Economie

Interdiction de TikTok aux Etats-Unis : Trump se ravise et encourage une vente forcée à Microsoft

La tension géopolitique entre les Etats-Unis et la Chine est encore montée d’un cran. Le président des Etats-Unis soutient désormais l'idée d’une vente forcée de l’application de conception chinoise TikTok à l’Américain Microsoft.

Après avoir fait part le 1er août de son intention d’interdire aux Etats-Unis l’application de partage de vidéos TikTok, le président Donald Trump s’est semble-t-il ravisé.

Le géant américain du logiciel Microsoft annonce en effet sur son site qu’«après une conversation entre le PDG de Microsoft Satya Nadella et le président Donald J. Trump, Microsoft est prêt à poursuivre les discussions pour étudier un achat de TikTok aux Etats-Unis».

Ces discussions se feront sous très forte pression, puisque la menace d’une interdiction a seulement été repoussée au 15 septembre, si les négociations entre l’entreprise chinoise Bytedance, propriétaire de TikTok, et l’éditeur de logiciels cofondé par Bill Gates n’aboutissaient pas.

Après le Chinois Huawei, leader dans le domaine de la 5G, TikTok est depuis des semaines dans le viseur de l’administration Trump qui l’accuse plus ou moins directement d’être utilisée par Pékin pour espionner les Etats-Unis.

Dans une interview accordée au tabloïd Britannique The Sun, lors de sa visite à Londres le 20 juillet, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a par exemple déclaré : «Il n'est pas possible de faire circuler vos informations personnelles sur un serveur chinois sans que le reste de ces informations se retrouve entre les mains du Parti communiste chinois.»

Suspicions d’espionnage

Ces suspicions d’espionnage via TikTok sont d’ailleurs évoquées, à mots couverts, par Microsoft qui affirme dans son communiqué «mesure[r] pleinement l’importance de répondre aux préoccupations du président», et s’engage à n'acquérir TikTok que «sous réserve d'un examen de sécurité complet».

Et surtout, l’offre d’achat de Microsoft ne concerne pas seulement l’activité de TikTok aux Etats-Unis, mais aussi au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, trois pays qui, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, constituent l’alliance des Five Eyes (cinq yeux), laquelle met en commun les moyens d’espionnage par surveillance de signaux électromagnétiques.

Lancée en 2016 par la startup chinoise Bytedance, l’application de partage de vidéos pour téléphones mobiles TikTok a connu un rapide succès mondial, surtout auprès d’un public jeune, avec un milliard de téléchargements (soit environ autant d’utilisateurs).

Bytedance, le créateur chinois de TikTok plus cher qu'Uber

Selon le site américain d’informations économiques Bloomberg, TikTok a même permis à sa maison mère de déloger Uber de sa place de startup la mieux valorisée au monde. La valeur de Bytedance serait aujourd’hui estimée entre 50 et 75 milliards de dollars (entre 43 et 64 milliards d’euros).

Mi-juin, de nombreux utilisateurs de TikTok s’étaient vantés, dans des vidéos diffusées via l’application, d’avoir saboté le meeting de campagne pour sa réélection que Donald Trump avait prévu à Tulsa, dans l’Oklahoma.

Les utilisateurs de l’application affirmaient avoir réservé des dizaines de places sans aucune intention de se rendre à la salle omnisport de la ville qui n’a finalement accueilli que 6 200 personnes, soit moins d’un tiers de sa capacité (20 000 personnes).

Mais les attaques de l’administration Trump contre TikTok ont pour contexte général une montée brutale de la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis qui s’apparente à une nouvelle guerre froide.

Après avoir mené une campagne internationale de pressions pour interdire à l’équipementier en télécommunications chinois Huawei de participer à l’installation des nouveaux réseaux 5G un peu partout dans le monde, les Etats-Unis ont annoncé la fermeture du consulat de Chine à Houston au Texas le 22 juillet, «afin de protéger la propriété intellectuelle américaine».

En rétorsion Pékin a immédiatement ordonné la fermeture du consulat des Etats-Unis à Chengdu, dans le Sichuan, expliquant dans un communiqué que cette décision était «une réponse légitime et nécessaire aux mesures déraisonnables des Etats-Unis».

Interrogé depuis sur les annonces de Donald Trump à propos de TikTok, Wang Wenbin, un porte-parole de la diplomatie chinoise, a accusé les Etats-Unis de s'en prendre régulièrement à des entreprises étrangères en abusant de la notion de sécurité nationale.

Pékin dénonce une «intimidation pure et simple»

«Cela va à l'encontre des principes de l'économie de marché et des principes d'ouverture, de transparence et de non-discrimination de l'OMC», a-t-il déclaré devant la presse, qualifiant l’attitude des Etats-Unis d'«intimidation pure et simple».

Sans aller jusqu'à annoncer des mesures de rétorsion, Wang Wenbin a déclaré que Washington était en train d'ouvrir «la boîte de Pandore» et estimé que si l’exemple des Etats-Unis était suivi, «n'importe quel pays pourra[it] prendre des mesures similaires à l'encontre d'entreprises américaines au nom de la sécurité nationale».

La tension n’est d’ailleurs pas prête de retomber, car le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, cité par plusieurs agences américaines, a annoncé le 3 août que Donald Trump prendrait prochainement des mesures en ce qui concerne «un large éventail de risques pour la sécurité nationale que présentent des logiciels connectés au Parti communiste chinois».

Ivan Lapchine