L’islamologue suisse actuellement en détention à Fleury-Mérogis à la suite de plaintes pour viols déposées par deux femmes, ne s’était jusqu’ici que très peu exprimé dans les médias. Le site d'information Muslim Post s’est procuré une vidéo enregistrée à la mi-novembre dans laquelle Tariq Ramadan s’est filmé face caméra pour livrer sa version de l’affaire et ses réactions sur la période qu’il traverse.
D’un ton calme, Tariq Ramadan articule son discours en trois parties. Tout d’abord, il estime être victime d’un «lynchage médiatique». «On m’accuse des pires agissements, en fait on m’accuse de crimes puisqu’il s’agit de viols», constate-t-il. «Je suis totalement innocent de ce dont on m’accuse mais je ne vais pas rentrer dans la surenchère médiatique», explique-t-il au sujet du silence qu'il avait jusqu'alors observé.
Le Suisse assure toutefois faire confiance au «temps de la justice», et pense qu’au fil des procédures, il sera établi «qui a dit la vérité, qui a menti».
Tariq Ramadan met en question la crédibilité des accusatrices
Il part ensuite dans une diatribe contre ses détracteurs, les médias et politiques : «Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un complot. C’est dans le climat de l’affaire Weinstein, une femme qui tout à coup livre un nom. Et puis ceux qui m’ont toujours eu dans le viseur, ceux dont j’étais l’ennemi y ont vu une aubaine extraordinaire et s’y sont jetés tête baissée en pensant "on va le finir".»
On a voulu donner une image de ma personne qui était celle d’un fou
Il blâme les journalistes qui n’auraient pas enquêté sur ses deux accusatrices, l'ancienne salafiste Henda Ayari et une femme handicapée que la presse a affublée du prénom de «Christel». Il accuse la première d’avoir fait trois dépositions aux versions différentes et de ne pas être une personne crédible. Au sujet de la seconde, il dénonce le caractère invraisemblable et illogique des agissements décrits.
«On a voulu donner une image de ma personne qui était celle d’un fou, de quelqu’un de totalement déséquilibré», remarque-t-il. Mais, argumente-t-il avec ironie, il l’aurait été seulement deux fois et juste en France. Or depuis cette vidéo, une troisième femme a porté plainte en France. Et dans le monde anglo-saxon, une Américaine vivant au Koweït a fait de même à Washington, resserrant l’étau autour de l'islamologue.
Déplacer la question de l'islam sur l’affaire Ramadan
Dans sa vidéo, Tariq Ramadan se plaint également du fait que le scandale ait induit une remise en question de l'islam, que ses détracteurs amalgameraient avec ses propres agissements. Il en profite pour fustiger la récupération qui a selon lui été faite de cette affaire par des hommes politiques comme Manuel Valls, qui ont été de tout temps contre lui.
Je continuerai à défendre mes idées car c’est une question de message et d’un engagement
Tariq Ramadan conclut en invitant ses soutiens à ne pas insulter autrui et à l'apaisement. Il réclame «un débat de fond sérieux et responsable». Il continuera à défendre ses idées «car c’est une question de message et d’un engagement»et assure qu’il persistera dans «la défense des femmes, la défense de leurs droits, l’égalité sociale, la lutte contre la violence, […] et le droit de porter plainte quand il y a harcèlement ou viol». Pour finir, il prêche pour le vivre-ensemble, quelles que soient les idées ou orientations religieuses.
Le théologien a été mis en examen le 2 février pour viols, après le dépôt de plainte de deux femmes fin octobre qui a débouché sur une information judiciaire. Tariq Ramadan avait invoqué son état de santé pour contester cette détention, qui a été confirmée par la cour d'appel de Paris fin février sur la base d'une première expertise médicale. Une seconde sera menée avant la fin mars.
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