Inédit : le gouvernement sous-traite au privé la rédaction d'une partie d'un projet de loi
C'est inédit en France : l'«exposé des motifs» de la loi mobilité a été sous-traité à un cabinet d'avocat, choisi par appel d'offre. Le gouvernement assure que ce dernier a essentiellement travaillé à l’étude d’impact du projet de loi.
Emmanuel Macron l'avait promis. Son mouvement, La République en marche, a pour vocation de sortir le pays de ses pratiques politiques d'antan pour le faire entrer de plain pied dans le nouveau monde. Une idée qui s'immisce jusque dans le travail des législateurs. Le Monde révèle ainsi que le projet de loi d’orientation des mobilités, présenté le 26 novembre en conseil des ministres, a la particularité d'avoir vu la rédaction de son «exposé des motifs» être sous-traitée à une entreprise privée, au même titre qu'une étude d’impact de la loi.
L'«exposé des motifs» vise à présenter de manière simple et concise les raisons pour lesquelles le texte est proposé, l'esprit dont il procède, les objectifs qu'il se fixe et les modifications qu'il apporte au droit existant. Par essence éminemment politique, aucun gouvernement ne s'était jusqu'à présent risqué à sous-traiter cet acte. Une première pour le gouvernement d'Edouard Philippe. Car si la pratique est courante dans les pays anglo-saxons, elle fait débat en France. Le fait d'externaliser l'exposé des motifs – comme l'étude d’impact d'une loi – soulève en effet la question du risque de conflits d’intérêts, l'Etat confiant ses prérogatives à un acteur privé.
Le quotidien vespéral précise qui plus est que le prestataire choisi par le gouvernement, le cabinet d’avocats international Dentons, l'a été au terme d'un «appel d'offre éclair». Lancé par la ministre des Transports Elisabeth Borne le 12 janvier, celui-ci à pris fin 10 jours plus tard à peine, le 22 janvier. Assurant que la procédure et le choix de Dentons répondaient aux critères objectifs régissant l’octroi de marchés publics, le cabinet d’Elisabeth Borne s'est surtout efforcé de minimiser l'importance de la sous-traitance de «l’exposé des motifs» de la loi.
Le prestataire choisi par le gouvernement l'a été au terme d'un «appel d'offre éclair»
«L’idée était d’inclure dans le champ de l’appel d’offres un éventuel appui ponctuel du futur prestataire à la rédaction de l’exposé des motifs, si besoin sur des points particuliers», a-t-il expliqué au Monde. «Mais le cœur de la prestation a porté sur l’étude d’impact, une étude qui requérait des compétences pointues sur des sujets aussi complexes que la trajectoire énergétique ou la programmation des investissements», a soutenu dans les colonnes du quotidien l’entourage de la ministre, insistant sur le fait que le gouvernement n’avait «jamais eu dans l’idée de confier à un tiers l’écriture de l’exposé des motifs qui est un texte politique».
Une explication toutefois peu convaincante à la lecture du texte de l'appel d'offre, retranscrit par Le Monde : «Le présent marché a pour objet une prestation visant à appuyer les services de la direction des infrastructures, des transports et de la mer dans la rédaction de l’exposé des motifs et de l’étude d’impact du projet de loi d’orientation des mobilités.»