«Cela fait deux heures trente qu’on est ici et on arrête pas de parler de politique politicienne […] je pense qu’on n'a pas parlé la moitié du temps du projet pour redresser le pays.» Ce coup de gueule, lancé lors du précédent débat de la primaire de la droite et du centre, est l'oeuvre de François Fillon. Une remarque qui démontre à quel point la campagne a été rude entre les candidats. Petites phrases, piques, querelles et autres invectives ont rythmé la bataille durant des mois.
Alors que le 17 novembre les six candidats en lice se retrouvent pour un dernier débat, RT France vous propose un retour sur les oppositions les plus marquantes d'une campagne qui laissera des traces.
Copé VS Sarkozy et Fillon
«Ces deux-là, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre». Selon Marianne, c’est de cette manière que Jean-François Copé parle de Nicolas Sarkozy et de François Fillon. Si les faibles intentions de vote dont il a été crédité tout au long de la campagne ne lui ont jamais permis d’entrevoir la victoire, le maire de Meaux a profité de cette mise en lumière pour régler ses comptes.
Pour lui, on est tous des cons
Avec Nicolas Sarkozy d’abord, à qui il n’a jamais pardonné de l’avoir écarté de ses gouvernements : «C’est un menteur structurel : il ment tout le temps !» «L’histoire des frites et du jambon, c’est insupportable, indigne !» «Pour lui, on est tous des cons. Il sous-estime ses concurrents, c’est ce qu’il a toujours fait.»
Déjà, en octobre 2016, Jean-François Copé affirmait au Lab d’Europe 1 que l’ancien président avait manoeuvré pour qu’il n’obtienne pas ses parrainages.
C’est un remarquable hâbleur, un bonimenteur
Depuis, c’est un flot ininterrompu de critiques que l’ex-président de l’UMP a adressé à Nicolas Sarkozy. A L’Opinion, début novembre, Jean-François Copé donnait une analyse à propos du patron des Républicains : «Ce mec, il n’a rien de vrai. C’est terrible, tout est organisé. C’est un univers factice. […] C’est un remarquable hâbleur, un bonimenteur.» Ambiance.
Mais Nicolas Sarkozy n’a pas été la seule cible des scuds de Jean-François Copé. L’imbroglio autour de l’élection pour la présidence de l’UMP en 2012 qui avait vu le maire de Meaux et son rival François Fillon s’accuser mutuellement de fraude a laissé des traces.
Toute l’histoire personnelle de Fillon, c’est celle d’un gaulliste de gauche
Durant toute la campagne, Jean-François Copé n’a cessé de rappeler que l’ancien Premier ministre avait occupé Matignon durant l’intégralité du mandat de Nicolas Sarkozy. Il a également remis en cause la sincérité de son discours libéral comme il le souligne dans Marianne : «Il ne peut pas passer entre les gouttes comme ça, ils étaient en tandem avec Sarkozy sur tous les sujets. Toute l’histoire personnelle de Fillon, c’est celle d’un gaulliste de gauche. Il nous annonce qu’il est thatchérien, alors que tout son parcours dit l’inverse. C’est juste pas crédible !»
Valérie Pécresse trahit François Fillon ?
Nous sommes en février 2013. Invité de la chaîne Public Sénat, Valérie Pécresse lance : «Je pense qu'aujourd'hui, celui qui peut nous faire gagner en 2017, il s'appelle François Fillon.» Le 2 novembre 2016, trois ans plus tard, elle se justifie au micro de RTL après avoir lâché son poulain pour soutenir le favori des sondages Alain Juppé, «le choix de la bonne personne à la bonne place».
Ce revirement à quelques jours du premier tour de la primaire de la droite et du centre a beaucoup de mal à passer du côté du clan Fillon qui l’a vécu comme une trahison. La présidente de la Région Ile-de-France se défend en expliquant qu’Alain Juppé représente «le meilleur choix pour le pays aujourd'hui».
Valérie Pécresse se trompe
Une erreur pour Valérie Boyer, porte-parole de campagne de François Fillon : «Je ne comprends pas ce ralliement. Valérie Pécresse se trompe, et nous lui donnons rendez-vous au second tour pour le lui prouver.» Premier round le 20 novembre.
