Ordonnances, vote bloqué : comment le gouvernement tente de contourner le débat parlementaire
Afin d'accélérer la cadence des réformes, le gouvernement utilise les outils mis à sa disposition par la Constitution. En cumulant plusieurs d'entre eux en un court laps de temps, l'exécutif donne à l'opposition l'impression d'être muselée.
«La méthode Macron, c'est : vous discutez et je tranche» : cette phrase, lâchée par le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, résume l'ambiance qui règne autour des réformes menées à marche forcée et décidées par le gouvernement d'Edouard Philippe. Car l'exécutif entend bien utiliser toutes les possibilités que lui offre la Constitution pour, au mieux accélérer le débat parlementaire, au pire le contourner. Après la réforme du Code du travail adoptée par ordonnance et l'annonce d'une réforme du droit d'amendement des parlementaires, c'est l'utilisation de la procédure du «vote bloqué» le 8 mars qui a provoqué l'ire des sénateurs, toutes tendances politiques confondues. Retour sur ces différentes mesures.
- Le recours aux ordonnances
Le recours aux ordonnances est prévu par l'article 38 de la Constitution, qui stipule : «Le gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.» Cette option, le candidat Macron disait initialement ne pas l'envisager pour mener à bien son programme.
#SNCF 🚄 : le #gouvernement recourt aux ordonnances, mais veut une «réforme équilibrée», selon #Philippe
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«Je ne crois pas une seule seconde aux cent jours et à la réforme par ordonnances», expliquait-il ainsi dans une interview publiée dans Le Monde, fin 2016. Cinq mois plus tard, le candidat rétropédalait et annonçait son souhait de réformer par ce biais car cela permettait «d'accélérer le débat». Désormais président, il a fait entériner la réforme du Code du travail par ordonnances et son Premier ministre Edouard Philippe a annoncé que ce moyen serait utilisé pour faire voter les points techniques de la réforme de la SNCF.
- La procédure du «vote bloqué»
Le 8 mars, de nombreux sénateurs de tous bords politiques se sont élevés contre la manœuvre du gouvernement, qui a utilisé la procédure du «vote bloqué» afin d'empêcher le Sénat d'entériner la revalorisation à 85% du Smic des retraites des non-salariés agricoles votée à l'Assemblée nationale par l'ancienne majorité socialiste. Cette procédure, prévue par l'article 44.3 de la Constitution, permet au gouvernement de proposer au vote un texte sur lequel ne sont ajoutés que les amendements du gouvernement.
#Retraites#agricoles : les sénateurs s'indignent contre le coup de force du gouvernement
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En l'occurrence, la proposition de loi, adoptée par l'ancienne majorité socialiste à l'Assemblée, portait sur la revalorisation immédiate avec effet rétroactif au 1er janvier 2018 des retraites des non-salariés agricoles. L'amendement «obligatoire» du gouvernement décalait son application en 2020. Ce «vote bloqué», utilisé pour la dernière fois par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en 2013, n'avait pas été dégainé depuis 25 ans (1993) à l'endroit d'une proposition de loi.
- La réforme du droit d'amendement
Dernière offensive en date de l'exécutif sur les pouvoirs de discussion du Parlement : la réforme du droit d'amendement. La suggestion du gouvernement, annoncée par Edouard Philippe dans le cadre de la réforme constitutionnelle, prévoit un droit d’amendement parlementaire proportionnel à la taille du groupe parlementaire. En clair, un petit groupe d’opposition disposerait d’un nombre d’amendements moindre que le groupe majoritaire.
Le gouvernement entend réduire le droit d'amendement des parlementaireshttps://t.co/0CnEiQ0rISpic.twitter.com/gwwcfc1oVx
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Pour l’exécutif, l’adoption de la réforme permettrait de fluidifier le débat parlementaire. Le député La République en marche (LREM) Matthieu Orphelin, interrogé par Le Monde, soutient ainsi que le projet du gouvernement permettra «une rationalisation du travail parlementaire» et un «renforcement de son efficacité».
- Le contournement du Conseil d'Etat
Concernant la loi sur les fausses informations, qui sera prochainement déposée par un député LREM de la commission de la Culture, le gouvernement aurait sciemment évité de le soumettre au vote par l'intermédiaire d'un projet de loi. Car, dans le cas échéant, le texte aurait dû être soumis obligatoirement au Conseil d'Etat pour avis. En outre, une étude d'impact, ici sur les effets économiques de la loi sur les plateformes, aurait également dû être effectuée.