Des tests surprises imposés aux sans-papiers : une pratique controversée en France
À la préfecture des Hauts-de-Seine, des sans-papiers sont soumis à des questionnaires surprises sur la culture générale et leur vie personnelle, sans cadre légal. Ces pratiques, dénoncées comme déloyales, interrogent sur la transparence et l’équité du processus de régularisation.
Depuis le mois de février, une pratique inhabituelle a émergé à la préfecture des Hauts-de-Seine, à Nanterre : des sans-papiers, venus déposer une demande de régularisation (admission exceptionnelle au séjour, ou AES), se voient imposer des « interrogations surprises » par les agents préfectoraux. Ces tests, qui n’ont aucun fondement légal selon les témoignages recueillis par Mediapart, soulèvent des questions sur leur légitimité et leur impact sur les droits des personnes en situation irrégulière.
Les questions posées, souvent inattendues, portent sur des sujets variés : « Quelle est la devise de la France ? », « qui est le président de la République ? », « quel fleuve traverse Paris ? » ou encore « où se sont déroulés les derniers Jeux olympiques ? ». D’autres interrogations, plus intrusives, visent la vie personnelle, comme « votre épouse peut-elle sortir librement ? » pour les hommes, ou « accepteriez-vous que votre mari ait plusieurs femmes ? » pour les femmes. Ces questions, parfois perçues comme sexistes ou discriminatoires, semblent destinées à évaluer l’adhésion aux « valeurs républicaines » ou la maîtrise du français, critères évoqués dans la circulaire Retailleau de janvier 2025.
Des spécialistes du droit sceptiques sur la démarche
Des avocats s’interrogent sur la légalité d’une telle démarche. Il est demandé aux représentants des migrants de s'éloigner des sans-papiers le temps de l’épreuve, tandis que les agents administratifs refusent de leur faire connaître les questions, arguant que les avocats ne doivent pas y avoir accès. Les réponses des sans-papiers peuvent conditionner la délivrance d’un récépissé, document crucial pour une régularité temporaire. Des juristes rapportent des cas où le refus de répondre entraîne un rejet immédiat du récépissé, renforçant le sentiment d’arbitraire.
La préfecture des Hauts-de-Seine assume cette « restrictivité » en matière de régularisation, justifiant les tests par la nécessité de vérifier la maîtrise du français et l’adhésion aux principes républicains. Pourtant, elle nie poser certaines des questions incriminées, malgré des documents prouvant le contraire. Cette contradiction alimente les critiques, d’autant que la circulaire Retailleau, bien que durcissant les conditions de régularisation, n’autorise pas explicitement de tels questionnaires.
Pour Maître Laurent Charles, avocat spécialisé, ces pratiques relèvent d’un « excès de zèle » propre à la préfecture de Nanterre, connue pour ses initiatives singulières. « Aucun texte n’encadre ces tests. C’est déloyal, surtout pour des personnes non préparées, contrairement aux entretiens de naturalisation », explique-t-il. Les organisations de gauche qui défendent les migrants dénoncent ainsi « une forme de fichage » à l’image du site InfoMigrants.
Dans les préfectures françaises, des circulaires internes font couler beaucoup d'encre. Ces documents demanderaient aux policiers de signaler les étrangers en situation régulière qui auraient été placés en garde à vue, une forme de "fichage".https://t.co/AtZ7reuYQe
— InfoMigrants Français (@InfoMigrants_fr) April 22, 2025
Dans les préfectures françaises, des circulaires internes font couler beaucoup d'encre. Ces documents demanderaient aux policiers de signaler les étrangers en situation régulière qui auraient été placés en garde à vue, une forme de « fichage».
L’Association pour la défense des droits des étrangers (ADDE) partage ce constat, voyant dans ces méthodes un glissement vers une exclusion systématique des demandes de régularisation.
Ces tests surprises, pratiqués uniquement à Nanterre selon les informations disponibles, exacerbent les tensions autour de la politique migratoire française. Ils illustrent un durcissement administratif dans un contexte déjà complexe pour les sans-papiers, confrontés à des procédures opaques et alors que les pouvoirs publics tendent à réduire l'immigration depuis quelques mois.