LuxLeaks : la France s'exprime enfin et se montre solidaire avec Antoine Deltour
Le ministre des Finances, Michel Sapin, a exprimé mardi sa solidarité avec le lanceur d'alerte Antoine Deltour, qui comparaît avec deux autres Français au Luxembourg dans le cadre du procès des LuxLeaks, et lui a proposé l'aide de la France.
«Vous avez cité Antoine Deltour. Je voudrais à mon tour lui dire toute notre solidarité», a affirmé le ministre devant l'Assemblée nationale, en réponse à une question du député Dominique Potier (PS/Meurthe-et-Moselle).
«J'ai demandé ce matin à l'ambassadeur de France au Luxembourg et au consulat général de bien vouloir [...] l'aider si nécessaire, dans cette période difficile où il défend l'intérêt général et où pourtant il doit répondre devant une juridiction pénale au Luxembourg», a-t-il ajouté, sous les applaudissements des députés.
Michel Sapin a rendu un hommage appuyé à Antoine Deltour : «C'est grâce à lui que nous avons pu mettre fin à cette opacité qui empêchait les pays européens de connaître la situation fiscale exacte d'un certain nombre de grandes entreprises au Luxembourg», a-t-il rappelé.
Ils encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement
Le procès des LuxLeaks s'est ouvert mardi à Luxembourg, quelques semaines seulement après le scandale des Panama Papers. Trois Français, dont un journaliste, ont comparu dans la matinée devant le tribunal correctionnel de Luxembourg, accusés d'avoir fait fuiter près de 30 000 pages éclairant les pratiques fiscales de grandes multinationales établies au Grand-Duché. Ils encourent jusqu'à 10 ans d'emprisonnement.
Antoine Deltour, 31 ans, est accusé d'avoir organisé la fuite de documents fiscaux du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC), pour lequel il travaillait à Luxembourg. Il a confié des documents au journaliste Edouard Perrin, lui aussi poursuivi, qui a révélé le scandale en mai 2012 dans l'émission «Cash Investigation» sur la chaîne publique française France 2.
Des mesures en faveur des lanceurs d’alerte
La France était jusqu'ici resté très réservé sur le sujet. De fait, ni Manuel Valls, en visite au Luxembourg le 11 avril dernier avec le ministre du budget Christian Eckert ni François Hollande, qui y était venu un an plus tôt, n’ont, malgré les interpellations des ONG, pas dit un mot pour soutenir Antoine Deltour.
Face à la multiplication des affaires révélées par des lanceurs d’alerte (Mediator, HSBC, UBS, Crédit Mutuel…), la loi Sapin pour la transparence et la lutte contre la corruption a prévu des mesures en faveur des lanceurs d’alerte sous l’égide de la nouvelle Agence anti-corruption.
Cette loi, qui arrive en discussion à l’Assemblée le 7 juin, concerne notamment les procédures d’alerte, l'anonymisation, la protection contre les représailles, la prise en charge des frais de justice mais limite les champs concernés à la corruption et la fraude fiscale. Cela est très insuffisant pour les ONG qui, avec certains députés socialistes comme Yann Galut, comptent bien muscler le texte avec des amendements.