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NKM tient tête à Sarkozy
Le duel entre Nathalie Kosciusko-Morizet (NKM) et l’ex-chef de l’Etat a été l’un des plus violents. Le deuxième débat entre les candidats qui a eu lieu le 3 novembre en est la parfaite illustration. Alors que Laurence Ferrari demandait à Nicolas Sarkozy s’il se voyait gouverner à nouveau avec celle qui fut sa ministre de l’Ecologie, il s’était empressé de répondre par l’affirmative. Une réponse quasi coupée par NKM qui avait lâché un lapidaire : «Moi non».
S’en est suivi une passe d’armes mêlant ironie et sourires forcés. «Si j'avais été élu en 2012, je pense que Nathalie Kosciusko-Morizet se serait fait une violence pour m’accompagner encore», lui avait rétorqué l’ancien président de la République. Une réponse qui a eu le don de sérieusement agacer NKM : «Est ce que le Grenelle [de l’environnement] tu l'aurais dénigré de cette manière ?»
La double ration de frites, un menu aussi déséquilibré que le programme de Sarkozy
NKM a également profité de la polémique déclenchée par Nicolas Sarkozy au sujet de la double ration de frites à la cantine pour les enfants ne mangeant pas de porc afin de l’attaquer. «La double ration de frites, un menu aussi déséquilibré que le programme de Sarkozy», lançait-elle le 15 novembre, sur le plateau de RMC.
Dati veut faire exclure NKM qui veut faire exclure Poisson
Le 4 novembre, Le Monde lâchait une bombe qui allait faire des dégâts dans la campagne. Le quotidien vespéral révélait le contenu d’une conversation datant de 2013 entre NKM et l’ancien directeur central du renseignement intérieur, Bernard Squarcini.
C’est vraiment une…
Il y est question de l’ancienne Garde des Sceaux, Rachida Dati : «Bon, allez, tu me tues Rachida et Fillon. […] Parce que Rachida on n’en veut plus. […] Basta crapoto», réclame Bernard Squarcini. NKM répond : «Je vais te dire, le meilleur moyen de la tuer, c’est d’éteindre.» Et un peu plus tard les deux correspondants plaisantent en évoquant l'identité du père de la fille de Rachida Dati. «C’est vraiment une…», conclu NKM sans finir une phrase dont on peut deviner le fin mot.
Folle de rage, Rachida Dati en a donc appelé à la haute autorité de la primaire afin de faire exclure Nathalie Kosciusko-Morizet. «Je considère que la classe politique doit la mettre hors-jeu, elle doit la mettre à l'Index, elle doit lui demander des comptes», a-elle tempêté sur le plateau de BFMTV. Avant de poursuivre : «Nathalie Kosciusko-Morizet a demandé l'exclusion de Jean-Frédéric Poisson pour des propos dont il s'est excusé, mais elle a encore sa place dans la primaire ? Je [le] demande à la haute autorité.»
C'est pas un tir groupé, c'est un tir qui vient du même fusil
L’entourage de la candidate à la primaire a alors opté pour une défense en sobriété préférant railler une hypothétique mainmise de Nicolas Sarkozy. «C'est pas un tir groupé, c'est un tir qui vient du même fusil», confiait un proche de NKM à l’hebdomadaire Marianne.
La haute autorité, c’est NKM qui l’a saisie la première durant la campagne. Pourquoi ? Une interview donnée par Jean-Frédéric Poisson au quotidien Nice-Matin dans laquelle il avançait que «la proximité de Clinton avec les super-financiers de Wall Street et sa soumission aux lobbies sionistes [étaient] dangereuses pour l'Europe et la France».
Des propos qui ont provoqué un véritable tollé et une vague d’indignation à l’encontre du président du Parti chrétien démocrate. Si Bruno Le Maire s’est montré critique, c’est bien NKM qui est allée le plus loin. Elle a saisi la haute autorité de la primaire afin de faire exclure Jean-Frédéric Poisson au motif que ce dernier aurait propagé des thèses «complotistes et antisémitisme». Une procédure qui n’a pas abouti.
