Menacés d'expulsion, les occupants de Tolbiac veulent «résister jusqu'au bout» (REPORTAGE)
Les étudiants du site de Tolbiac de l'université Paris I qui bloquent leur fac depuis fin mars sont menacés d'expulsion. Ils ont reçu le soutien de nombreux autres campus mais aussi des cheminots, venus leur prêter main forte le 11 avril.
L'ambiance était tendue le 11 avril au matin devant l'entrée du site de Tolbiac de l'université Paris I, occupé depuis le 26 mars par les étudiants grévistes mobilisés contre la loi Vidal. Georges Haddad, le président de l'université, a annoncé qu'il avait demandé l'intervention des forces de l'ordre car la sécurité des personnes ne pouvait plus être assurée.
«La gravité des violences constatées dans le centre Pierre-Mendès-France ne permet plus d’assurer la sécurité des personnes. Georges Haddad, président de l’université, constant dans sa résolution de ne pas faire appel aux forces de l’ordre sauf en cas d’atteinte grave aux personnes et aux biens, considère que la ligne rouge est franchie. Dès lors, il a demandé au préfet de police son concours pour rétablir le fonctionnement habituel du centre.»
La préfecture de police a quant à elle déclaré qu'aucune intervention d'évacuation n'était prévue pour le moment.
Sur le campus, les étudiants sont déterminés à poursuivre leur blocus : «Nous allons résister jusqu'au bout. Nous avons prévu un plan pour ne pas être délogés mais il est clair que si les CRS arrivent et qu'ils veulent nous évacuer, on ne pourra pas tenir très longtemps», nous explique une occupante.
Cette occupation a reçu le soutien de très nombreux professeurs de l'université qui défendent bec et ongle leurs étudiants : «Ils sont sous pression. Ils reçoivent des attaques violentes, c'est inadmissible», nous confie Pierre, un enseignant gréviste. Des professeurs qui se déplacent chaque jour sur le campus et qui donnent même des cours de philosophie et de sociologie, improvisés et hors programme, dans les amphis de l'établissement.
Les médias, présents en grand nombre le 11 avril, ont dû rester à l'écart car ils ne semblent pas être les bienvenus. Depuis que des images des grévistes ont circulé sur internet, ceux-ci affirment avoir reçu des visites nocturnes de «groupuscules d'extrême droite», venus tenter de les déloger violemment : «Ils viennent le soir, nous lancent des bouteilles cassées, nous insultent et veulent qu'on arrête le blocus», nous confie un occupant masqué d'un foulard et de lunettes noires. D'autres étudiants sont affublés de masques colorés en formes d'animaux pour ne pas être identifiés.
La cause des nombreux blocages d'universités à travers la France : la loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants (ORE), adoptée le 15 février et portée par le ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation Frédérique Vidal. Censée répondre au problème de la saturation des universités, cette loi rencontre un mécontentement grandissant. Ses opposants lui reprochent d'instaurer une sélection injuste dans l'admission post-bac.
Le syndicat Solidaires a établi une carte de France des campus bloqués. Il y aurait actuellement une cinquantaine de sites universitaires mobilisés à travers le pays.
Les occupants de Paris I ont pu également compter sur le soutien de nombreux autres étudiants grévistes venus leur prêter main forte. Plusieurs centaines de personnes se sont déplacées le 11 avril sur le campus de Tolbiac après la diffusion du communiqué du directeur.
«Convergence des luttes»
Les étudiants ont également eu la surprise de recevoir la visite d'une délégation de cheminots grévistes venus avec leur gilets oranges. Accueillis par des applaudissements et des cris de joie, ils ont pris la parole devant dans la cour de l'établissement et ont assurés les bloqueurs de Tolbiac de leur solidarité indéfectible et «jusqu'au bout».
Pour Antoine, étudiant en histoire à Paris VI, le site de Tolbiac est devenu symbolique : «Si Tolbiac tombe, le mouvement risque d'en prendre un coup et de s'arrêter, c'était important de venir défendre ce blocus aujourd'hui devant la menace d'évacuation.» Une assemblée générale inter-facs doit se tenir le 12 avril pour décider des suites de la mobilisation. Le gouvernement quant à lui doit faire face à un climat social tendu avec, en plus des étudiants et des cheminots, de nombreux mouvements sociaux en cours comme celui des postiers, du personnel Air France ou des magistrats.