Le Secours catholique s’alarme du phénomène du non-recours aux aides sociales
L’association caritative fondée en 1946 estime qu’un tiers des personnes ayant droit au RSA ne le perçoivent pas. Dans un rapport paru ce jour, elle note la complexité des démarches administratives et leur dématérialisation.
Dans son dernier rapport sur la pauvreté en France, le Secours catholique a calculé que parmi les personnes éligibles au Revenu de solidarité active (RSA) qu’il accueille, un tiers ne le touchaient pas. Ce phénomène s’étend aux autres formes d’aides sociales comme les allocations familiales, non perçues par plus d’un quart des personnes éligibles.
En ce qui concerne le logement, et plus spécifiquement la précarité énergétique, le Secours catholique estime que le chèque énergie n’est pas utilisé par 900 000 ménages éligibles, soit un quart de ceux l’ayant reçu en 2018. En matière de retraite, à 70 ans, un tiers des assurés n’ont pas fait valoir tous leurs droits à retraite selon le rapport.
Et sur le plan de la santé enfin, le rapport se réfère aux travaux de l’observatoire de Médecins du monde qui a montré qu’en 2019, parmi les personnes accueillies disposant de droits théoriques à la Couverture maladie française, 78,8% n’en bénéficiaient pas.
«Et non seulement le problème existe depuis de nombreuses années, mais il a tendance à s’aggraver», s’alarme Véronique Fayet, présidente de l’association caritative fondée en 1946. C’est pourquoi, dans cette étude intitulée «Non-recours : une dette sociale qui nous oblige», le Secours catholique s’attache à comprendre les raisons de ce phénomène, pour tenter d’y remédier en proposant des solutions aux pouvoirs publics.
Parmi elles, le rapport évoque «la complexité des démarches administratives», liée à la production de justificatifs, plus difficile pour «les personnes aux situations sociales et professionnelles instables» et explique que le non-recours n'est pas toujours dû à une non-connaissance des aides.
Crainte de la stigmatisation
Les données compilées dans l’étude font aussi apparaître la dématérialisation des démarches administratives «accélérateur des inégalités», comme deuxième raison du non-recours aux aides. Selon les auteurs du rapport, la numérisation des relations avec les administrations les facilite pour certaines personnes, mais elle les rends plus complexes pour les autres, n’ayant pas l’équipement ou l’accompagnement suffisants. Enfin, le non-recours peut aussi être assumé et volontaire, et s’il l’on en croit le rapport lié à une crainte de la stigmatisation «alimentée par les discours médiatiques et politiques récurrents sur "l’assistanat" et la fraude».
Le Secours catholique préconise des outils pour mesurer les non-recours et demande que leur réduction réponde à des «objectifs contraignants». Il suggère aussi un «référent unique» pour chaque allocataire et des démarches simplifiées autant que possible par le couplage des prestations. Enfin, il souligne que le RSA est censé être un droit (sous conditions de ressources), mais observe que «en réalité, il est assorti de contreparties qui fonctionnent comme des menaces de sanction» et demande «la fin de ces sanctions humiliantes, facteurs de non-recours au RSA, et plongeant des familles entières dans la misère».
Le Secours Catholique évoquant des «choix impossibles» auxquels sont confrontées les personnes en grande précarité (se nourrir ou vêtir ses enfants, se chauffer ou réparer le véhicule) demande qu’un revenu minimum garanti soit d’emblée porté au seuil de grande pauvreté calculé en France à 40% du revenu médian, soit à 714 euros pour une personne et progressivement à 50% du niveau de vie médian (893 euros).