France

Europe, islamisme, Orban, Salvini : Nicolas Sarkozy tiraillé entre le macronisme et le «populisme» ?

Dans un entretien pour Le Point, Nicolas Sarkozy a abordé de nombreux sujets : l'exercice du pouvoir, son sentiment sur Emmanuel Macron ou encore l'Union européenne. Les affaires judiciaires, elles, ont été soigneusement évitées.

Nicolas Sarkozy a été prolixe durant une interview accordée au Point, publiée le 31 octobre. Esquivant les dossiers judiciaires le concernant, telles que l'affaire Bygmalion ou le financement libyen de campagne présidentielle de 2007, l'hebdomadaire a interrogé l'ancien président de la République sur divers grands enjeux d’actualité. L'occasion, pour l'ancien chef d'Etat, de rappeler qu'il gardait un œil attentif sur la vie politique française et internationale.

Nicolas Sarkozy, un macroniste en son for intérieur ?

Sur plusieurs aspects, et notamment la politique économique, l'ancien leader des Républicains semble faire partie des Macron-compatibles. «Je sais combien il est difficile de satisfaire toutes les attentes nées d’une élection. Je m’abstiendrai donc de le critiquer», explique-t-il aux journalistes du Point, en parlant de l'actuel locataire de l'Elysée. «Donnons-lui le temps», déclare-il également.

Depuis le début du mandat d'Emmanuel Macron en mai 2017, Nicolas Sarkozy manifeste des sentiments mitigés vis-à-vis de l'ancien poulain de François Hollande. Si Nicolas Sarkozy entretiendrait de bonnes relations avec l'actuel président, il aurait déclaré à son égard, dès le printemps 2017 :  «Il n'a pas d'emprise sur le pays. Il ne s'adresse qu'à la France qui gagne, pas à celle qui perd. Il est déconnecté.»

Europe : Nicolas Sarkozy, plus macroniste que Macron ?

«L'Europe de l'euro, avec une banque centrale et une monnaie commune, doit aller vers davantage d'intégration autour d'un axe franco-allemand qui reste absolument indispensable.» On croirait entendre le discours de la Sorbonne de septembre 2017 d'Emmanuel Macron, présentant un projet européen plus intégré. Pourtant, cette phrase est bien de Nicolas Sarkozy. Celui-ci se voit même comme l'initiateur de l'idée de création d'un «gouvernement économique». Une proposition qui, selon ses dires, aurait même été validée par la chancelière allemande Angela Merkel après la crise financière de 2008. Toutefois, force est de constater que cette suggestion est bel et bien au fond du tiroir européen puisqu'Angela Merkel a même repoussé la création d'un poste de ministre des Finances et d'un budget propre à la zone euro, proposée par Emmanuel Macron.

Brexit : un nouveau traité européen... pour maintenir le Royaume-Uni dans l'UE

Le mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy avait été marqué par le piétinement du «non» français au référendum sur le traité établissant une constitution pour l'Europe de 2005. Il avait en effet fait ratifier par congrès en 2008 le traité de Lisbonne qui en reprenait la substance. Dans son interview au Point, Nicolas Sarkozy prône «un nouveau traité» européen qui tendrait à remettre en cause – là encore – la décision d'un peuple souverain : le Brexit de 2016. Pour l'ancien président, ce nouveau traité permettrait de proposer aux Britanniques de rester au sein de l'Europe «de demain, avec des compétences moins nombreuses mais plus lisibles».

Nicolas Sarkozy argumente d'ailleurs : «Nous sommes en train de perdre la deuxième économie d’Europe, le Royaume-Uni, et nous ne nous intéressons qu’à une seule chose : les conditions du divorce, sans nous demander si ce divorce est évitable. Or j’ai la conviction qu’il l’est.»

Hongrie : Sarkozy défend Viktor Orban

«Faire de Viktor Orban un dictateur et un leader de l'extrême droite ne correspond pas à la réalité», estime Nicolas Sarkozy. Avec cette déclaration, il cible les propos d'Emmanuel Macron qui fustige depuis plusieurs mois la Hongrie en endossant le rôle d'«opposant principal» face à la «lèpre nationaliste». Nicolas Sarkozy précise sa pensée, en contradiction avec la vision macronienne : «Il [Viktor Orban] a remporté trois fois les élections. Personne n’a dit qu’elles avaient été truquées. Savez-vous qui est son principal adversaire politique ? L’extrême droite.»

Salvini : Sarkozy met en garde contre les donneurs de leçons progressistes

Viktor Orban et le ministre italien de l'Intérieur Matteo Salvini partagent le point commun de vouloir stopper l'immigration dans leur pays et d'être la cible de quolibets de la part d'Emmanuel Macron. «Ne donnons pas de leçons à l'Italie», affirme Nicolas Sarkozy. «Vous croyez que ce qui arrive là-bas ne peut pas se produire ici ? Les mêmes causes peuvent produire les mêmes effets», prévient-il. «Ne nous figurons pas qu'il existe en Europe des gens intelligents qui mèneraient une bonne politique et d'autres qui n'auraient rien compris», considère-t-il, en notant que «le seul chemin acceptable est d'arrêter de parler de populisme et de comprendre la colère ou les frustrations des peuples pour les transformer en énergie positive, pour construire l'avenir de notre continent». 

Islamisme : «Nous sommes encore trop naïfs et trop faibles»

Fidèle à l'un de ses thèmes politiques de prédilection, l'ancien président a également  martelé que l'«on ne discut[ait] pas avec l’extrémisme islamiste». «On le combat», affirme-t-il, poursuivant : «On ne peut pas accepter la lapidation de la femme, le refus de s’intégrer, la violation de ce que nous avons de plus cher. Nous sommes encore trop naïfs et trop faibles.» Dans la lutte globale contre la «barbarie djihadiste et terroriste», estime l'ancien chef d'Etat, les pays musulmans eux-mêmes ont un rôle capital à jouer.

«Le pouvoir est dangereux, il peut devenir une drogue»

Nicolas Sarkozy est-il sevré de pouvoir ? Pas certain. Mais l'ancien patron de la droite française prévient Emmanuel Macron, actuellement en vacances pour quatre jours : «Le pouvoir est dangereux, il peut devenir une drogue. Un peu d'expérience ne nuit pas face aux dangers que les émanations du pouvoir peuvent générer.» Nicolas Sarkozy rappelle de fait que «l'expérience n'est pas un détail». Emmanuel Macron a été élu président à 39 ans, certainement trop tôt à lire Nicolas Sarkozy.

Envie de revenir au pouvoir ? «Je savais dès le début que le pouvoir était une parenthèse dont on n’est pas propriétaire», répond Nicolas Sarkozy, assurant ne pas avoir «besoin du pouvoir pour vivre». Pourtant, après sa défaite lors de la présidentielle de 2012 face à François Hollande, il avait bel et bien tenter de revenir sur le devant de la scène pour l'élection de 2017... avant de se faire battre sévèrement, dès le premier tour de la primaire de la droite, par François Fillon et Alain Juppé.

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