Le Maire attaque pour exister
Longtemps considéré comme un outsider sérieux, Bruno Le Maire n’a jamais réussi à vraiment décoller. Dès le mois de septembre 2016, les supputations vont bon train dans la presse quant à son éventuel ralliement à Nicolas Sarkozy pour le second tour. Afin de montrer qu’il est un candidat qui compte, le député de l’Eure va attaquer sans relâche l’ancien chef de l’Etat. Lors d’un meeting à Bordeaux, il n’avait pas hésité à se moquer de la petite taille de Nicolas Sarkozy : «Il m'arrive là (désignant sa poitrine de sa main).»
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Afin de montrer sa différence, Bruno Le Maire n'a pas peur de ressortir les cadavres du placard. Comme le rappelle Le Point, une affaire datant de 2006-2007 avait opposé le député de l’Eure et Nicolas Sarkozy.
Je vais te faire la peau
A l’époque, le premier est un collaborateur du Premier ministre et pire ennemi de Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin. Lors d’un dîner à Matignon, celui qui est alors ministre de l’Intérieur n’hésite pas à menacer Bruno Le Maire : «Je vais te faire la peau.» «Vous êtes charmante, comment avez-vous pu épouser un connard pareil ?», aurait même lancé Nicolas Sarkozy à l’épouse de Bruno Le Maire.
Ce ressentiment, il s’est bien senti lors du deuxième débat entre les candidats à la primaire de la droite et du centre, le 3 novembre. Bruno Le Maire a attaqué son adversaire par rapport à sa promesse non tenue d’arrêter la politique en cas de défaite à la présidentielle de 2012. Ce à quoi Nicolas Sarkozy a répondu : «Je te rappelle que tu as été battue à l’élection pour la présidence de l’UMP.» Une élection remporté par… Nicolas Sarkozy.
Sarkozy - Juppé, opposition de style
Malgré sa volonté manifeste de se placer au dessus de la mêlée et de se poser en rassembleur évitant les conflits, Alain Juppé n’a pas échappé aux attaques de ses adversaires. Et à ce jeu-là, c’est Nicolas Sarkozy qui s’est montré le plus offensif. L’ex-président de la République s’en est notamment pris à plusieurs reprises au concept d’«identité heureuse» prôné par le favori des sondages. «Je ne crois pas à l’identité heureuse quand je vois, sur le sol de la République française, des jeunes Français nés en France qui sont moins bien intégrés que leurs grands-parents», lançait Nicolas Sarkozy à ses fans bordelais le 13 novembre.
Dans le camp d’en face, on est habitué à ces piques et jusqu’à récemment, Alain Juppé optait pour une stratégie de défense tout en sobriété. Mais les dernières attaques de son adversaire une veille de commémoration d’attentats ont eu du mal à passer chez les juppéistes. Pierre-Yves Bournazel, fervent soutien de l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac, a notamment parlé d’«indignité».
La France n'a pas besoin d'un mini-Trump à l'Elysée
Le 14 novembre, alors qu'Alain Juppé tenait un meeting au Zénith de Paris, ses soutiens se sont montrés plus offensifs qu'à l'accoutumée et c'est Nicolas Sarkozy qui a fait office de cible favorite. «Nous ne voulons pas d'un président qui flirte chaque matin avec les thèses de l'extrême droite... La France n'a pas besoin d'un mini-Trump à l'Elysée», déclarait notamment le patron de l'UDI Jean-Christophe Lagarde.
Face à un mec de gauche de 72 ans, je ne peux pas perdre à la primaire
Autre point d'achoppement : l'âge d'Alain Juppé. Alors qu’il tente de faire de ses 71 ans un atout censé démontrer son expérience, Nicolas Sarkozy en a fait un angle d’attaque. A plusieurs reprises, il a raillé son adversaire pour son âge soit-disant trop élevé pour concourir à la présidentielle. En juin dernier, Le Figaro rapportait des propos confiés par Nicolas Sarkozy à un proche : «Face à un mec de gauche de 72 ans, je ne peux pas perdre à la primaire.»
Les citoyens français n'ont plus longtemps à attendre pour connaître la réponse.