Lanceurs d'alerte et journalistes vent debout pour protéger le secret des sources
Une pétition contre une directive sur le secret des affaires va être remise au parlement européen. Initiée par la journaliste française Elise Lucet, cette pétition a recueilli 270 000 signatures.
Cette pétition a été remise ce 16 juin au Parlement européen. Les députés européens devaient examiner ce même jour un projet de directive sur le «secret des affaires» qui vise à lutter contre l’espionnage industriel. Pourtant, sans tenir compte des 270 000 signataires, les députés viennent d'adopter la directive, à la grande colère des initiateurs de la pétition.
Pourtant cette directive a suscité dés l'origine une profonde inquiétude chez les journalistes et citoyens. Elle prévoit des sanctions en cas de divulgation de secrets des affaires. Un texte que les signataires ont jugé «liberticide» par les signataires.
«Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur européen prépare ni plus ni moins une "nouvelle arme de dissuasion massive" contre le journalisme», affirme le texte de la pétition.
En dix jours seulement, la pétition a recueilli 240 000 signatures en France et 30 000 en Belgique, en Allemagne, en Espagne et au Royaume-Uni où des déclinaisons locales avaient été lancées. Il s'agit là d'un des records du site de pétitions en ligne Change.org.
Élise Lucet et plein de journalistes d'investigation contre directive secret des affaires @fabricearfi@EliseLucetpic.twitter.com/Sz8thE4ZD5
— Laurence Benhamou (@lbenhamou) 15 Juin 2015
Pour qu'informer ne devienne pas un crime
Selon les auteurs de la pétition, si une source ou un journaliste viole le secret des affaires, des sommes colossales pourront lui être réclamées. Dans certains pays, ils pourraient même risquer la prison.
Si la directive est appliquée, des informations d’intérêt public sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique seront alors exclu du champ d’investigation journalistique.
Les signataires pointent également une commission européenne qui aurait fait l'objet d'énormes pressions de lobbies pour restreindre au maximum l'investigation économique, en y incluant les journalistes, les sources et les lanceurs d'alerte.
Les lanceurs d'alerte dans le viseur de la directive
Des lanceurs d'alerte, directement visés par cette directive, ont publiquement indiqué qu'avec une telle directive, jamais ils n'auraient pu révéler les affaires qui les ont fait connaître. Parmi eux, Stéphanie Gibaud à l'origine de la publication des éléments qui avaient conduit à la mise en examen d'UBS pour blanchiment et fraude fiscale ; Antoine Deltour, l'ancien auditeur soupçonné d'être à l'origine de Luxleaks et de la divulgation de certains accords qui ont permis aux multinationales de pratiquer l’évasion fiscale; Hervé Falciani, l'informaticien qui avait livré des informations concernant plus de 130 000 comptes en banque suisses appartenant à des évadés fiscaux présumés.
HSBC files whistleblower Hervé Falciani:money comes from mafia,drug,blood diamonds and tax evasion' No Secret to any http://t.co/SRiNxth8o6
— ken pereira (@kenpro11) 14 Juin 2015
Cet appel lancé contre la directive européenne a reçu le soutien de l’Association européenne des Droits de l’Homme. Des personnalités comme Edwy Plenel, journaliste et fondateur du site d'actualité en ligne Médiapart, la députée européenne Eva Joly ou encore Julian Assange, fondateur de Wikileaks, ont également signé l'appel.
En France, en février dernier, le gouvernement avait également tenté d'introduire un amendement qui anticipait cette directive mais avait été contraint de renoncer devant la forte opposition des médias.