Déforestation en Amazonie : 11 ONG assignent en justice le groupe Casino
Des associations représentant des peuples indigènes d’Amazonie réclament 3,1 millions d’euros de dédommagement au groupe Casino pour des «atteintes aux droits des peuples autochtones» commises, selon eux, par des fournisseurs locaux du groupe.
Onze organisations non gouvernementales françaises, américaines et des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne ont annoncé le 3 mars qu’elles assignaient en justice le groupe Casino, géant mondial de la distribution. Dans un communiqué, elles justifient leur action auprès du tribunal de Saint-Etienne (Auvergne-Rhône-Alpes) où se trouve le siège de Casino. Elles y expliquent le lancement de cette procédure décidée en raison de la vente en Amérique du Sud par le groupe français de «produits à base de viande bovine, liée à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones».
Se référant à «des preuves rassemblées» par le Centre d’analyse de la criminalité climatique, une fondation basée à La Haye (Pays-Bas) et reconnue tant par Europol que la Cour pénale internationale (CPI), elles affirment que «le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s’approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d’au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020».
Elles évoquent également «des atteintes aux droits des peuples autochtones», sous la forme d’accaparement de terres aux détriment de communautés indigènes du Brésil et au bénéfice d’élevages «qui fournissent de la viande bovine au Grupo Pão de Açúcar de Casino».
Lors d'une conférence presse virtuelle, les ONG ont précisé que les organisations autochtones demandaient à être dédommagées en raison des «dommages causés à leurs terres ancestrales et de l’impact sur leurs moyens de subsistance». Les compensations demandées s’élèvent à 3,11 millions d’euros.
Mesures de vigilance «ni adaptées, ni effectives»
Lucie Châtelain, juriste chez Sherpa, association se fixant pour but combattre «les nouvelles formes d’impunité liées à la mondialisation des échanges économiques et financiers», citée dans le communiqué des ONG, y déclare : «Le nombre de cas de déforestation et d’atteintes aux droits humains qui ont été documentés dans la chaîne d’approvisionnement de Casino au Brésil montre que ses prétendues mesures de vigilance ne sont ni adaptées, ni effectives.»
Selon les ONG, c’est aussi la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits de l'Homme dans sa chaîne d’approvisionnement au titre de la loi française de 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre. Ce textefait obligation aux entreprises basées en France et employant plus de 5 000 personnes sur le territoire, ou plus de 10 000 dans le monde, à prendre des mesures pour prévenir les atteintes aux droits de l'Homme et à l’environnement sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.
Le jour de l’annonce de l’action contre le groupe Casino, ce dernier a publié un communiqué intitulé «Le point sur la lutte contre la déforestation liée à l’élevage bovin en Amérique Latine» sans aucune allusion à son assignation en justice. Casino y met en avant «une politique systématique et rigoureuse de contrôle de l’origine de la viande bovine livrée par ses fournisseurs» qui vise à «identifier l’origine directe» et à garantir le respect de cinq critères socio-environnementaux parmi lesquels l’assurance que «l’élevage n’est pas lié à la déforestation du biome amazonien» et «que l’exploitation est sans pratique d’invasion de terres indigènes et/ou d’invasion de zones de conservation».
Casino publie son plan de vigilance
En outre, Casino publie son plan de vigilance 2019 : un document détaillé de 19 pages présentant l’ensemble de ses engagements et procédures en faveur de l’environnement et des droits de l'Homme en téléchargement libre. Le groupe qui compte les enseignes Monoprix, Naturalia, Spar etc. emploie 220 000 personnes dans le monde et contrôle un réseau de plus de 11 000 magasins dont près de 8 000 en France. Il a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires consolidé de 31,9 milliards d’euros, réparti à parts à peu près égales entre la France et l’Amérique latine.
La déforestation a détruit 8 426 kilomètres carrés de jungle amazonienne au Brésil en 2020 et 1 590 kilomètres carrés de forêts en Colombie, en 2019, dont 62% dans la région amazonienne, selon des chiffres rapportés par l’AFP. D'après les ONG, l'audience devrait avoir lieu d'ici 12 à 18 mois.