«Français», «Maghrébin», «Antillais»... des pratiques de fichage ethnique au PSG font scandale
- Avec AFP
La ministre des Sports, Roxana Maracineanu, a exprimé sa «consternation» après la révélation de pratiques de fichage ethnique dans le recrutement du PSG et a demandé à la Fédération française de football et à la Ligue (LFP) «d'examiner ce dossier».
«Si ces faits de discrimination sont avérés, ils sont passibles de sanctions disciplinaires voire pénales, on ne peut pas tolérer que des personnes soient identifiées, recrutées selon leur couleur de peau ou leur origine», a déclaré ce la ministre des Sports, Roxana Maracineanu, à propos de révélations de Mediapart du 8 novembre concernant le fichage ethnique qu'auraient mené le Paris Saint-Germain (PSG).
Dans sa déclaration, la membre du gouvernement a expliqué avoir «demandé au président de la Fédération française de football», Noël Le Graët , «ainsi qu'à la présidente de la Ligue de football professionnel (LFP)», Nathalie Boy de la Tour, «d'examiner ce dossier dans les plus brefs délais et plus largement, de faire des recommandations pour changer les mentalités et combattre ce type de comportements sur et hors des terrains de sport». «L'Etat se réserve la possibilité de donner toutes suites utiles à cette affaire», a-t-elle conclu.
En France, collecter ou traiter des données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes est interdit par la loi
«En France, collecter ou traiter des données à caractère personnel faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques des personnes est interdit par la loi, et un délit passible de cinq ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende», a rappelé de son côté la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa.
«Toute politique prenant en compte des caractéristiques physiques ou l'origine ethnique est discriminatoire, interdite par la loi et contraire à la morale et l'éthique, contraire aux valeurs du football dont les instances sont les garantes», a, de même, réagi dans un communiqué la présidente de la LFP Nathalie Boy de la Tour, en ajoutant que «la Ligue condamn[ait] toutes formes de discrimination dans le football, de telles pratiques sont inacceptables et contraires à la loi».
Suite à l'article de @Mediapart, la @LFPfr tient à rappeler qu'elle condamne toutes formes de discrimination dans le football. De telles pratiques sont inacceptables, intolérables et totalement illégales.
— Ligue de Football Professionnel (@LFPfr) 8 novembre 2018
Communiqué de la LFP ➡️ https://t.co/vvg2uUtm9Lpic.twitter.com/X7rD7kH7FF
En effet, la loi «interdit [...] de recueillir et d'enregistrer des informations faisant apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques», a rappelé la CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés).
«Français», «Maghrébin», «Antillais» et «Africain»
Selon un nouveau dossier des «Football Leaks», publié par Mediapart le 8 novembre, des recruteurs du club de football parisien ont fiché ethniquement des jeunes joueurs scrutés par le club.
Le site d'investigation prend l'exemple dans son enquête d'un footballeur en herbe, Yann Gboho (international français chez les jeunes, né en Côte d'Ivoire), 13 ans, qui joue au FC Rouen et tape «dans l’œil» d'un «recruteur du PSG pour la région Normandie, Serge Fournier».
Une fiche est «remplie le 2 novembre 2013» le concernant et mentionne qu'il est «antillais». Quand un recruteur «passe sa souris sur la case, un menu déroulant apparaît qui permet de cocher un des quatre choix : Français, Maghrébin, Antillais, Africain», explicite Mediapart.
Le PSG dénonce une «initiative personnelle»
Le PSG a pour sa part confirmé officiellement dans un communiqué «que des formulaires avec des contenus illégaux [avaient] été utilisés entre 2013 et 2018 par la cellule de recrutement du centre de formation, dédiée aux territoires hors Ile-de-France». Le club a dénoncé une «initiative personnelle du responsable de ce département». Soit Marc Westerloppe, ciblé par Mediapart et parti cette année au club de Rennes.
«C'est à l'encontre de l'image, des valeurs, de l'éthique que porte le club depuis longtemps», a d'ailleurs regretté auprès de l'AFP le directeur général délégué du Paris SG, Jean-Claude Blanc. «Cela n'aurait jamais dû se passer au sein du PSG», a-t-il déclaré également.
Néanmoins, Mediapart atteste que le PSG a poursuivi sa politique jusqu'au printemps 2018.
#FichageEthnique: La direction du PSG confirme les informations de Mediapart mais parle d'une dérive «individuelle». Notre enquête prouve au contraire qu'elle a étouffé l'affaire et poursuivi sa politique jusqu'au printemps 2018 ➡️ https://t.co/IUFxtAr7n0#FootballLeakshttps://t.co/Drf0mR9e4j
— Mediapart (@Mediapart) 8 novembre 2018
La LDH et la LICRA saisissent la justice
La Ligue des droit de l'homme (LDH) a en tout cas annoncé son intention de porter plainte sur Twitter : «La LDH saisit la Justice contre un système raciste et discriminatoire. Le sport est une chance pour tous, un vecteur d’égalité. Les capacités du succès n’ont pas de couleur.»
La LDH saisit la Justice contre un système raciste et discriminatoire. Le sport est une chance pour tous, un vecteur d’égalité. Les capacités du succès n’ont pas de couleur. https://t.co/wLImptTLrt
— Malik Salemkour (@MsalemkourLDH) 8 novembre 2018
Idem pour la Licra, qui saisira la justice. La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme a évoqué des faits «très graves» et a demandé à ce que soient «établies» les responsabilités.
Le @PSG_inside a reconnu l'existence au sein de son centre de recrutement de fichiers "illégaux" sur une base ethnique et dénonce des initiatives individuelles. Nous ne pouvons pas en rester là et les responsabilités doivent être établies. La @_LICRA_ saisit la justice. https://t.co/wzryKPlilo
— LICRA (@_LICRA_) 8 novembre 2018
Pour le football français, cette affaire réveille «l'affaire des quotas», quand avait émergé l'idée, abandonnée, d'imposer des quotas de binationaux chez les jeunes, lors d'une réunion de la Direction technique nationale (DTN) fin 2010.
Laurent Blanc, le sélectionneur de l'équipe de France de l'époque, s'était dit alors tout à fait «favorable» à cette idée en arguant : «Qu'est-ce qu'il y a actuellement comme grands, costauds, puissants ? Les Blacks [...] Je crois qu'il faut recentrer, surtout pour des garçons de 13-14 ans, 12-13 ans, avoir d'autres critères, modifiés avec notre propre culture.»
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