de Mathieu Gallet au nom de «l'exemplarité» des dirigeants des services publics.
A la question de savoir si la future loi contre les fausses informations visait directement RT France, la même Françoise Nyssen, ministre de la Culture, estimait en mars dans une interview pour Le Figaro, que cette loi allait effectivement «étendre les pouvoirs du CSA pour contrôler les services audiovisuels émanant de gouvernements étrangers». Ici également se repose légitimement la question de l'indépendance du CSA vis-à-vis de la politique gouvernementale.
De l'efficience des actions et des sanctions du CSA
Les décisions et sanctions prononcées par le CSA peuvent toutefois être déférées au contrôle du Conseil d'Etat. Ce dernier a rejeté le recours formulé par Mathieu Gallet, qui voulait faire annuler sa révocation.
Nonobstant, le Conseil d'Etat contredit régulièrement les décisions injonctives du CSA. Ce fut notamment le cas le 15 octobre 2018. Mise en demeure pour «éloge de la discrimination», la station de radio RTL a vu cette décision annulée par le Conseil d'Etat. La sanction visait des propos tenus par Eric Zemmour dans une émission datant de février 2017.
Egalement mise en demeure en juillet 2018 pour un sujet sur la Syrie diffusé lors d'un JT en avril, notre chaîne RT France a également contesté cette décision devant le Conseil d'Etat, s'élevant contre l'idée qu'une simple erreur technique puisse constituer, comme l'affirme le CSA dans sa décision, un manquement à l'honnêteté et à la rigueur journalistique. Le Conseil d'Etat n'a, à ce jour, pas encore rendu sa décision.
Mais le CSA peut aussi être saisi pour rétablir des vérités. C'est ainsi que fin octobre, des partisans de l'UPR, mécontents après que leur formation politique a été étiquetée par France 5 comme un parti d'extrême droite, ont décidé de saisir le CSA. L'organe de surveillance a estimé que France Télévisions avait dans cette affaire «méconnu» l'obligation de «faire preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l'information». En conséquence, le CSA a assuré avoir demandé aux responsables de France 5 «de veiller à l'avenir à ce qu'il soit rendu compte de manière plus appropriée à l'antenne du positionnement des formations politiques».
CSA et gestion de crise
Au cœur de la tempête politico-médiatique provoquée par le mouvement d'ampleur des Gilets jaunes, le CSA a tenu le 10 janvier une réunion consacrée au traitement des événements liés aux mobilisations récentes. Une initiative rare qui témoigne de la gravité de la situation actuelle. Plusieurs responsables des rédactions des chaînes d’information en continu étaient présents, dont ceux de RT France.
Lors de cette réunion, l'autorité publique française de régulation de l'audiovisuel s'est notamment interrogée sur l'existence, chez RT France, d'un traitement de faveur réservé aux Gilets jaunes. A cet égard, la présidente de RT France, Xenia Fedorova, a rappelé que notre média s'était donné comme objectif de donner «une plateforme libre aux Gilets jaunes sans leur coller d’étiquette».
Prérogatives étendues ?
Début juillet, après avoir voté en première instance deux propositions de loi controversées contre la «manipulation de l'information» en période électorale, les parlementaires s'apprêtaient également à traiter le cas du CSA, alors que la piste d'un fort élargissement de ses compétences était évoquée dans le cadre de cette loi, adoptée définitivement le 20 novembre.
En effet, l'article 9 de la proposition de loi prévoyait de placer les plateformes numériques sous le contrôle du CSA. Un changement qualifié par Olivier Schrameck, auditionné par la commission de la culture du Sénat début juillet, de «novateur» et «important», d'autant qu'il «correspond aux souhaits du CSA». Un changement qui, finalement, ne figure pas dans le texte de loi adopté le 20 novembre.
L'idée d'élargir les prérogatives de l'autorité de régulation au contrôle d'internet réapparaît régulièrement depuis quelques années. Mais l'idée n'est pas enterrée pour autant et continue son bonhomme de chemin.
Meriem Laribi