La France au bord du gouffre : premier déficit commercial agricole en vue depuis 1978

L’agriculture française, pilier historique de l’économie, vacille : sur les sept premiers mois de 2025, l’excédent commercial agroalimentaire s’effondre à huit millions d’euros, selon le laboratoire d’idées Agridées. Un déficit, le premier depuis 1978, semble imminent, fragilisant un secteur emblématique.

Ce recul brutal rompt avec des décennies d’excédents confortables, souvent supérieurs à neuf milliards d’euros entre 2000 et 2015. En 2024, l’excédent global est déjà tombé sous les cinq milliards, et la tendance s’accélère. Conjoncture défavorable et failles structurelles menacent la compétitivité de l’agroalimentaire français, jusque-là symbole d’excellence. De nouvelles mobilisations fin septembre ont montré l’inquiétude de la France paysanne.

Crises conjoncturelles et défis structurels

Plusieurs facteurs expliquent cette dérive. La récolte céréalière 2024, amputée d’un tiers par une météo capricieuse, a fait chuter les exportations de blé et de maïs, avec un solde commercial céréalier réduit à 6,2 milliards d’euros, selon Inrae-Smart. Les prix mondiaux, peu rémunérateurs, aggravent la situation. Thierry Pouch, économiste des Chambres d’agriculture, note une baisse de 17 % des exportations céréalières entre juillet 2024 et 2025, contribuant à un effondrement de 82 % de l’excédent global à 1,2 milliard d’euros.

Les vins et spiritueux, fleurons à 14,3 milliards d’euros en 2024, ont souffert d’une vendange historiquement faible et des taxes douanières américaines et chinoises. Les produits laitiers, plombés par une hausse de 19 % des importations de beurre, voient leur contribution reculer à moins d’un milliard.

Le président de la FNSEA, proche du gouvernement déplore que « les menaces pour nos agriculteurs sont bien réelles », tout en saluant le travail de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard.

Structurellement, les importations intra-européennes explosent : volailles polonaises, porcs espagnols, légumes néerlandais. Le déficit avec l’UE atteint 3,7 milliards d’euros en 2024, contre des excédents de huit milliards avec les pays tiers. L’inflation des produits tropicaux (café, cacao) creuse un déficit supplémentaire de 539 millions.

Le secrétaire nationale de la Coordination rurale Christian Convers se montre très pessimiste, notamment du fait de la situation politique intérieure, déclarant au micro de CNews : « On s’aperçoit que la France est la risée des autres pays européens ».

À l’instabilité national s’ajoute un contexte mondial très compliquée pour Paris.

La parité euro-dollar, à 1,20, pénalise les exportations, tandis que des boycotts, comme celui de l’Algérie, profitent à la Russie. Les inquiétudes formulées par le FMI sur la croissance française ne font que noircir le tableau d’une situation économique préoccupante.