155 manifestations interdites en 18 mois : Amnesty dénonce le «dévoiement» de l'état d'urgence
- Avec AFP
Amnesty international a publié un rapport chiffré épinglant le «caractère abusif» de l'état d'urgence en France et les violences «excessives et arbitraires» des forces de l'ordre. L'ONG a mis en garde contre «un état d'exception permanent».
Intitulé Un droit, pas une menace : restrictions disproportionnées aux manifestations sous couvert d'état d'urgence, un rapport de l'ONG Amnesty international paru le 31 mai a dénoncé une utilisation «abusive» de l'état d'urgence, régime d'exception qui donne davantage de pouvoir aux autorités administratives. L'ONG a appelé les Français à interpeller leur président, Emmanuel Macron.
D'après des chiffres communiqués par le ministère de l'Intérieur à Amnesty international, les préfets ont eu recours à leurs pouvoirs d'urgence pour signer 155 arrêtés interdisant des cortèges, des réunions et des manifestations entre le 14 novembre 2015 et le 5 mai 2017.
Le document publié par l'ONG a également rappelé que 639 mesures restreignant le droit de circuler avaient été prises pour empêcher des personnes de participer à des manifestations, notamment contre la loi Travail, ou encore à l'occasion de la COP-21 de décembre 2015.
Interrogé par l'AFP, un des auteurs du rapport d'Amnesty, Marco Perolini, n'a pas mâché ses mots en expliquant : «Les mesures d'urgence ont été prises pour restreindre des droits.» Marco Perolini a ajouté qu'il craignait une transformation de l'état d'urgence en «un état d'exception permanent».
Un millier de manifestants blessés : Amnesty Violences dénonce des «violations des droits humains» par les forces de l'ordre
Dans son rapport, Amnesy international a estimé que la police et la gendarmerie s'étaient rendues coupables de «violations des droits humains» lors du maintien de l'ordre de rassemblements publics. L'ONG a par ailleurs rappelé que 102 manifestants avaient déposé plainte auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) ou de la gendarmerie (IGGN), entre le 14 novembre 2015 et le 5 mai 2017.
Interrogé par Amnesty, les Street medics, un mouvement informel de secouristes, ont évalué à 1 000 le nombre de manifestants qu'ils ont dû soigner durant cette période.
1000 personnes ont été blessées à Paris lors des manifestations contre la loi travail. https://t.co/pcx6qL5Z74pic.twitter.com/ZMgvH17ysv
— Amnesty France (@amnestyfrance) 31 mai 2017
Selon Nicolas Krameyer, responsable du pôle liberté chez Amnesty France, un grand nombre de violences, excessives, disproportionnées et arbitraires ont été commises par les forces de l'ordre contre les manifestants. «Alors que je filmais, à une distance extrêmement respectable, les forces de l'ordre, on m'a jeté, sans sommation préalable, une grenade de désencerclement, qui a atterri à 30 centimètres de mes jambes», a-t-il ajouté.
Selon le ministère de l'Intérieur, 336 policiers et 45 gendarmes ont été blessés en encadrant des manifestations durant ces 18 mois.
Attaque du #Louvre : l'état d'#urgence est inutile, mais il y a du progrès en matière de #préventionhttps://t.co/R3Gz6SXRPppic.twitter.com/7rdA34y3Bu
— RT France (@RTenfrancais) 6 février 2017
Le régime de l'état d'urgence a été décrété le 13 novembre 2015 au soir des attentats perpétrés par Daesh à Paris. Prolongé à cinq reprises, ce régime d’exception vise à contrecarrer de nouvelles attaques djihadistes et devrait être reconduit jusqu'au 1er novembre 2017. Si la mesure est votée et va à son terme, la France aura connu 23 mois consécutifs sous ce régime d'exception, un record.