Le Parti socialiste (PS) n'en finit plus d'agoniser. Après un quinquennat particulièrement difficile et une campagne présidentielle aux airs de naufrage électoral, les désertions se sont multipliées. A l'occasion du lancement de son mouvement du 1er juillet, Benoît Hamon, candidat malheureux à l'élection présidentielle, a annoncé qu'il quittait le parti à la rose.
«Le PS a peut-être fait son temps», a estimé Benoît Hamon. Tout en rappelant que la formation politique qui avait porté au pouvoir François Mitterrand, Lionel Jospin et François Hollande avait certes connu des «heures glorieuses», il a jugé qu'il était désormais temps de «tourner une page [pour] un processus comparable à celui d'Epinay».
En faisant référence au congrès du PS qui s'était tenu en 1971 et avait permis à François Mitterrand de parachever l'entreprise d'unification des socialistes entamée quelques années plus tôt, Benoît Hamon entend obtenir les mêmes résultats : rassembler des forces éparpillées au gré des dissensions récentes, présenter un programme identifiable et parvenir à conquérir le pouvoir.
Des départs de tous côtés
Les cinq ans qu'aura passés François Hollande à l'Elysée auront considérablement divisé son propre camp. A la faveur de l'émergence d'un mouvement libéral au sein de celui-ci, d'abord incarné par Manuel Valls puis par Emmanuel Macron, l'aile «droite» du PS s'est progressivement détachée. Dans certains cas, comme celui de Jean-Yves Le Drian, devenu ministre des Affaires étrangères d'Edouard Philippe sans quitter le PS, la rupture est consommée sans être formalisée. Dans d'autres, plus symboliques encore, elle s'est concrétisée par un départ officiel du parti, à l'instar de Manuel Valls, ayant rejoint le groupe La République en marche (LREM) à l'Assemblée après maintes péripéties.
La défaite historique du PS à la présidentielle, qui a récolté moins de 7% des voix, suivie par la débandade des législatives, à l'issue desquelles le parti n'a obtenu qu'une trentaine de sièges à l'Assemblée, a eu pour autre conséquence de pousser la direction du parti vers la porte — une démission davantage opportune que contrainte pour Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire général depuis 2014, qui quitte son poste sans désigner de successeur ni organiser d'élections. «Le PS est mort. Il ne se relèvera pas», annonce-t-il quelques jours avant de quitter Solférino. Depuis, le parti, piloté par une «direction collégiale» quelque peu obscure, semble sous respiration artificielle.
Alors qu'Edouard Philippe s'apprête à tenir son discours de politique générale devant une Assemblée massivement dominée par LREM, une troisième vague de désertions frappe le PS de plein fouet. Ce sont cette fois les tenants d'une orientation «de gauche», qui s'étaient opposés aux partisans de la ligne Valls, qui quittent le navire. Là encore, si certains ont rendu leur carte d'adhérant, comme Benoît Hamon, d'autres se contentent de lancer leurs propres mouvements : Anne Hidalgo et Martine Aubry ont ainsi fondé «Dès Demain», une plateforme «de rassemblement des véritables voix progressistes».
Face à la France insoumise, quel avenir pour le PS et hors du PS ?
Sur le papier, peu de figures ont quitté le PS et nombreux sont les personnalités politiques de premier plan qui en demeurent membres : François Hollande, Ségolène Royal, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon, Najat Vallud-Belkacem... Pour autant, le contexte semble radicalement différent si on le compare à celui des précédentes défaites plus ou moins cuisantes : en 2007, en 2002 et en 1995, les pontes du PS s'étaient rapidement rassemblés pour discuter de l'avenir de leur formation politique et se remettre en ordre de bataille. Cette fois, rien de tel : chacun semble tâtonner, tantôt se rapprochant de la majorité, tantôt cherchant une issue viable, le tout sur fond d'inquiétudes personnelles — près de 300 députés socialistes ont quitté le palais Bourbon en juin dernier. L'avenir du parti n'a jamais été aussi incertain. Seul Gérard Filoche, candidat à la primaire de la gauche en janvier dernier, s'est déclaré prêt à «reprendre le parti» dans un coup de gueule adressé à Manuel Valls et François Hollande, qu'il tient pour responsable de la déroute actuelle.
Reste alors la question d'une éventuelle renaissance de la gauche d'opposition loin des cendres du PS. Le tendance semble être à la multiplication des initiatives et au morcellement du paysage politique. Fait notable : chacune de ces entreprises prend soin, comme le veut la tendance depuis plusieurs années, à ne pas employer le nom de «parti», auquel est préféré celui de «mouvement». Personne ne semble vouloir prendre la responsabilité d'achever symboliquement le PS. Paradoxalement, cette multiplication des mouvements, à laquelle s'ajoute le relatif succès électoral du Parti communiste (PCF), un parti écologiste qui peut toujours compter sur un électorat fidèle (EELV), un milieu syndical plus que jamais déterminé à affronter Emmanuel Macron dans la rue, et quelques bastions socialistes encore très visibles malgré la vague LREM (dont Anne Hidalgo à Paris est l'incarnation la plus médiatique) peut laisser espérer un rassemblement. Néanmoins, alors que l'hypothèse d'une union de la gauche semble très difficile, celle-ci pourrait davantage ressembler à la Gauche plurielle de 1997 qu'au congrès d'Epinay évoqué par Benoît Hamon.
Seul obstacle : l'espace politique que pourrait occuper cette gauche régénérée par la défaite et enfin affranchie de son aile libérale est déjà convoité par la France insoumise. Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, qui avait clairement affiché l'ambition de «remplacer le PS», fort de son succès électoral à la présidentielle et de 17 députés à l'Assemblée, semble y être partiellement parvenu. A bien des égards, davantage que de l'opposition à Emmanuel Macron, c'est de cette guerre des gauches annoncée que dépendra l'avenir du PS.
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