Le Sénat adopte une version durcie de la loi travail alors que les manifestations se poursuivent
Le Sénat a voté en faveur de la loi Travail, lundi 28 juin, après avoir rendu son contenu plus «libéral» au cours des travaux. Le même jour, dans l'après-midi, 64 000 personnes ont défilé en France contre cette loi.
Le texte a été adopté par 185 voix contre 156, grâce au vote des sénateurs de droite, majoritaires au Sénat. Les élus socialistes, communistes, écologistes et ceux appartenant au groupe RDSE (Rassemblement démocratique et social européen, de centre-gauche, composé en majorité d'élus du Parti radical de gauche), quant à eux, s'y sont opposés.
Inversion de la hiérarchie des normes et relèvement du niveau des seuils sociaux
Le projet de loi ainsi voté prévoit notamment la remise en cause du principe «de hiérarchie des normes», présente dans le fameux article 2 du texte, qui fait l'objet d'un rejet intransigeant de la part des syndicats. Selon cette disposition, les accords d'entreprise primeraient sur les accords de branche professionnelle en matière de temps de travail (alors que la situation est inverse aujourd'hui).
De plus, en l'absence d'accord de branche ou d'entreprise, les entreprises auraient la possibilité de revenir aux 39 heures de travail hebdomadaires. Le seuil minimum de 24 heures pour travailler à temps partiel, par ailleurs, serait supprimé.
Contre l'avis du gouvernement, les sénateurs ont également voté le relèvement du niveau des seuils sociaux de mise en place des délégués du personnel, de 11 à 20 salariés - en clair, une entreprise serait désormais contrainte de faire élire des délégués du personnel à partir de 20 employés, au lieu de 11.
Le texte prévoit également, entre autres, la suppression de la généralisation de la «garantie jeunes» (un accompagnement à l'insertion dans la vie active), ainsi que le rétablissement du plafonnement des indemnités prudhommales (à un montant équivalent à 15 mois de salaire).
Cette version du texte doit encore passer à l'Assemblée nationale, début juillet, où les députés pourraient modérer les ajustements pris par les sénateurs.
A lire aussi : Loi Travail : le gouvernement confronté à une opposition venant de toute part
Pour la gauche, «un projet de droite qui est le frère siamois du projet du gouvernement»
Au nom des élus PS de la chambre haute du Parlement, Nicole Bricq a décrit un texte «complètement déséquilibré» par les travaux des sénateurs. «Etait-il bien nécessaire de revenir sur les 35 heures ?» a-t-elle notamment regretté, à l'adresse des sénateurs des Républicains.
Similairement, l'écologiste Jean Desessard a dénoncé un texte conduisant au «moins disant social», tandis que sa collègue de parti Esther Benbassa (EELV) a annoncé sur Twitter son rejet de celui-ci, en employant le hashtag populaire dans le mouvement contre la loi Travail : #Onvautmieuxqueça.
J'ai voté contre la #loitravail lors du vote solennel, cet après-midi au Sénat. #loitravailnonmerci#OnVautMieuxQueCa
— Esther Benbassa (@EstherBenbassa) 28 juin 2016
Du côté du FN, le sénateur David Rachline a déclaré s'être lui aussi opposé à cette version de la loi, qu'il a décrite comme «encore plus inacceptable que l'original» après les amendements des sénateurs républicains :
J'ai voté aujourd'hui contre la #LoiTravail au #Sénat, amendée par "les Républicains", la rendant encore plus inacceptable que l'originale.
— David Rachline (@david_rachline) 28 juin 2016
Seuls les sénateurs de droite se sont félicités de ce texte, qui permettrait selon eux la mise en place de mesures de libéralisation du marché du travail tout à fait modérées. D'après le sénateur Alain Milon (LR), président de la commission des Affaires sociales, il s'agirait ainsi d'une «vraie réforme qui ne tombe pas dans la caricature [ultra-libérale] que certains ont dénoncée».
A lire aussi : Loi travail : «pas de consensus» trouvé avec la CGT, selon Myriam El Khomri
Un projet de loi polémique, à l'origine d'importants mouvements de contestation
Le projet de loi travail fait l'objet d'un vif rejet auprès d'une partie de la société française, et mobilise contre lui de régulières manifestations, à l'appel notamment des syndicats CGT et FO.
Malgré ces mouvements de contestation, le président de la République avait affirmé la semaine dernière qu'il irait «jusqu'au bout» pour mettre en œuvre ce projet : «Parce que c'est essentiel de permettre aux entreprises de pouvoir embaucher davantage, de permettre que nous ayons davantage de formation pour ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi, davantage d'embauches avec des contrats à durée indéterminée, et davantage pour ce que nous pouvons faire en matière d'insertion».