Nucléaire en Polynésie : une commission parlementaire exige des excuses officielles de l’État français

Une commission d’enquête parlementaire appelle la France à présenter des excuses officielles à la Polynésie pour les 193 essais nucléaires menés entre 1966 et 1996. Son rapport dénonce une «culture du secret», des mensonges d’État et un système d’indemnisation injuste, réclamant réparation et reconnaissance.
La commission d’enquête parlementaire sur les conséquences des essais nucléaires en Polynésie française a rendu les conclusions de ses six mois de travaux. Le président de la commission et député du Finistère, Didier Le Gac, et la rapporteuse polynésienne, Mereana Reid Arbelot, ont rendu public leur rapport de 731 pages dans la journée du 17 juin, incluant 48 auditions et 123 personnes entendues.
Le document retrace l'historique du choix de la Polynésie comme lieu des essais et les 193 essais menés entre 1966 et 1996. Les conséquences sanitaires, socio-économiques et environnementales des essais atmosphériques et souterrains ont aussi monopolisé une partie du travail d’enquête. Dans un geste qui se veut fort, les députés demandent que la France présente officiellement ses excuses à la population polynésienne. Une proposition qui compte parmi les 45 recommandations formulées au terme de l’enquête parlementaire.
« L'enquête a nourri la conviction de la commission d'enquête selon laquelle une demande de pardon de la part de la France à la Polynésie française s'imposait. Cette demande n'est pas un simple symbole, ni une demande de repentance. Elle doit être une démarche sincère, étape fondamentale dans le cadre d'un processus de réconciliation entre la Polynésie française et l'État », lit-on dans le rapport concernant les conséquences des essais nucléaires menés par la France.
« Oui, il y a eu des mensonges »
L’enquête parlementaire indique que « contrairement aux propos tenus par le président de la République, Emmanuel Macron, le 27 juillet 2021, à Papeete (la capitale de la Polynésie française, NDLR), les résultats de notre commission d’enquête permettent de l’affirmer : oui, il y a eu des mensonges ».
« La création d'une bombe nucléaire est une activité secrète », rappelle le rapport. Cette culture du secret des missions du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), combinée à un « excès de confiance » des autorités, a engendré le fait que des responsables des essais nucléaires, à commencer par le général Thiry, sont persuadés de l'innocuité des essais », indique l’enquête parlementaire.
La commission déplore aussi qu’« à la suite des tirs ratés comme Aldébaran ou Centaure, les responsables du CEP se soient enfermés dans un déni de réalité et un silence obstiné pour minimiser, voire récuser l’évidence ». Résultat : les autorités françaises n’ont mis en place aucune mesure de protection pour protéger la population des retombées radioactives.
« L’inaction des autorités et l’adaptation erratique, toujours teintées de cette 'culture du secret' qui caractérise leurs choix, avant et après les tirs, aboutissent mécaniquement à laisser la population polynésienne dans l’ignorance la plus totale quant aux risques radioactifs auxquels elle est soumise », pointe le rapport.
Selon le rapport, « la gestion de l’exposition au risque illustre une articulation d’excès de confiance, d’adaptation erratique aux aléas et de culture du secret comme cadre des choix effectués durant les opérations », ajoutant que « ces raisons ont mené à une prise de risque avérée sur les personnes embarquées dans ces opérations et sur toute la population ».
L'État français refuse de reconnaître l'étendue des conséquences des essais
Le rapport met en cause le refus de l’État français de reconnaître l'étendue des conséquences sanitaires des essais, notamment à cause d’une « culture du secret qui a minimisé les risques radiologiques et leur impact avant, pendant et après les activités du CEP ». Les discours officiels des autorités penchent vers la minimisation des inquiétudes exprimées par une « grande partie de la population polynésienne, des anciens travailleurs et des vétérans », affirme le rapport, qui met en cause certains discours ne faisant « qu’exacerber les ressentiments sans par ailleurs apporter la moindre solution ».
Selon la mission de l'État qui, depuis 2022, aide à monter des dossiers d'indemnisation, aujourd'hui, 60 % des demandes des Polynésiens sont rejetées. Pour améliorer les conditions d’indemnisation, la commission recommande, entre autres mesures, de supprimer le seuil d'un millisievert, qui « ne permet pas de déterminer le lien ou l’absence de lien entre les maladies radio-induites et les essais nucléaires réalisés en Polynésie française », d’étendre la liste des pathologies liées aux retombées radioactives en ajoutant « les cancers du pancréas et du pharynx, le cancer précoce de la prostate ainsi que certaines maladies du muscle cardiaque », et de permettre l’accès à l’indemnisation en faveur des ayants droit et des victimes des « préjudices moraux et patrimoniaux subis par les proches ».