La décarbonation française peut laisser plus de 50 000 familles sans abri

Les bailleurs sociaux français ne peuvent ni construire 100 000 HLM par an ni décarboner leur parc sans investissements massifs, selon un rapport de la Banque des Territoires. Favoriser l’un freine l’autre, avec un compromis à 75 000 unités et 5,3 millions de rénovations d’ici 2050. Les contraintes exigent de nouvelles ressources.
Les bailleurs sociaux français font face à un dilemme majeur : répondre à la crise du logement en construisant 100 000 unités de HLM (habitat à loyer modéré) par an, tout en décarbonant le parc existant pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Selon un rapport de la Banque des Territoires publié le 9 septembre 2025, ces objectifs sont incompatibles sans investissements massifs. En février, le gouvernement et le mouvement HLM ont signé un pacte pour 100 000 nouveaux logements en 2025, face à des listes d’attente croissantes et à une pénurie aiguë.
Cependant, les projections montrent que ce rythme limiterait les rénovations énergétiques à 82 000 unités par an, conformes aux normes (DPE E à G), mais insuffisant pour atteindre la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Kosta Kastrinidis, directeur adjoint de la Banque des Territoires, explique : « Le niveau de fonds propres des bailleurs sociaux ne permet pas de traiter à un niveau ambitieux les deux exigences qui pèsent sur le secteur. »
Des contraintes financières et climatiques
Prioriser la décarbonation réduirait la construction à 46 000 unités annuelles, aggravant la crise du logement. Un scénario de compromis propose 75 000 nouvelles unités par an et 5,3 millions de rénovations d’ici 2050, mais cela reste en deçà des ambitions climatiques. Les contraintes financières s’ajoutent aux coûts croissants liés aux risques climatiques (inondations, rétraction des argiles), estimés à des dizaines de milliards d’euros supplémentaires.
Les bailleurs appellent à de nouvelles ressources, comme la production d’énergies renouvelables ou le développement de logements intermédiaires à loyers plus élevés, et demandent un soutien accru des actionnaires et organismes de tutelle. Cette situation met en lumière les tensions entre urgence sociale et transition écologique.
Avec un parc HLM de 4,8 millions de logements, souvent mal isolés, les bailleurs peinent à financer les deux fronts. Le rapport insiste sur la nécessité d’une réforme pour renforcer les capacités d’investissement, alors que la France vise 600 000 logements neufs par an au total. Sans mesures fortes, la crise du logement s’aggravera et les objectifs climatiques s’éloigneront.