Bronchiolite : contredisant le ministre, des soignants confirment qu'un tri des patients existe

Bronchiolite : contredisant le ministre, des soignants confirment qu'un tri des patients existe© Sébastien SALOM-GOMIS Source: AFP
Les services pédiatriques sont débordés dans plusieurs régions françaises (illustration).
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Alors que François Braun a vivement démenti un tri des patients résultant de l'incapacité des services pédiatriques à faire face à l'épidémie de bronchiolite, des médecins ont maintenu qu'ils en étaient réduits, faute de moyens, à cette extrémité.

La surcharge des services pédiatriques face à la vague de bronchiolite qui frappe l'Hexagone se confirme, et ses répercussions sur les jeunes patients avec, malgré les discours rassurants des autorités sur le sujet.

«Oui, on fait du tri aux urgences pédiatriques aujourd'hui, on est contraint à ça», a ainsi déclaré ce 15 novembre à France Bleu Azur Philippe Babe, chef du service des urgences pédiatriques à Nice, alors même que «jusque-là, les Alpes-Maritimes étaient épargnées» par l'épidémie, relève le média local. «On ne garde que les plus graves et on fait retourner à domicile les patients qui [...] pourraient attendre et qui, s'ils s'aggravent, reviendront à l'hôpital», a détaillé le médecin.

Le ministre de la Santé François Braun avait pourtant affirmé le 11 novembre que les hôpitaux ne triaient pas les patients, en réaction à plusieurs déclarations de soignants, dont celles de Julie Starck, réanimatrice à l'hôpital Trousseau (Paris), qui avait affirmé la veille sur RTL qu'un «tri des patients» était à l'œuvre.

La parole des soignants remise en cause ?

Le ministre avait vivement condamné ces propos dans un entretien au Parisien, jugeant qu'ils «déforment la réalité». «Je ne laisserai pas dire qu’on décide de qui on laisse vivre ou mourir», avait-il martelé, en maintenant qu'«on ne trie pas les enfants à l’hôpital», grâce à l'engagement «admirable» des soignants. Il avait toutefois assuré ne pas s'interdire l'ouverture d'une enquête et en tirer des conclusions si «des pratiques déviantes étaient avérées».

Pour le ministre de la Santé [...] le problème ne semble pas être la réalité mais... le fait de la dire !

«Pour le ministre de la Santé [...] le problème ne semble pas être la réalité mais... le fait de la dire», a critiqué la journaliste Anne Jouan, affirmant à propos de ce tri que «la réanimatrice de Trousseau n'est pas la seule à le confier : tous les soignants le disent». Selon Mediapart, qui a recueilli de nombreux témoignages de professionnels, Julie Starck «est loin d’être la seule à décrire un tri des enfants malades et des pertes de chance», puisque de nombreuses opérations et traitements, parfois lourds, doivent être reportés ou priorisés, et ce, «dans toutes les spécialités».

Le collectif Pédiatrie, qui regroupe plus de 7 000 soignants déjà signataires d’une lettre ouverte à Emmanuel Macron afin de l’alerter sur la situation critique de la pédiatrie, s'est insurgé contre les propos du ministre et a relayé, à l'appui des dires de Julie Starck, des messages internes d'un hôpital parisien montrant que les urgences étaient, sur plusieurs jours consécutifs, indisponibles sur une demi-journée faute de personnel. Face à l'aggravation de la situation, les soignants ont rappelé dans un communiqué en date du 13 novembre qu'ils ne cessent de «demander une réponse au président de la République, garant du devoir régalien de la santé», et réclament désormais un «débat public avec les gouvernants» le 20 novembre, à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant.

L’avenir de la prise en charge des enfants s’annonce extrêmement sombre

«Mettre en cause la parole des soignants conduira à leur fuite au printemps», tancent les signataires, qui réclament toujours une hausse des moyens pour affronter une crise qui dépasse la seule épidémie de bronchiolite et expose l'hôpital à une nouvelle vague de départs. Parallèlement, un collectif de personnels paramédicaux a publié une tribune dans Le Monde le 14 novembre pour demander à Emmanuel Macron un plan d'action immédiat, incluant la réouverture de lits et des revalorisations salariales. «Sans ces mesures drastiques et adaptées aux carences actuelles réelles du secteur pédiatrique, l’avenir de la prise en charge des enfants s’annonce extrêmement sombre, et les conséquences seront graves», avertissent les signataires. 

Une épidémie précoce surprend le système hospitalier

Pour l'instant, le gouvernement s'est engagé le 2 novembre sur une rallonge de 400 millions d'euros, incluant le doublement des primes de nuit (passées de 1 à 2 euros brut par heure de nuit, ce qui est jugé insuffisant par les professionnels) et a programmé l'organisation d'«assises de la pédiatrie» au printemps. Sur le plan sanitaire, face au record d'hospitalisations liées à l'épidémie de bronchiolite, François Braun a déclenché le 9 novembre un plan «Orsan» (organisation de la réponse du système de santé en situations sanitaires exceptionnelles) spécifique à cette épidémie. 

En France, comme dans d'autres pays, l’épidémie, plus précoce qu’à l’accoutumée, constitue une mauvaise nouvelle pour un système hospitalier déjà fragilisé par le Covid. Depuis mi-septembre, 38 enfants en réanimation pédiatrique ont été transférés d'Ile-de-France vers d'autres régions, ce qui a conduit les soignants comme les oppositions à diagnostiquer un «effondrement» de l'hôpital début novembre.

Avec 6 891 enfants passés aux urgences pour bronchiolite dans la semaine du 31 octobre au 6 novembre, dont 2 337 ont été hospitalisés, les chiffres de l'épidémie sont désormais au plus haut «depuis plus de dix ans», selon le point de Santé publique France en date du 9 novembre.

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