Verdir l’économie, en continuant comme avant ?
En clôture de la Convention citoyenne pour le climat Emmanuel Macron a estimé que «le choix de la décroissance» n’était pas une réponse au défi environnemental. Mais la transition écologique est-elle compatible avec le modèle de croissance actuel ?
«Je crois à la croissance de notre économie». Sur les 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Macron n’en aura rejeté que 3, mais pas des moindres : la taxe de 4% sur les dividendes, l’abaissement de la limitation à 110 km/h sur autoroute, et l’inscription de l’environnement en tête de la Constitution. Après la percée des écologistes aux dernières municipales, le chef de l’Etat a promis de porter certaines des propositions de la Convention à l’agenda du prochain Conseil de défense écologique, et d’en intégrer d’autres au plan de relance prévu pour la fin de l’été. Un référendum pourrait même être organisé l’an prochain sur des questions liées à la Constitution.
Si Emmanuel Macron était cohérent, il dirait qu’il faut subventionner la production de biens nécessaires à la transition énergétique, comme les panneaux solaires, dont toute la production est partie en Chine
Beaucoup d’engagements et de grands projets, mais pas de quoi impressionner David Cayla, économiste et chercheur à l’Université d’Angers. Pour lui, «la feuille de route de la Convention citoyenne pour le climat était déjà très réduite. Elle visait surtout à limiter les émissions de gaz à effet de serre, pas à s’interroger sur un changement de modèle de croissance.» De plus, «certaines mesures comme la taxe carbone aux frontières ne pourraient s’appliquer qu’à l’échelle de l’Europe, pas de la France.» Jacques Sapir, économiste à l’EHESS et intervenant régulier sur RT France, regrette quant à lui le manque d’ambition de la démarche : «Si Emmanuel Macron était cohérent, il dirait qu’il faut subventionner la production de biens nécessaires à la transition énergétique, comme les panneaux solaires, dont toute la production est partie en Chine». Comme son confrère, l’économiste pointe les limites imposées par le cadre européen.
Sans grande surprise, les rares propositions écartées par le chef de l’Etat suscitent plus de commentaires que celles qu’il a validées. Comme la taxe de 4% sur les dividendes, qui selon Emmanuel Macron pourrait «décourager l’investissement». David Cayla y voit là un choix «symptomatique» du président, et «une stratégie d’attractivité du territoire français pour le capital déjà menée par François Hollande.» Un avis partagé par Xavier Timbeau, directeur principal à l’OFCE. Pour l’économiste, «Emmanuel Macron a abordé son quinquennat sous l’angle de la fiscalité du capital. C’était un axe important de sa reconquête des milieux économiques. Aujourd’hui, c’est son identité, son patrimoine politique. Il ne peut pas revenir dessus.» Autrement dit, on ne se refait pas.
Des études ont été faites qui montrent que le bilan écologique du Ceta est désastreux. Pas besoin de faire d’autres évaluations. Pourquoi ne pas dire que la France ne ratifiera pas ?
Écarter l’abaissement de la limitation à 110 km/h sur autoroute, non plus, ne serait pas innocent à en croire David Cayla : «cette mesure pénaliserait les opérateurs autoroutiers. L’écart se vitesse se réduirait avec les routes secondaires, et cela ne vaudrait plus le coup de prendre l’autoroute !»
A l’inverse, Jacques Sapir constate que le chef de l’Etat n’a toujours pas renoncé au Ceta, cet accord de libre-échange entre l’Europe et le Canada, qu’il veut «continuer à évaluer». L’économiste sort de ses gonds : «Des études ont été faites qui montrent que le bilan écologique du Ceta est désastreux. Pas besoin de faire d’autres évaluations. Pourquoi ne pas dire que la France ne ratifiera pas ?»
Alors que faut-il retenir de déterminant dans les annonces d’Emmanuel Macron ? La promesse d’un plan de 15 milliards d’euros sur 2 ans pour la «conversion écologique de l’économie ?» Xavier Timbeau y croit. «Ça peut faire la différence. Quand on parle de plans de relance à plusieurs points de PIB, mettre 15 milliards, c’est faisable. Et si l’argent va dans la rénovation énergétique des bâtiments, cela peut créer beaucoup d’emplois.» Jacques Sapir est plus sceptique : «C’est à la limite du crédible. Est-ce qu’il s’agit réellement de dépenses ou de prêts ? Le gouvernement joue sur l’idée qu’il met des milliards sur la table, mais quand on regarde de plus près, on voit qu’il y a très peu d’argent frais.» David Cayla lui non plus ne se fait pas trop d’illusions sur ces 15 milliards étalés sur 2 ans. «Cela fait 7,5 milliards par an, ce n’est pas beaucoup.» Pas assez en tous cas pour en faire le «tournant écologique» annoncé.